Mobilisation autour de la réforme du décret sur l'éducation permanente by collectif Saturday January 11, 2003 at 06:33 PM |
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Derrière ce nom un peu rébarbatif, se cache un cadre législatif pour «développer une prise de conscience et une connaissance critique des réalités de la société; des capacités d'analyse, de choix, d'action et d'évaluation; des attitudes de responsabilité et de participation active à la vie sociale, économique, culturelle et politique».
Lorsque Rudy Demotte annonça qu'il allait réformer le décret de 1976 sur l'éducation permanente c'était, disait-il, pour permettre à celui-ci d'avoir un "rôle de levier et de faciliter l'émergence d'associations qui appréhendent de nouvelles questions de société et où s'inventent de nouvelles formes d'organisation, d'apprentissage et de résistance".
Deux ans plus tard, une cinquantaine d'associations se mobilisent à Bruxelles et en Wallonie sur base d'un constat amer: le projet conçu par le ministre s'est totalement détourné de ses objectifs de départ.
Les propos de Demotte, ainsi que les interventions d'orateurs sollicités pour lancer le débat public sur sa réforme, laissaient présager une refonte en profondeur. L'enjeu en valait bien la chandelle. Après tout, il s'agit du seul cadre juridique où un pouvoir public soutienne des initiatives qui ont pour vocation de "développer une prise de conscience et une connaissance critique des réalités de la société; des capacités d'analyse, de choix, d'action et d'évaluation; des attitudes de responsabilité et de participation active à la vie sociale, économique, culturelle et politique" (1), et ce, quels que soient les supports que les associations estiment pertinents pour y arriver. La réforme avait d'autant plus de sens qu'elle voulait adapter le décret à de profonds changements dans la société. Aujourd'hui, les luttes autour du travail ne sont plus seules à rendre vivant l'espace public: de nombreux groupements se créent et agissent à partir de questions multiples liées à la vie quotidienne et revendiquent la reconnaissance de leurs actions qu'elles mènent sur des bases volontaires sans attendre ni validation politique ni soutien économique.
En fait de "vaste concertation", c'est le Conseil supérieur de l'Education permanente et ses principaux membres qui furent quasi exclusivement associés à l'écriture du nouveau texte. En clair: les représentants des organisations reconnues (et souvent liées aux piliers de la société belge: socialiste, chrétien, laïc...), évidemment peu enclins à "ouvrir" largement le secteur - surtout après de longues années de vaches maigres.
Une cinquantaine d'associations (2), qui s'étaient senties concernées par les propos du Ministre, tentent donc aujourd'hui de se faire entendre collectivement. La plupart d'entre elles sont peu ou pas subventionnées en Education permanente, mais sentent une filiation entre leur action et l'esprit initial de ce texte bien plus qu'avec n'importe quel autre décret. Ce qui les rassemble n'est pas l'usage d'un médium commun, ni une quelconque vision englobante du monde. Ce qui les fait agir, ce sont des situations d'injustice, des manques qu'on cherche à combler... Ici, l'échiquier central est l'espace public, le territoire ne se confine pas à une aire géographique et la notion "d'acteurs" ou "d'usagers" d'un projet est préférée à celle du sacro-saint "public cible".
Voilà pourquoi la tendance actuelle de professionnalisation de l'éducation permanente nous est préoccupante. En effet, un seul axe dans le nouveau décret valorise la participation et la mobilisation directe des citoyens dans une perspective d'émancipation et de changement. Les trois autres renforcent la production de services (formations, outils, recherches, analyses, campagnes) organisés par des professionnels et consommés par des publics peu impliqués dans la conception de ces actions.
Dans le nouveau projet, un aspect aussi fondamental que les modes d'évaluation est complètement passé sous silence. Les nouveaux mécanismes se préoccupent bien plus de conforter les organisations reconnues: sur une période transitoire de trois ans, des dispositifs de financement seront même mis en œuvre afin d'éviter leur fragilisation. Quid dès lors des activités qui ont perdu tout caractère d'éducation permanente mais sont toujours financées, ces fameuses "branches mortes" signalées par le ministre? Et quid pour éviter la disparition d'associations qui font un travail d'éducation permanente mais qui elles ne sont pas soutenues? Leur subventionnement est purement et simplement conditionné à la question des limites budgétaires. Vive l'émergence...
Mais au fait, que signifie-t-il au juste ce terme d'"émergence"? Définit-il des groupes fraîchement constitués? Des pratiques novatrices? Lesquelles? La réponse revient à Rudy Demotte: "L'émergence est ce qui est dérangeant aujourd'hui mais qui constituera la référence pour demain" (3). Si c'est lui qui le dit...
(1) Décret de 1976.
(2) Acteurs de l'ombre, Ambassade universelle, Aphraate, Les Bains::Connective, Bruxelles nous appartient, Bureau vers plus de bien-être, C4-D'une certaine gaité, Campagn'Art, Centre Nerveux, Cinéma Nova, City Mine(d), Collectif sans ticket, Les Corsaires, Cube, La Dissidence, diSturb, En Transformation, Etablissements d'en Face, La Ferme du Biéreau, Flying Cow, Genres d'à côté, Gramsci / Carlo Lévi, GReFA (Groupe de recherche et de formation autonome), Kan'H, Magazins, Moving Art Studio, Nova.Express.Org, Parcours Citoyens, Plus Tôt-Te Laat, Polymorfilms, Projection Caliban, Les P'tits Belges, Radio Boups, Radio Panik, Recyclart, Rencontres pour Mémoire, Souterrain Production, Témoins occulistes, Théâtre Le Café, Tilt!, Violette & Marguerite.
(3) Rudy Demotte, le 19.11.2002 au Théâtre Marni.
Voilà pourquoi aura lieu:
> samedi 18 janvier à 13h00
un après-midi de discussion et de délibération, entre l'ensemble des collectifs et associations qui se sentent concernés par cette action.
> à Bruxelles, 43 rue des Chartreux (près de la Bourse).