Commentaire d'un pilote d'avion de ligne concernant les mesures d'expulsion by fran Monday January 13, 2003 at 11:45 PM |
fran@AlterMundus.net |
Le principal problème est qu'il est très difficile de juger de l'évolution d'une situation à l'arrière de l'avion à un moment, la préparation du vol, où la charge de travail est très importante dans le cockpit.
Je pense donc que la meilleur solution est de refuser catégoriquement l'embarquement quand le passager montre le moindre signe de résistance.
Je me targue de n'avoir JAMAIS emporté un passager qui ne désirait pas partir à bord d'un de mes avions. C'était très simple quand je volais sur des appareils immatriculés en Belgique. La loi belge est d'application dans ces avions et l'arrêté royal mis au point par le cabinet Durant après la mort de Sémira Adamu nous servait beaucoup. Il offrait un texte qui permettait même au plus "froussard" des commandants de refuser des"déportés"sans craindre pour son emploi. Cet arrêté régissait toute la procédure d'expulsion dans des avions "publics".
En pratique nous demandions aux passager déporté si il ou elle désirait partir.
La réponse était en général affirmative car la plupart des expulsions se faisaient vers Varsovie (je volais sur le réseau européen). Il semblerait que ces personnes étaient même plutôt contentes de rentrer en Pologne par avion pour revoir la famille avant de revenir en Belgique, par la route, un peu plus tard. C'est du moins ce que m'ont rapporté des hôtesses après avoir recueilli les confidences de ces passagers. J'ai toujours eu des doutes envers cette explication qui me semblait trop "confortable" pour la conscience des équipages. Peut-être était-ce ce que la police faisait croire aux ressortissant polonais pour faciliter leur expulsion. Toujours est-il qu'en effet très peu semblaient désirer rester en Belgique.
Quand un passager ne voulait pas partir nous refusions l'embarquement en brandissant le fameux arrêté dès que la police tentait de faire pression sur nous.
Maintenant je vole à bord d'avions immatriculés au Maroc depuis une base française. L'avion est donc considéré comme territoire marocain et la loi marocaine y est d'application. Hors, j'ignore complètement la loi marocaine et ne sais même pas si une procédure ou un texte existe qui fixe les modalités de voyage des déportés. Je pense que j'utiserais la convention de Tokyo qui précise le pouvoir du commandant de bord (et qui est ratifiée par le Maroc) mais qui n'est d'aplication que si LES PORTES DE L'AVION SONT FERMEES. Cette convention dit bien que le CDB à le pouvoir de refuser TOUT passager à bord de son avion si il juge que la sécurité est en jeu. Les policiers français auront donc bien le droit, après accord avec le Maroc, de mettre un passager "forcé" à bord de mon avion. Une fois les portes fermées, je peux décider que la sécurité de ce passager est en cause et le faire débarquer. Que de circonvolution pour n'appliquer finalement "que" les droits de l'Homme.
Je me suis déjà demandé comment réagir face à une tentative de "coup de force" de la police pour m'imposer un déporté depuis que je n'ai plus de texte légal pour m'en protéger. La conclusion de mes cogitations est la suivante :
Dans le cas d'un passager qui ne veut pas embarquer :
a) J'ai l'autorité légale de m'oposer à l'embarquement AVANT qu'il ne monte à bord :
je refuse l'embarquement au moindre signe de résistance, point final (facile!).
b) Je n'ai pas cette autorité et dois attendre la fermeture des portes pour l'avoir:
Si ça se complique, je peux quitter l'avion avant la fermeture des portes afin de faire pression sur la police (mais la compagnie peut désigner un autre pilote). Pas question de résister physiquement seul face aux policiers en cas de violence de leur part envers un prisonnier, reste à essayer de créer un soulèvement des autres passagers. Le fait de voir le pilote quitter l'avion ou s'adresser à eux peut avoir un effet déclencheur. A tenter... mais si ça dégénère et que ça tourne en bagarre rangée dans l'avion....
c) Le passager ne s'oppose pas à l'expulsion jusqu'à ce que les moteurs soient allumés et l'avion en train de rouler vers la piste de décollage:
C'est un des cas les plus courant car les personnes déportées qui ont été bien conseillées savent qu'alors c'est le commandant de bord qui décidera de tout et qu'aucun pilote ne décollera avec un passager qui se débat en cabine. Le risque est très grand que, sachant cela, les policiers fassent un maximum pour étouffer les cris de leur prisonnier. Le seule espoir est que les autres passagers ou l'équipage de cabine réalisent le problème et m'en avertissent. Il n'y a aucune chance que je réalise quoi que ce soit avec la porte du cockpit fermée (une obligation depuis le 11 septembre) et les nombreuses check-lists et maneuvres à effectuer pour le décollage.
Ce que j'ai vu jusqu'à présent des policiers de la PAF de Charles de Gaulles me fait penser qu'ils ne sont ni meilleurs ni pires que nos gendarmes.
Post Scriptum by fran Monday January 13, 2003 at 11:53 PM |
fran@AlterMundus.net |
Le texte n'est pas de moi, bien évidemment. Mais je connais la personne à qui ce pilote a envoyé ce texte. La source me paraît donc crédible.