arch/ive/ief (2000 - 2005)

Irak : la guerre a déjà commencé !
by Patrick Gillard Thursday January 23, 2003 at 02:22 PM
patrickgillard@skynet.be

La guerre préventive que les États-Unis et l'Angleterre promettent à l'Irak depuis la guerre du Golfe, et que des informations quotidiennes, la plupart du temps invérifiables, ne cessent de venir confirmer ou démentir le déclenchement imminent, a en réalité déjà commencé depuis longtemps, sans que l'on veuille vraiment s'en rendre compte.

En accélération ces dernières semaines, la gigantesque concentration de troupes et de matériel militaire américano-britanniques dans la région du golfe Persique est facilitée par la collaboration de certains pays alliés, comme, par exemple, la Belgique qui accepte non seulement de faciliter le passage sur son territoire et l'embarquement à Anvers de convois militaires étasuniens en provenance d'Allemagne et à destination du théâtre des opérations guerrières, mais aussi de relever une partie des troupes américaines d'Afghanistan en partance elles aussi pour le Moyen Orient. (1) Ces préparatifs soi-disant dissuasifs ne leurrent pas l'unique parlementaire indépendant belge : Vincent Decroly y reconnaît en effet la déplorable preuve qu' « il va y avoir une guerre en Irak. Et [que] cette intervention unilatérale a commencé depuis longtemps. » (2). Dans une récente intervention à la Chambre des représentants, l'ex-député ECOLO explique en effet de manière convaincante que cette intervention « avait déjà commencé avant le revirement du régime irakien sur la question des inspections onusiennes en désarmement, qui est quand même un fait politique incontestable et important. Elle a continué, cette intervention unilatérale que vous persistez à ne pas voir, depuis ce revirement et elle se poursuit et s'amplifie en dépit du fait que ces fameuses armes de destruction massive dont on disait qu'elles étaient détenues par le dictateur de Bagdad, on n'en a toujours pas trouvé de traces probantes jusqu'ici. » (2).

Et ce ne sont certainement pas les trop vite mentionnés « incidents quasi quotidiens [qui] opposent l'Irak aux avions de combat américains et britanniques survolant les zones d'exclusion aérienne imposées par Washington et Londres [ - c'est-à-dire unilatéralement, sans reconnaissance par l'ONU - ] au nord et au sud de l'Irak après la guerre du Golfe » (3) qui viendront infirmer la thèse assurant que la guerre d'Irak a déjà commencé, à moins qu'elle n'ait peut-être jamais vraiment cessé depuis l'opération "Tempête du désert".

Intervenant simultanément sur plusieurs fronts, la politique des gouvernements étasunien et britannique complique, il est vrai, la lecture critique des événements de l'actualité internationale de tous les jours et peut même donner l'impression au citoyen inattentif qu'en ce qui concerne la guerre en Irak, rien n'a encore été définitivement décidé. D'un côté, George W. Bush et Anthony Blair avancent unilatéralement leurs pions sur l'échiquier de la guerre, en concentrant sans entrave notable un maximum de forces militaires autour du pays de Saddam Hussein - prélude à une inéluctable invasion -, pendant qu'un incessant ballet diplomatique, dont Ankara fut - à ma connaissance - la dernière étape positive, vise à former une large coalition internationale, comparable si possible à celle jamais égalée qui soutînt les mortels et inutiles bombardements d'Afghanistan. Et de l'autre côté, sans doute influencé par les discours pacifiques des frêles colombes survivant encore dans son entourage, le président Bush jr. a peut-être mis à contrecoeur le pied dans l'engrenage administratif des résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ce possible faux pas tactique - on le voit bien ces tout derniers temps - embarrasse l'administration Bush qui a tendance à s'énerver et à élever le ton. Il réduit en tous cas un peu la marge de manoeuvre américaine sur la voie multilatérale étant donné que, par les hasards du calendrier, la France, qui dispose déjà d'un droit de veto au Conseil de Sécurité, et l'Allemagne, unies plus que jamais dans leur souci de promouvoir le multilatéralisme, viennent toutes les deux d'être promues à des postes d'importance au sein de cette instance onusienne.

Le président des États-Unis réussira-t-il à accorder les agendas des deux voies bellicistes diamétralement opposées qu'il a ouvertes de concert, peut-être à son corps défendant ? On peut en douter, car la lecture du texte de la fragile résolution 1441 sur laquelle tout reposerait pour les naïfs que nous sommes, donne évidemment lieu à de nombreuses interprétations impossibles à rapprocher, vu l'état d'avancement des préparatifs de la phase finale de la guerre sur le terrain. Mais s'en inquiétera-t-il vraiment ? Pressé par le temps - les conditions météorologiques irakiennes représentent également un critère important à prendre en compte, surtout si l'on envisage une attaque au sol -, George W. Bush, qui a sans doute déjà fixé la date du début de l'offensive irakienne sur un jour de la seconde quinzaine du mois de février 2003, choisira peut-être d'y aller seul, c'est-à-dire avec au moins son indéfectible allié de Londres. Prendrait-il ainsi un risque dépassant les dangers limités d'une guerre dont tous les spécialistes prévoient une issue victorieuse rapide pour les troupes américano-britanniques ? Non pas vraiment. Dans ce cas de figure, c'est surtout l'ONU, a fortiori la France et l'Allemagne et par conséquent toute l'Union européenne, déjà déchirée par le suivisme anglais, qui seraient mal positionnés. Comment arrêteraient-ils des belligérants qu'ils ont laissé faire, voire encourager, jusqu'à présent ? Défenderaient-ils l'Irak ?

Armés du plus grand appareil de propagande, de désinformation et de relations publiques au monde, les États-Unis, profitant le cas échéant du travail ininterrompu des inspecteurs en désarmement, pourraient aussi - autre scénario possible - parvenir à confondre rapidement Saddam Hussein, à le prendre soi-disant en flagrant délit de détention ou de fabrication d'armes de destruction massive, ou à tout le moins à le faire croire à l'opinion publique internationale par un montage de toute pièce dont les États-Unis ont le secret, pour que le Conseil de Sécurité onusien donne sur le champ son feu vert à une guerre préventive pourtant déjà commencée sur le terrain, via l'émission d'une seconde résolution.

La société Rendon Group et le cabinet Hill & Knowlton, pour ne citer que les armes les plus affûtées de l'arsenal propagandiste américain - sans omettre le prétendument disparu Bureau d'Influence Stratégique - sont donc déjà également sur le pied de guerre. Et il n'est sans doute pas inutile de rappeler ici que « le mensonge de l'accumulation de troupes à la frontière de l'Irak a servi de «justification» à l'agression, et celui des bébés sortis des incubateurs de caution morale » (4), lors de la dernière guerre du Golfe. Car aujourd'hui, « l'histoire semble vouloir se répéter. Les fameuses armes de destruction massive dont disposerait l'Irak ressemblent de plus en plus aux troupes et aux tanks inexistants de 1991. Et les propagandistes ressortent [aussi] l'histoire des bébés. Le 7 décembre, HBO, la chaîne câblée de AOL Time Warner, aussi propriétaire de CNN, diffusait un documentaire romancé sur la couverture de la guerre du Golfe par CNN, reprenant l'histoire des bébés sans la démentir. » (4) .

De plus, les « empêcheurs de tourner en rond » (5) ont intérêt à bien se tenir parce qu' « à la mi-décembre [2002], les spécialistes américains des actions psychologiques ont désigné les cibles prioritaires : la France et l'Allemagne » (5), qui défendent trop fermement le contenu de la résolution 1441 aux yeux de Washington qui a donc « décidé d'entreprendre une vaste campagne de propagande en Europe, en utilisant tous les moyens ; de la désinformation à la corruption de journalistes et d'écrivains... Le but est simple : éliminer les dirigeants politiques, les entreprises et les intellectuels qui s'opposent à la guerre en Irak. » (5).

Bref, les gouvernements étasunien et britannique qui ont déjà commencé la guerre contre l'Irak peuvent très bien la poursuivre unilatéralement. Mais ils possèdent de surcroît les moyens d'information leur permettant de convaincre, voire de tromper, les membres du Conseil de Sécurité de l'ONU sur le danger que représenterait l'Irak, autorisant de la sorte le déclenchement de la phase finale d'une guerre unilatérale qui se déroule déjà devant nous, c'est-à-dire l'invasion du pays de Saddam Hussein soutenue par la communauté internationale.

Mais attention ! Car, comme le souligne fort justement Noam Chomsky, dans la conclusion d'un fort intéressant opuscule, « le problème qui se pose ne met pas simplement en cause la désinformation et la guerre (...). L'enjeu est bien plus important. Il s'agit de savoir si nous voulons vivre dans une société libre... » (6). C'est par conséquent aussi un pan de cette liberté - de notre liberté - que la France, l'Allemagne et l'ONU tiennent encore désespérément entre leurs mains.

Patrick Gillard, historien.
Bruxelles, le 23 janvier 2003

Notes

(1) Cf. par exemple : Eddy Surmont, La Belgique, étape sur la route d'Irak, dans Le Soir, mardi 14 janvier 2003, p. 7 et Gérald Papy, Soldats américains : retour à la sérénité, dans La Libre Belgique, mardi 14 janvier 2003, p. 8.

(2) Chambre des Représentants de Belgique, Compte Rendu Intégral, Séance plénière, vendredi 17 janvier 2003, p. 26.

(3) Avec AFP, Bagdad accueille les inspecteurs, Washington fait monter la pression, dans Le Monde, 19 novembre 2002 (http://www.lemonde.fr/article/0,5987,3218--298725-,00.html).

(4) Jacques Bouchard, Irak : crimes de guerres et relations publiques (http://www.terredescale.net/article.php3?id_article=224).

(5) Jean-Baptiste Jusot, La France et l'Allemagne ennemis publics numéro un ?, Infoguerre.com, 11 janvier 2003 (http://www.infoguerre.com/article.php?sid=461).

(6) Noam Chomsky, Les exploits de la propagande, dans Noam Chomsky et Robert W. McChesney, Propagande, médias et démocratie, Écosociété, 2000, p. 77.

Noam Chomsky
by Dafné Thursday January 23, 2003 at 03:43 PM

Noam Chomsky??
c'est pas ce vieux antisémite qui glorifie les kmers rouges?
ces sources proviennent de personne complétement raciste!!!

Noam Chomsky 2
by Patrick Gillard Thursday January 23, 2003 at 04:59 PM

« Sa défense inconditionnelle de la liberté de l'intellectuel vis-à-vis du pouvoir a même pu l'amener à commettre un faux pas, quand dans les années 1970 il s'est vu bien malgré lui (il n'avait pas pu, précisions-le, le texte du négationniste) l'otage de l'affaire Faurisson » Thomas Regnier (11/03/2002)

Personne n'est parfait.

Hummmm ....
by BurningHead Thursday January 23, 2003 at 05:23 PM

Traiter un juif d'anti-semite c'est le fin du fin de la connerie dafné.