arch/ive/ief (2000 - 2005)

De la mort de la politique à la politique de la mort
by Vis-à-vis Sunday January 05, 2003 at 12:46 PM
karletto@rm.ats.it

"De la mort de la politique à la politique de la mort" Karletto n°1, Vis-à-vis, cahiers pour l'autonomie de classe http://web.tiscali.it/visavis/ email: karletto@rm.ats.it Guerre et lutte de classe sur l'horizon du marché mondial: conflits inter-impérialistes et prolétariat universel


"De la mort de la politique à la politique de la mort" Karletto n°1, Vis-à-vis, cahiers pour l'autonomie de classe

http://web.tiscali.it/visavis/
email: karletto@rm.ats.it

Guerre et lutte de classe sur l'horizon du marché mondial:
conflits inter-impérialistes et prolétariat universel

I

Les Dérives Nécrogènes Du Capital Total En Guerre


1. La crise objective de l'accumulation capitalistique

Comme il est désormais clair même pour les optimistes chanteurs des "magnifiques destinées et progressives" de la société du capital, aujourd'hui nous nous trouvons face à une crise prolongée, de laquelle il est impossible de sortir avec les outils ordinaires de la politique économique ou par des redressements automatiques du marché. La crise actuelle est une crise "objective de modèle", qui arrive après un trend de trente ans de stagnation de l'économie internationale, interrompu seulement par plusieurs phases (moitié des années 80, fin des années 90) d'expansion cyclique. Une crise qui apparaît de plus en plus difficilement réversible, vue l'impossibilité désormais prouvée, pour les mécanismes de l'accumulation, d'assurer le développement complet du cycle de la valorisation. La conséquence est que maintenant, sur presque toute la surface du globe (pas seulement dans ledit "Tiers-Monde", mais aussi et de plus en plus à l'intérieur des métropoles capitalistes), le Capital ne parvient pas à nourrir ses "esclaves", c'est-à-dire qu'il n'arrive pas à garantir la reproduction de la force-travail employée, après en avoir condamné une grande partie à la marginalité structurelle; une marginalité structurelle - non pas une pause provisoire dans des emplois stables - et fonctionnelle à la valorisation, à savoir dérivant non pas de l'imparfait fonctionnement des mécanismes du marché, mais de leur déploiement définitif. En outre, on voit désormais s'accomplir ce pillage et cette spoliation des ressources éco-systémiques qui font assumer à la crise l'apparence d'une véritable "apocalypse" implosive, d'un processus inhérent aux vicissitudes d'ensemble de l'humanité et de son environnement, et non seulement aux variables économiques.

Si on veut saisir les causes et le contexte des événements explosifs qui ont caractérisé ces mois, et les profonds, bien que moins apparents, processus de mutation connexes, on ne peut pas ignorer ce dirimant et essentiel cadre de référence. En somme, sur les traces de ce que 77 avait déjà compris par intuition avec une finesse surprenante, la thèse que Vladimiro Giacché aussi avance et argumente dans l'article ici présenté, affirme que "sur l'arrière plan de cette phase de l'histoire du capital il y a la crise".

A ce propos, les mots de Marx viennent tout de suite à l'esprit, quand il décrit le capital comme "la contradiction en devenir" ou comme la "vraie limite de lui-même". Et à nous aussi, qui - comme on le sait - n'avons aucune sympathie pour "Vladimir" (on parle du russe naturellement), reviennent en mémoire ses pages sur l'impérialisme et les caractéristiques spécifiques qu'on y trouve en tant que connotations particulières de tel stade de développement du capital: <<l'impérialisme est [...] le capitalisme parvenu a cette phase de développement dans laquelle s'est formée la domination des monopoles et du capital financier, l'exportation de capitaux a acquis une grande importance, la répartition du monde entre les trust internationaux a commencé, et la répartition de l'entière surface de la terre entre les plus grands pays capitalistes est déjà accomplie>>.

Il faudrait faire une analyse sérieuse et approfondie des différences entre notre phase et celle décrite par Lénine. Au-delà des simples slogans sur la globalisation, un thème mériterait une attention spéciale: le développement des investissements directs étrangers, dans les derniers dix ou vingt ans, a été certainement imposant, mais cela a-t-il annulé la base nationale (ou macro-régionale en tout cas) de chaque capital particulier? Si c'était vrai on se retrouverait effectivement face à un cadre très différent par rapport au passé. En particulier viendrait à manquer la base de tout conflit interimpérialiste, c'est-à-dire entre appareils d'état qui soutiennent leurs capitaux de référence respectifs.

Si on met de côté les slogans vides de pensée et pleins d'idéologie, aujourd'hui très à la mode, nous pouvons faire certaines découvertes intéressantes. Nous découvrons par exemple, que les dynamiques déclenchées par ce qu'on appelle la new economy ressemblent très peu à celles de l'économie informatisée des réseaux, tant exaltée par l'incontournable Totonno Negri, infatigable "perroquet" parmi les plus réputés rossignols du Prince.
En fait, l'énorme bulle spéculative qui a accompagné la croissance de cette "nouvelle économie", fait penser, de façon beaucoup plus sensée (et sur la base d'un mouvement cyclique dans cette direction, historiquement déjà ultra-expérimenté) à une phase intense et prolongée de "financiarisation" du capital lequel, face à des difficultés de valorisation de plus en plus lourdes, sur le front de la production, tend naturellement à privilégier les investissements purement spéculatifs (voire de capital "fictif") en déclenchant une spirale qui, cependant, ne parvient pas à se rompre, étant données les énormes et croissantes difficultés à investir "productivement" en période de crise consolidée de super-production.

Et cela, évidemment, sans toutefois invalider l'incontestable constatation que l'informatisation a eu un impact effectif et très important sur le processus de valorisation, même si une telle "rechute" n'a pas concerné la croissance de la productivité en soi, mais le raccourcissement exponentiel des temps de circulation, tant au niveau du cycle total du capital qu'à l'intérieur du cycle de la production en tant que tel. A tel point que la dernière et "épique" révolution technologique à base télématique, inaugurée par la découverte du "microchip", vers la moitié des années soixante-dix, a été immédiatement chevauchée par Monsieur le Capital sur un ton manifestement "politique": en effet, elle a représenté le levier pour faire sortir des gonds la rigidité du circuit machinal, sur lequel s'était modelée une composition de classe donnée, qui s'était fait elle-même "variable indépendante" grâce à cette anélasticité du corps-usine, dans lequel elle effectuait son propre travail. L'extrême "flexiblisation" du cycle productif consentie par l'introduction des outillages à contrôle informatique, eut enfin raison d'un type d'ouvrier (le "bleu de travail" en italien, "l'ouvrier-masse") qui de la rigidité avait su tirer sa propre force, en se faisant radicalement incompatible par rapport au commandement d'entreprise et aux exigences du profit, durant un cycle entier de luttes, né à l'aube des années 60 et définitivement vaincu à la fin des années 70.

2. Conflictualités inter-impérialistes et unipolarisme étasunien.

L'hypothèse d'une surface planétaire désormais "lisse" et privée de tout obstacle aux investissements du capital, semble en outre se heurter à l'un des phénomènes les plus remarquables au niveau géopolitique: le conflit grandissant entre les zones monétaires américaine et européenne. Avec la naissance de l'Euro, non sans raisons fortement contrariée par les U.S.A., le dollar risque de perdre sa fonction d'équivalent général sur le marché mondial, ou - si l'on préfère - son rôle de monnaie de réserve globale. Par là se réduit cet "vasselage" absolu du dollar, par l'entremise du quel les U.S.A ont été, jusqu'à présent, en mesure de stoker des richesses dans le monde entier, en se permettant un déficit astronomique de la balance commerciale, compensé par le flux de capital en entrée. Tout ce mécanisme, qui par ailleurs a consenti la croissance exorbitante des valeurs boursières américaines, pourrait définitivement se dissoudre ou perdre sa potentialité avec le consolidation de l'Euro (à ce propos, rappelons qu'en juillet 2001 les transactions internationales dénommées en Euro étaient égales à 30% du total mondial, face au 24% enregistré fin 98).

En effet, bien que dans le panorama de la crise de super-production la dévaluation du dollar puisse soulager la balance commerciale catastrophique des U.S.A., la faiblesse du "billet vert" va de pair avec le grave affaiblissement de son rôle de monnaie mondiale, auquel l'économie yankee est étroitement liée. Si on s'arrête à la logique de la pure économie du marché, en somme ce que les U.S.A gagnent d'un côté, ils le perdent de l'autre et avec des intérêts qui risquent de devenir vraiment "salés". Afin d'éviter, donc, que tout se réduise à un jeu "à somme zéro", ou carrément négative, il faut faire intervenir un élément extra-économique (tout au moins selon l'acception dominante de l'"économique"), un facteur qui rompe la dynamique inertielle des automatismes du marché et qui y introduise des forcements bien ciblés à caractère politique et, substantiellement, d'état. La libre compétition économique cède alors le pas à une dynamique de conflit politique-économique ouvert et ainsi réapparaît, avec une vigueur renouvelée, l'ancien protectionnisme don't on avait été décrété la mort trop tôt, à partir de tous les "globalistes" aussi bien de droite que de gauche.

Les droits d'entrée sur les importations d'acier, de la part des États Unis pourraient donc être le premier chapitre d'une longue histoire, faite de coups et contre-coups. Chaque mesure protectionniste, en effet, donne vie à une autre égale et contraire, à condition qui la cible de la première disposition soit assez forte pour se le permettre. Et l'Europe certainement s'apprête à le devenir définitivement, même si elle est encore gravement atteinte dans son talon d'Achille: à sa force économique ne correspond pas une force aussi considérable d'un point de vue politique et, surtout, militaire.
Serait-ce pour cela que les États Unis se promènent dans la planète en disséminant des bombes et en édifiant des bases militaires? Serait-ce aussi pour cela que, face à la crise, les U.S.A. ont décidé de répondre à leurs adversaires sur l'unique terrain où ils trouvent nettement avantagés par rapport aux autres, c'est à dire le terrain militaire?

Enfin, au delà des approfondissements nécessaires au niveau analytique, que nous avons mentionnés toute à l'heure, la dynamique qui se profile à l'horizon n'a rien d'inédit et ses passages sont clairement prévisibles: crise, protectionnisme (en réalité jamais aboli envers les pays dominés), guerre!

L'objectivité de la crise de stagnation de super-production, qui tenaille Monsieur le Capital depuis désormais plus de vingt ans, déclenche, comme dans un jeu de dominos, une série incontrôlable de foyers de crises inter-capitalistique de plus en plus âpres et menaçantes et, dans la chute verticale d'une économie d'échelle incapable d'activer une demande adéquate, s'écroule le mythe de ce "développement de l'accueil" qui, nonobstant deux guerres mondiales, a caractérisé le cycle du capital tout au long de la première moitié du siècle qui vient de s'achever, jusqu'au dernier grand sursaut expansif de l'après guerre. Comme nous l'avons déjà dit, le capital n'arrive plus à "nourrir ses esclaves", à garantir les conditions minimes de survivance de la force-travail - tant de celle active (employée dans le processus de travail), que de celle mise en marge du marché -, car sa pleine utilisation ne serait pas fonctionnelle à la valorisation, tant que perdure cette situation de marché.

La conflictualité inter-impérialiste ne s'est pas encore transformée en guerre ouverte entre les principaux acteurs géopolitiques du globe et a été cachée sous le masque hypocrite des "opérations humanitaires de police internationale" contre les "États-canaille" et le "terrorisme international", en créant l'illusion d'un pouvoir capitalistique unifié à l'échelle mondiale.

Les choses, en réalité, sont bien différentes. Le pouvoir capitalistique dominant à l'heure actuelle, celui américain, que d'aucuns voudraient "biopolitique" et "impérial" (?!?), déroule sa puissance mortelle de guerre dans un panorama géographique qui:


A) peut facilement se superposer sur la carte des sources et des voies de distribution de l'énergie (Moyen Orient, Balkans, Caucase et Asie Centrale), montrant l'incessante dépendance de l'accumulation capitalistique des "facteurs objectifs habituels" de la production (cette "matière morte", liquide ou gazeuse, qui nécessite ensuite de l'autant indispensable "facteur subjectif", exécutable uniquement dans le travail humain);

B) trace une stratégie de contrôle préventif des acteurs géopolitiques potentiellement en mesure, à court ou moyen terme, de miner l'hégémonie américaine (Europe, Russie, Chine), en mettent en évidence une conflictualité inter-impérialiste en train de s'agraver profondément, bien qu'elle reste à un stade latent aujourd'hui, car actuellement aucune puissance n'est en mesure de contrer les États Unis simultanément sur le plan politique, militaire et économique;

C) last but not least, voit l'apparition inattendue et invraisemblablement sanglante d'un ennemi perfide là où depuis de longues années il avait essayé de garder le contrôle total, à travers une politique réfléchie faite de complicités obscures et de distribution d'innombrables privilèges et immunités: parmi les potentats de ce "monde arabe" qui, depuis toujours, représentent les alliés les plus précieux (après Israël) de Washington, dans l'une des zones en absolu les plus riches de pétrole. Et c'est là, en effet, qu'on doit chercher de toute évidence la matrice originaire, bien cachée, des "Twin towers". Au de la des délires pan-répressifs imaginés ad hoc et amorcés habilement contre le fantôme d'un indéfini "Grand Satan" du terrorisme international (qui, quelque part, s'est révélé être un allié presque trop commode), au delà de la contre-révolution préventive, cachée derrière la "guerre infinie", que ces délires prétendent légitimer, au delà de l'inhumaine condition de négation de la vie même, imposée aux masses démesurées d'hommes et de femmes, objectivement poussées dans une spirale de réactions désespérées, au delà de tout cela, il reste une donnée qu'on ne peut pas éluder - pour le moment occulté par les U.S.A., presque dans une sorte de désespéré "refoulement pour conjurer le mauvais sort" - la désormais évidente la longa manus de larges secteurs de la "ploutocratie tribale" de l'Arabie, derrière l'énorme potentiel organisateur et logistique militaire de Al-Qaeda. Un "pouvoir fort", avec des ramifications inextricables jusque dans le coeur de cette finance mondiale dont les États Unis eux-mêmes sont protagonistes fondamentaux, un "pouvoir" évidemment pas plus disposé à tolérer le rôle de subalternité/dépendance économique-politique imposé, quand bien même avec des gants de velours, par un si encombrant et avide allié-protecteur, un "pouvoir" déjà là, et prêt à déchaîner une véritable campagne de déstabilisation des équilibres géopolitiques, en exploitant les contradictions de l'adversaire et in primis, évidemment, celles qui garantissent l'enrôlement des troupes à coût zéro parmi les rangs illimités des vraies victimes de la férocité despotique de celui-ci.

Telles sont donc les fissures profondes et menaçantes, à la base de ce que certains fantaisistes aèdes de l'omnipotence "amérikaine" prétendraient proclamer comme le très consolidé "trône impérial" de l'Oncle Sam!

Pour ceux qui ne sont pas encore convaincus il suffit jeter un coup d'oeil - par exemple - à l'étude Global Trends 2015, élaboré par le N.I.C. (National Intelligence Council) e par la C.I.A.: parmi les situations envisageables pour 2015 on y trouve un cadre dans lequel "l'alliance entre U.S.A et Europe s'écroule, à cause de l'intensification des guerres commerciales et de la compétition pour la leadership sur les questions de la sécurité".
En même temps il se pourrait que "la Chine, l'Inde et la Russie forment de facto une alliance géostratégique, dans une tentative de contrebalancer l'influence étasunienne et occidentale" et/ou que "les principaux pays asiatiques établissent un fonds monétaire asiatique ou (ce qui est moins probable) une Organisation asiatique pour le commerce, sapant le F.M.I. et la W.T.O. (Organisation Mondial du Commerce) et par conséquent la capacité des États Unis d'exercer le leadership économique globale".

A propos de ces problèmes on peut lire aussi le document stratégique du 30 septembre 2001 du Pentagone: "Même si les États Unis n'auront pas en face, dans le futur proche, un rival de force égale, il existe la possibilité que des puissances régionales développent des capacités suffisantes à menacer la stabilité de régions cruciales pour les intérêts étasuniens. En Asie, particulièrement, il existe la possibilité qu'émerge un rival militaire avec une base de ressources aussi formidable". La référence à la Chine, possible géant économique et militaire d'un futur prochain, est suffisamment claire, ... pour l'Arabie on pense plus prudent de glisser pour l'instant, en attendant la succession à l'actuel monarque momifié, sur lequel se préparent des demandes de comptes de portée inimaginable, par ailleurs déjà bruyamment annoncées à l'avance - comme mentionné auparavent - et, jusqu'au présent habilement "récupérées" au service d'un temporaire renforcement de son rôle de gendarme mondial, par la Maison Blanche (depuis toujours maîtresse sans pareille de cynisme politique-militaire raffiné et atroce).

D'ailleurs, nous tenons à préciser que les hypothèses avancées par les documents-guide de la politique étrangère sont seulement des hypothèses prévisionnelles à moyen et long terme. Ce qui nous interesse ici c'est de souligner le fait qu'elles repèrent la précarité absolue comme trait caractérisant les relations entre les grands protagonistes de l'échiquier géopolitique, bien que évènements et dynamiques récents semblent, apparemment, tracer et anticiper un cadre de progressive atténuation des contrastes et des tensions. Parmi ces évènements, celui de majeur impact, médiatique-symbolique mais aussi bien substantiel, est constitué par le nouveau rapport (même si pour le moment à caractère consultatif exclusivement) qui s'est créé entre l'OTAN et la Russie. Un rapprochement que s'insère, en tout cas, dans une redéfinition globale du rôle de l'Alliance nord-atlantique. Putin en effet, il faut s'en souvenir, a imposé une majeure caractérisation en sens politique comme condition d'un véritable ralliement à l'OTAN de la part de la Russie. Et aux instances provenant de Moscou, il faut rajouter la considération du fait important que l'OTAN, pendant le démarrage de l'opération "Enduring Freedom", a été "écartée" de façon définitivement explicite. Si, justement, encore en1999 on discutait de l'élargissement du rayon d'action de l'OTAN, maintenant il est tout à fait clair que - surtout de la part étasunienne - il y a une tendance à la considérer "seulement" comme l'organisme militaire député à garantir la sécurité du contrôle dans le milieu strictement européen, c'est-à-dire rien de plus qu'une pièce de ce "nouvel ordre mondial possible", qui devrait être caractérisé par un réseau réticulaire d'alliances, apte à "blinder" le globe terrestre tout entier.

Par ailleurs, comme l'ont désormais remarqué de nombreux "spécialistes", dans l'OTAN la force des composantes européennes est destinée à s'accroître, à cause d'une manifeste orientation de la Maison Blanche dans le sens d'une majeure autonomie et d'un caractère de plus en plus unilatéral dans la résolution des controverses internationales. En effet, le temps n'est plus à l'interventionnisme combiné avec les autres puissances, sous la suprématie yankee, mais toujours à l'intérieur d'un raccordement formel de collaboration américaine avec l'engagement d'autres pays. Passée aussi l'auto-représentation de cette modalité d'action dans le panorama international: la "guerre éthique", l'interventionnisme lié à des raisons présumées "humanitaires" ont fait leurs temps. Si ces "idéalités très édifiantes"mettent déjà en évidence leur féroce hypocrisie spectaculaire, dans une tentative opiniâtre de mystification idéologique des "effets collatéraux" des opérations de guerre/humanitaires qui déchaînent immanquablement l'extermination de populations inermes, moins que jamais celles-ci peuvent-elles être objet de propagande alors que c'est désormais une puissance unique qui agit et qui, en totale autonomie, déclare la guerre à ce que, à chaque fois, elle-même s'arroge le droit d'identifier comme "Le Mal".
Il n'y a aucun doute, donc, que le moment que nous vivons soit marqué par l'unilpolarisme américain. Mais cet unilatéralisme ne renvoie pas (à la Toni Negri) à la force hyper-puissante d'un fantomatique, monolithique "Empire", mais plutôt à une effective perte d'hégémonie des U.S.A. qui, après 89, croyaient définitivement dominer en souverains incontestés/ables du monde.

Une perte d'hégémonie toujours plus dramatique et difficile à contenir, à moins de recourir à "l'habituelle chère vielle" recette guerrière de Monsieur le Capital : de là (mais pas seulement comme on verra), la nécessité de rétablir son propre rôle hiérarchique et apical, à travers la relance de "l'instance militaire" - à nouveau ouvertement "guerroyé", après des décennies de "pacifique guerre froide" - comme élément qui, en soi, peut permettre à Washington de "régler/discipliner" les controverses internationales; et cela au moment même où on fait rentrer "par la fenêtre" ce volant bénéfique de l'interventionnisme d'état, en matière économique et de marché, qu'on avait triomphalement et idéologiquement "mis à la porte" à l'époque des "magnifiques destinées et progressives" d'une domination mondiale enfin épurée de la variable désagréable d'un "socialisme irréalisé", malgré tout toujours trop conditionnant.

3. De la mort de la politique à la domination de la guerre

Bref, derrière les redressements des équilibres géopolitiques il y a la crise. C'est ce fait qui permet non seulement de définir un cadre d'ensemble de la phase actuelle, mais aussi de saisir le caractère structurel et endémique que la guerre est en train d'assumer: ce n'est plus une urgence mais la norme. Et la guerre, dans l'horizon qui se forme, entraîne un passage essentiel et continuement refoulé par les observateurs: la mort de la politique comme médiation et représentation. Le capital, qui dans les années quatre-vingt avait décrété la "mort de la politique" au nom d'une "logique du marché" devenue principe régulateur unique de sa domination définitivement globale, accomplit à présent un écart ultérieur et extrême, et impose directement au monde sa plus propre "logique de guerre"! Voyons ces passages plus en détail.

Avec le mots de Marx nous pouvons dire que, dans l'état bourgeois, "l'homme vaut comme être générique, [...] il est le membre imaginaire d'une souveraineté imaginaire, il est dépouillé de sa vie individuelle réelle et rempli d'une universalité irréelle. Il est, en effet, porteur d'un "intérêt privé" en conflit avec "l'intérêt général". Sur la base de ce conflit "l'homme réel est reconnu seulement dans la figure de l'individu égoïste [le bourgeois, tandis que] l'homme vrai est reconnu seulement en tant que figure du citoyen abstrait".

La sphère politique se perfectionne historiquement par l'introduction du suffrage universel et la naissance des partis de masse, passages définitifs pour l'entrée (récupération) des masses, justement, sur la scène politique. Tel processus a une double valeur: il signifie, d'un côté, accueillir quelques instances provenant des intérêts de la classe des travailleurs, de l'autre il comporte la réduction à sujet compatible du même prolétariat avec le système donné. Le parti de masse, donc, constitue une médiation "abstrayante", mais en mesure de déterminer un quelconque "lien ascendant" entre la volonté concrète de chacun en particulier et la gestion de la "res publica", lien quelque peu déformé/ant (dans le sens que, justement, il fait de "l'abstraction" des spécifiques déterminations matérielles) - de classe - des individus.

De cette façon, la mystification présente dans la représentation démocratique-bourgeoise s'est accomplie: le "peuple souverain", tout entier, est reproduit dans les salles parlementaires, par l'intermédiaire de ses représentants, qui rendent "effective" sa souveraineté ("populaire"), en prétendent exprimer la volonté de la "société civile" sous une forme politique, tandis qu'en même temps ils exercent leur propre volonté personnelle, tout en profitant de la concentration, abstraite en elle-même, des "capacités de vouloir" des citoyens représentés, capacités aliénées dans le vote-procuration. La forme politique constitue la médiation (de fait compromissoire et à la baisse) entre intérêts matériaux irrémédiablement opposés dans la tangibilité du corps social: médiation ayant pour but la construction idéologique d'un impossible "bien commun", au nom duquel sauvegarder essentiellement la fonctionnalité systémique du cycle du capital. L'illusion partagée, constituée par le "bien commun", est essentielle en vue de clôturer le cycle de la représentation, sans laisser de résidus d'incompatibilités et d'altérités sociales, par rapport aux dynamiques fondantes de celle abstraction réelle qui connote le système donné de domination. Mais cycliquement de tels résidus, toujours exorcisés, recommencent à émerger et se révèlent tout autre que résiduels! Et cela parceque le mode de production capitalistique est fondé sur l'insoluble antagonisme entre capitalistes et prolétaires. A l'intérieur, ladite "société civile" est irrémédiablement scindée: elle n'est pas composée simplement d'individus qui, en poursuivant leur intérêt particulier à la Adam Smith, déterminent la concrétisation de l'intérêt général. Ceci pourrait être plausible dans une société d'individus qui, simplement, échangent entre eux des marchandises, entendues comme produits de leur propre travail libre. Mais quand un type d'échange différent apparaît, - la vente au capitaliste de la marchandise force-travail de la part du prolétaire - il se forme une véritable "antinomie: droit contre droit, tous deux consacrés par la loi de l'échange des marchandises. [Et] entre droit égaux c'est la force qui décide... la lutte entre le capitaliste collectif, c'est à dire la classe des capitalistes, et l'ouvrier collectif, c'est à dire la classe ouvrière".

Cet antagonisme est résolu dialectiquement (dans le sens propre: en le retournant sur la tête à la façon "hégélienne") dans l'état bourgeois. En effet "l'État en tant qu'État annule ... la propriété privée, l'homme déclare supprimée politiquement la propriété privée dès lors qu'il abolit le critère du cens pour l'éligibilité active et passive". Et c'est en émoussant l'importance politique directe de la propriété privée, qu'on fait disparaître le poids, tout à fait politique, de cette propriété privée bien spécifique des moyens de production, qui définit la société capitalistique, et avec lui la valeur politique même politique de l'antagonisme entre capital et travail. Mais la solution de l'antagonisme est, justement, dialectique: elle supprime idéalement la propriété privée dans le ciel de la politique, en la laissant de fait subsister dans la matérialité du social.

Et justement parce que l'antagonisme est inconciliable au niveau structurel, il faut qu'il soit résolu au niveau "super-structurel". L'unique façon de résoudre une contradiction est d'annuler les termes du rapport dont elle se nourrit. Mais cela à la fin signifierait nécessairement détruire le capitalisme. En conséquence l'unique solution disponible reste le refoulement, au sens psychanalytique, des termes eux-mêmes: les laisser "sophistiquement" de côté, ou mieux encore faire abstraction d'eux. Pour cela il faut préliminairement "réduire" l'antagonisme socialement nécessaire, qui fonde la société capitalistique - celui entre capital et travail -, à de purs conflits isolés entre des individus compris comme entités atomistiques, politiquement recomposables. Ainsi les classes sociales disparaissent et tout le monde est subsumé dans le cycle abstrayant de la marchandisation universelle, homologué dans la fonction de simples "opérateurs du marché" qui, librement et avec des droits égaux, offrent et demandent des marchandises en étant eux-mêmes, dans leur qualité humaine, réduits à pure quantité abstraite de valeur, à marchandise. Les intérêts de ces individus peuvent être ainsi représentés dans l'institution parlementaire et par là synthétisés dans un intérêt collectif au-dessus des égoïsmes particuliers (typiques de leur dimension "bourgeoise", c'est à dire comme sujets isolés vendeurs/acheteurs de marchandises, mis en relation par la concurrence et leur simple circulation). Le parlementaire élu, pour garantir le résultat, assume directement le rôle de représentant du "peuple" et non pas des particuliers qui l'ont délégué, et c'est à dire gardien du bien commun, dans la communauté imaginaire des "citoyens": l'état nation.

Mais quand cette communauté imaginaire est conçue comme l'entreprise-pays, ce qui avait été scotomisé par le domaine de la politique redevient soi-même et l'absorbe même carrément. L'entreprise, devait rester en dehors de la communauté politique, justement parce que c'est le lieu par excellence de l'antagonisme direct entre capital et travail. Les individus devaient avoir une vie politique indépendamment de leur collocation sociale: ils devaient être individus abstraits, c'est-à-dire séparés de leur appartenance de classe.

Les diverses étapes de l'institutionnalisation normative du corps social, de la cellule de parti jusqu'au parlement, à travers le cycle de représentation, pourvyaient à la dématérialisation de la détermination sociale concrète des individus, afin de subsumer cette dernière sous la mystifiante définition du "bien commun". La séparation entre le domaine syndical et politique, la partition rigide du travail entre parti et syndicat, concouraient au même résultat: scotomiser la complexité matérielle du social, en séparant ses attitudes le plus strictement corrélées, le long d'un parcours d'homologation/aliénation médiat à différents niveaux de représentation.

Bien que les deux soient également inscrits dans les mêmes niveaux de la représentation, en tant que spoliation des sujets et de leur capacité décisionnelle, le syndicat et le parti fondent ce mécanisme de façon différente. Chaque représentant, en tant que tel, assume le contenu de l'universalité abstraite, l'intérêt général des ses représentés, déstructurant et dissipant par là la substance réelle, les autonomies concrètes et les intérêts spécifiques des sujets représentés.

Toutefois, si le parti fonde la propre abstraction, ou bien la propre capacité à abstraire du caractère concret des représentés, par l'intermédiaire de la figure du "citoyen" (en recourant ensuite à des sous-espèces inscrites complètement au niveau de l'abstraction politique, comme "communiste", "libéral", "fasciste", etc.), le syndicat réalise un tel processus par l'intermédiaire de la figure du "travailleur". Une figure également abstraite, parcequ'elle légitime la cession de volonté et de pouvoir décisionnel (capacité de vouloir) au représentant, justement parcequ'il ne tient pas compte des déterminations matérielles des déterminations spécifiques du travail lui-même, en réalisant effectivement une unité parmi des travailleurs différents, mais une unité en réalité abstraite par ce qu'elle n'est pas fondée sur ce qu'il y a en commun entre les expériences concrètes particulières, mais sur la négation de telles particularités qui est par constitution intrinsèque à la subsumption dans l'abstrait (c'est à dire à la marchandisation) du travail humain, à son apparition sur le marché, comme travail abstrait, travail sans qualité.

Cependant, même dans son indétermination, l'abstraction "travailleur" fait encore allusion, au contraire de l'abstraction "citoyen", à la matérialité des sujets. Elle en préserve une trace et c'est sur celle-là que les syndicats doivent s'appuyer pour obtenir la légitimité par rapport à la "base". Dans ce sens, à cause de cette allusion résidue, la "représentation sociale" dont les syndicats sont historiquement saisis n'est pas entièrement réductible au caractère abstrait et générique de la représentation politique. C'est à dire qu'elle conserve dans la figure du "travailleur" une référence non seulement à la matérialité des conditions des sujets représentés, mais aussi, en conséquence, au rapport objectivement conflictuel avec la contrepartie "capital", même si conjugué dans le lexique a-qualitatif de la marchandise, et donc à chaque moment recomposable dans le cycle de l'échange, de la "libre" négociation du marché, et compatible avec lui de façon fonctionnelle.

Revenant sur notre discours sur la "communauté d'entreprise", c'est aussi pour cette raison que l'entreprise comme lieu du conflit ne peut pas devenir paradigme de la communauté politique: elle-même doit être objet d'abstraction et amoindrie de ce point de vue. L'idéologie du "capital humain", du "capital intellectuel" comme axe fondamental de l'entreprise, cherche à masquer l'antagonisme et à le transformer en coopération, d'occulter la domination et de l'habiller des plus présentables habits du consensus et de la co-responsabilisation: l'entreprise elle-même essaye de plus en plus de se présenter comme "communauté de l'entreprise".

L"‘individu" compris d'une manière générale, dans la dimension atomistique que la société bourgeoise lui confère (et, donc, sans tenir compte du fait qu'il soit capitaliste ou travailleur), participe à la communauté de l'entreprise et, grâce à elle, acquit une sorte de "droit informel de citoyenneté" dans l"‘entreprise-pays", c'est à dire dans l"‘entreprise des entreprises".

Et à ce point-là, la médiation même des partis de masse tend à disparaître. Le "peuple souverain" est ainsi privé aussi de cette sorte de "pouvoir consultatif", que ces organisations lui reconnaissaient formellement (à travers la participation à leurs structures) dans la détermination de l'offre politique. Telle offre est désormais construite en parfaite autonomie, par "l'entrepreneur politique" qui ne consulte le peuple qu'avec des sondages, pour en connaître à priori les orientations. Le vote n'exprime plus la "volonté du peuple", mais se limite à déléguer le pouvoir gouvernemental à une leadership sur laquelle on exerce un contrôle seulement au moment de l'élection successive, à travers la possibilité de confirmer ou désavouer le vote précédent. Chaque forme de contestation contre le gouvernement (que ce soit même nos "rondes" inoffensives, qui ont coloré un peu pathétiquement les derniers mois) devient une forme de subversion inacceptable des règles du jeu, qui prévoient la complète liberté d'action pour tous ceux qui se sont adjugés "démocratiquement" le droit à diriger le pays. Quiconque agit en dehors des consultations des urnes devient un défaitiste qui "rame à contre-courant", incapable de comprendre les règles du jeu: de toutes façons, le jeu doit toujours continuer!

Vider les prérogatives parlementaires en faveur d'un pouvoir concentré dans les mains de l'exécutif, transforme ce dernier en une sorte de "conseil d'administration de l'entreprise-pays". Le pouvoir se concentre dans des mains aux fonctions de plus en plus théoriquement exécutives, pratiquement pleinement décisionnelles, sur le modèle de la gouvernance d'entreprise. Le gouvernement se révèle, effrontément, comme pur comité d'affaires de la bourgeoisie, centre essentiel de médiation entre les différentes fractions capitalistiques en concurrence entre elles: c'est-à-dire une sorte de "retour à l'ancien", à ces origines de la "démocratie" bourgeoise au sein de la quelle une représentation encore limitée par des critères censitaires ou de genre, conférait à l'état le rôle quasiment d'un conseil d'administration, et non pas de sujet régulateur des impulsions les plus auto-destructives dans les esprits bestiaux de Monsieur le Capital, comme ce fut au contraire le cas pendant la longue période du welfare.

De cette façon le citoyen est réduit à pur consommateur de marchandise politique: les électeurs ne contrôlent le gouvernement que par le refus de le réélire, dans la même mesure où le consommateur ne contrôle la production que par le refus d'acheter une marchandise donnée. Dans les deux cas le citoyen/consommateur n'a aucun pouvoir de déterminer l'offre, mais il se trouve contraint à choisir a posteriori, par rapport à une série de propositions de plus en plus homologuées qui se distinguent seulement par un brand que n'a presque rien à voir avec les caractéristiques des produits/services offerts, et est déterminé au contraire largement par des pures opérations de communication.

Les partis ne rivalisent plus pour assumer la représentation des divers groupes ou classes sociales, mais pour se faire directement porte-parole des diverses fractions du capital, dans une logique lobbyste de fait: la politique n'est plus représentation et médiation fondée et articulée sur les différents groupes sociaux, mais elle est lobbying afférente aux différents groupes capitalistes. Il n'existe plus de politiques alternatives qui se disputent la faveur de l'électorat, mais des partis ou coalitions politiques en compétition pour montrer leur meilleure capacité "technique" de mettre en oeuvre la one best way du marché.

En substance, les capitaux particuliers directement, et non plus les citoyens particuliers, se débarrassent de leur nature individuelle ("propriétaire") et s'élèvent au rang de l'universalité abstraite de la politique. Mais, en même temps, cette abstraction est "amoindrie", elle acquit des connotations …plus "concrètes". Il n'est plus nécessaire de faire autant de jeux de mots pour s'assurer la rente spectaculaire du guignol de la "démocratie représentative", en respectant scrupuleusement des règles formelles: à partir du moment où l'intérêt du pays s'identifie toujours plus avec sa compétitivité dans le marché international, la médiation entre les intérêts des capitaux particuliers opérants dans un terroir donné devient l'unique médiation concevable. La finalité suprême de la politique devient explicitement et effrontément celle de créer les conditions les plus favorables à la valorisation du capital social global. Ceci, d'un côté, signifie mettre en place les meilleures conditions pour l'exploitation de la force-travail, de l'autre, signifie soutenir la compétitivité des propres capitaux par rapport aux concurrents qui attentent à l'espace vital (national ou étranger) pour leur valorisation.

4. Les "bénéfiques effets" de la guerre

a) "Warfare state"

Les susdits objectifs peuvent être poursuivis avec des moyens plus ou moins pacifiques dans des périodes de croissance économique suffisamment généralisée et consistante. Dans ces phases, en effet, les profits ne se "nient" à aucun capital, même si à différents degrés hiérarchiques. Dans les phases de crise de super-production générale, et surtout aujourd'hui quand on assiste à la tendance à la synchronisation des cycles dans les différentes zones du globe, le conflit économique tend à devenir guerre ouverte pour l'accaparement des parts les plus grands possibles de la plus-value globale qui est produite insuffisamment, pour la valorisation du capital mondial.

Ce passage de l'économie à la guerre ne doit pas surprendre. Le monde des affaires a depuis longtemps emprunté comportements, mots, techniques du monde de la guerre: dans l'entreprise on porte des uniformes, on lance des campagnes, on va voir les progrès sur le terrain, on attaque la concurrence. En particulier, le langage et les concepts du marketing et de la stratégie d'entreprise ont été empruntés à la sphère militaire: guerre de défense, attaque frontale, attaque de côté, guérilla sont les lignes de conduite contemplées par le prétendu "carré stratégique", outil conceptuel très diffusé dans les textes de management. Dans les mêmes manuels d'une telle "science d'entreprise", et pas par hasard, Von Clausewitz et Sun Tzu sont parmi les auteurs les plus cités. En paraphrasant un peu le langage du marketing, on pourrait dire qu'aujourd'hui, à cause de la crise généralisée, la compétition économique est passée définitivement de la guérilla à l'attaque frontale.

La politique comme représentation démocratique-formelle meurt, mais (comme nous l'avons esquissé et comme le démontre Vladimiro Giacché dans les pages qui suivent) l'état ne meurt pas. L'état aujourd'hui, d'une part, grâce à l'affirmation de la guerre comme donnée permanente et à un nouveau conséquent keynésisme de guerre ("warfare state") qui en découle, redécouvre sa propre fonction de volant de l'accumulation du capital; d'autre part, il voit aussi et surtout redessinés rôle, formes et modalités opérationnels (centralisation décisionnelle, vidage de la représentation) autour de la fonction qui plus de toute autre définit l'essence de l'état lui-même : "le monopole de la violence organisée".

b) Contre-révolution préventive

A la guerre sur le front externe, dans plusieurs points de tension géopolitique, correspond - liée intrinsèquement à celle dernière - une guerre sur le front interne. La "guerre infinie" est utilisée comme contre-révolution préventive, plaidée par les secteurs bourgeois les plus désenchantés à propos de l'impossibilité de revenir à l'état/amortisseur social: de ce côté là, il n y a plus de marges pour gérer une telle opération de redistribution et il s'agit seulement de discipliner le social par la force, en "bypassant" n'importe quel petit truc pseudo-démocratique, conjugué dans le lexique de la représentation politique et du droit. De cette façon, le passage du domaine de l'économie à celui de la guerre est accompagné, sur le front interne, d'une autre importante mutation, qui voit "l'État social" se transformer en "État pénal". On pourrait carrément parler d'une sorte de fascisation, si cela ne donnait lieu à des équivoques trompeurs. En réalité, les transformations décrites tout à l'heure, dans le domaine de la représentation politique, consentent de faire passer de façon relativement indolore toute une série de mesures substantiellement autoritaires. Si on suppose "normale" une série de limitations consistantes des droits et des pratiques de participation démocratique, il est possible, à l'intérieur de certaines limites, de modifier les instituts juridiques sans violer formellement le prétendu "état du droit". L'unique droit reconnu, en effet, reste le droit de voter, pour le reste les gouvernants peuvent avoir les mains libres sans souci d'enfreindre leur "légitimité" démocratique" (et personne, parmi tous les participants au petit jeu du lobbying parlementaire, ne rappelle jamais le fait que Hitler lui-même est arrivé au pouvoir tout en respectant pleinement la "légitimité démocratique" de "l'état du droit" bourgeois !).

Face à ce spectacle (la crise objective du modèle, le passage de la politique à l'économie et enfin à la guerre, et la métamorphose de l'état social en état pénal) l'alternative marxienne, "la victoire du prolétariat ou la défaite commune des classes en lutte", et l'alternative luxembourgiste "socialisme ou barbaries", sont désormais inscrits définitivement et irréfutablement dans l'horizon du présent.

Néanmoins, le contexte ici décrit déclenche des réactions défensives de nature politique et culturelle de la part des "perdants" du développement capitalistique (tant du "premier" que du "troisième" monde); des processus qui, en refoulant la nature inéluctable de cette alternative, essaient d'introduire une nouvelle articulation "de l'espace de la politique", qui arrive à servir de rempart de l'identité menacée, en remettant en vigueur cette dimension des limites territoriales indispensables à n'importe quelle "subjectivité" qui veuille se faire politique. A ceux-ci on veut opposer, du côté des vainqueurs, l'ultérieure proposition de la classique idéologie historiciste d'un universalisme de toute façon "progressif" et objectivement inévitable, que ce soit dans ses versions "illuminées" ("théorie des droits humains"), ou dans des variantes ouvertement agressives ("la civilisation occidentale comme civilisation supérieure"). En Europe, spécialement du côté des secteurs "libéraux-progressistes" ou des composantes technocratiques, qui conjuguent pouvoir économique et pouvoir politique, on fait la tentative de redéfinir la géographie des pouvoirs: la construction d'une "Europe politique", comme alternative à l'unipolarisme américain et à l'hégémonie sans égale du marché global, est vue comme une sortie possible par beaucoup de monde, paradoxalement même à l'intérieur d'une gauche qui se voudrait radicale.

5. Tertium non datur

Examinons donc plus en détail ces réponses illusoires et dangereuses, en partant justement de cette dernière: la construction d'une "troisième voie" géopolitique, "l'Europe politique".

a) La pâle social-démocratie de la nouvelle Europe

La crise accomplie et irréversible de la confiance absolue dans les capacités auto-régulatrices du marché global et dans l'automatisme des rechutes sociales positives est désormais une donnée incontestable de fait. Face à la crise structurelle, à l'aggravation des conflictualités inter-impérialistes, à la guerre permanente, personne ne croit plus que "l'économique" puisse, en ôtant du pouvoir au "politique", assurer un développement constant et une répartition équitable des richesses. Un seul exemple: un technocrate comme Tommaso Padoa Schioppa, ex dirigent de la banque d'Italie et actuellement membre du sommet restreint de la Banque Centrale Européenne, affirme que "autant les partisans que les ennemis de la globalisation sont prisonniers du même mythe: l'idée de l'économie comme la seule structure portante de l'ordre social. [...] Même quand elle fonctionne au mieux, le marché ne produit pas tous les biens dont l'homme et la société ont besoin."

En bref, une fois perdue la foi aveugle et inébranlable dans les vertus thérapeutiques du marché, entrepreneurs, banquiers, politiciens et technocrates redécouvrent la nécessité de la "politique", d'une régulation globale du système, qui puisse opérer une stabilisation et une médiation pour dépasser les contrastes et les contradictions. Mais la récupération de la dimension politique, dans un cadre de marché global rénové, a besoin d'une nouvelle définition de l'espace. C'est pourquoi, pour pouvoir entrer en compétition avec le géant américain, les pays européens doivent procéder en direction de la construction d'une stratégie partagée et d'une mise au point commune des pouvoirs et des ressources et, en perspective, d'une progressive unification des commandements.

Si un tel discours a une indubitable rationalité, au le point de vue du combat inter-impérialiste, là où certains des adversaires de moyenne voient dans la construction d'intérêts communs l'unique solution pour pouvoir réellement rivaliser avec les États Unis, les versions "de gauche" au sujet de la nécessité d'une "Europe politique" sont, dans la meilleure des hypothèses, victimes d'un grave et coupable éblouissement.

On ne peut pas partir d'une telle idée de la constitution de "l'Europe politique" (convoitée par Negri, par "Le monde diplomatique", ou par n'importe quel nostalgique du rêve social-démocratique à la sauce européiste), pour arriver à délinéer une alternative réelle à un existant déjà aplati sur une "logique de guerre" très explicite. La constitution d'une Europe "des droits" est tout à fait interne à cet existant, car elle s'interface avec l'illusion néfaste du "capital à visage humain" et elle coïncide, de fait, avec le pur renforcement d'un des protagonistes du concert mondial cacophonique joué par ces mêmes puissances qui de toutes façons dirigent les danses sur la partition d'un compositeur unique: Monsieur le Capital.

En omettant les vides illusions des social-démocraties européennes, nous voulons observer ici comment, même dans cette attitude, se relèvent les limites du regard sur la réalité contemporaine de ce Toni Negri qui quelqu'un prétendrait encore pétri d'un caractère subversif très hardi: un regard tellement prisonnier de "l'Immanence" qu'il est incapable de lire "le présent comme histoire", en plaçant les évènements dans le processus qui les comprend. Désormais, d'après l'ineffable Totonno (Negri) et son jeune confrère (Hardt), chaque phase, ou mieux chaque moment d'une phase particulière, assume en soi une valeur absolue et, loin d'être l'objet d'une analyse concrète spécifique, chaque moment est identifié tout court comme trait distinctif d'une époque historique entière. Sur cette base on prétendrait, par la suite, calibrer une action de contestation qui ne pourra jamais transcender/dépasser le caractère transitoire de son objet, mais tout au plus ne peut que l'accompagner, et ainsi le "dévier" dans un sens irrémédiablement réformiste.

Bref, qui a l'intention de comprendre la réalité, en positionnant comme il se doit les évènements actuels dans un horizon perspectif large et articulé de façon diachronique, ne peut que se confronter à un panorama qui échappe totalement aux transfigurations de l'immanent, mises en place par le professeur de Padova - et par ses confrères -, en cohérence avec le pâté de spiritualisme et d'idéalisme actualiste gentilien (Gentile) qui a toujours connoté sa noble pensée.

Ce n'est que sur la base de ces principes qu'on arrive à comprendre pourquoi la constitution de l'Europe "politique et sociale" peut être considérée, et même parmi ceux qui font profession de foi de "pensée critique", comme <<l'unique "ouverture de possibilité" [...], l'unique dimension qui pourrait permettre de faire face, attaquer avec la critique et la politique les processus de la globalisation et non pas de les subir passivement>>.


b) Le particularisme concret de la droite occidentale

Venons-en maintenant aux illusions pernicieuses d'une "droite sociale" de plus en plus dangereuse. Le particularisme exclusiviste et excluant (à base ethnique, nationale, religieuse ou culturelle) est brandi par les droites occidentales comme abri contre les dommages de la globalisation et de l'immigration. Le rappel aux valeurs traditionnelles côtoie la défense de l'espace et des confins de la communauté, une communauté fondée sur le sang et sur le partage d'un modèle de vie en commun qui ne tolère pas, et ne peut pas tolérer, d'autres présences. Le cas du Front National de Le Pen n'est que l'un des plus éclatants, à cause du succès obtenu, de la durée du phénomène et de l'articulation du projet au niveau idéologique: exemple d'une droite occidentale qui voit dans le marché global la menace principale, et dans le métissage un risque mortel, à conjurer absolument.

L'organicisme néo-communautaire se matérialise en deux aspects: d'un côté dans le culte de la communauté, une communauté soutenue par les valeurs de la tradition et constitué sur une base rigidement hiérarchique, avec une connexion intrinsèque du rôle (le culte) du leader charismatique et la récupération d'une division de genre du travail social, avec le retour de la femme à des mansions et des activités qui ne rentrent que dans la sphère privée; d'autre part, le refus (apparent) du racisme biologique en faveur du différencialisme culturel, caractérisé avant tout par l'abandon du thème non égalitaire et de l'assomption de la différence culturelle comme valeur absolue, d'où provient la condamnation du mélange et l'affirmation du caractère réciproquement non assimilable des civilisations et des cultures.
Une condamnation pour défendre la propre communauté mais aussi - de façon instrumentale - les traditions et les spécificités culturelles des autres. L'ennemi n'est donc pas l'immigré en tant que tel, en vertu de son infériorité biologique et raciale, mais l'iimigré déraciné de son contexte et inséré dans des communautés qui ne peuvent pas l'accueillir sans risquer "l'abâtardissement" de la propre identité. Il va de soi que parmi les droites européennes, et pas seulement les plus extrêmes, tel raisonnement se sert d'arguments et slogans purement racistes.

Néanmoins, c'est le différencialisme la particularité, l'outil proposé en tant qu'alternative à l'anonymie de la société du capital, à la " déterritorialisation" du marché global. Un outil qui, de cette manière, veut protéger ceux qui, de l'intérieur des métropoles capitalistique, sortent perdantes de tels processus.

Le suces auprès du prolétariat français de Le Pen est un voyant symptomatique de ce court-circuit. Le syndrome de la " citadelle des autochtones assiégés par les barbares immigrés" est d'autant plus enquiétant qu'il est potentiellement expansible, dans le contexte de la crise objective du capital à l'échelle mondiale, qui a rétréci les citadelles du bien-être capitalistique.

c) Le particularisme concret en sauce islamique

Parallèlement aux particularismes qui s'affirment dans les sociétés occidentales, dans vastes zones du prétendu troisième monde" , les désastres humains et sociaux provoqués par l'irruption de la modernité capitalistique trouvent du terrain fertile pour des rappels, souvent instrumentaux et intéressés, à la reprise d'une " tradition" présumée et au fondamentalisme qui en serait le légitime gardien et apôtre.

Le radicalisme islamique - le cas le plus éclatant de fondamentalisme religieux pour l'impact politique qu'il a eu et qu'il a - n'est pas simplement la ré-proposition de la tradition: derrière l'écran mystifiant de la tentative de retourner au passé, se cache une pensée nouvelle. Celle-ci est le fruit des nouvelles contions sociales et économiques nées depuis la seconde après-guerre;

Jusqu'aux années soixante-dix, en effet, les pays arabes ont enregistré une croissance économique importante, un très fort développement démographique, une urbanisation intensive et une sensible alphabétisation. Avec les années quatre-vingt, pourtant, en correspondance avec les effets planétaires de la crise d'accumulation débutée à la fin des années soixante-dix, la croissance des pays arabes s'interrompt dramatiquement. Tout le Moyen-Orient devient une zone en marge du contexte de l'économie mondiale. L'unique lien décisif qui unit le monde arabe à l'occident développé évidemment est celui de l'exportation du pétrole. Le Moyen-Orient devient ainsi une zone sous-développée qui survit seulement grâce à l'exportation de matières premières. Des grandes périphéries urbaines commencent à apparaître, partout dans les villes du monde arabe, des grandes surfaces dépourvues de structures et infrastructures adéquates, habitées par une masse d'exclus avec une forte composante de chômeurs et de précaires.
Les régimes nationalistes arabes commencent à perdre leur base de consensus, qui avait été fondée, autrefois, sur la lutte anticoloniale et sur leur capacité d'intégrer une quantité majeure de population dans le circuit de l'économie moderne. Le projet "Nassérien", qui venait d'esquisser une idée de nationalisme pan-arabe conjugué au lexique pro-industrialisation et partisan d'un modèle de développement modernisant, est balayé définitivement. Ce projet n'échappait pas au schéma bipolarisé de la guerre froide et il était afférent à cette zone "grise" des "pays non alignés", qui fut le théâtre des stratégies opposées d'instrumentalisation, sur l'échiquier international, de la part des deux blocs adversaires.

L'impérialisme américain qui n'avait certes pas entravé la naissance de ces phénomènes, facteurs objectivement déstructurants de la vieille hégémonie angle-française survécue au second conflit mondial, élargit ses trames hégémoniques à tout l'espace moyen-oriental, après avoir déjà expérimenté ce genre de trames dans le soutien au projet sionistique de l'état israélien.

Et c'est ainsi que les régimes laïques et nationalistes des états arabes, apparus à la dissolution du colonialisme, ont démarré leur processus lent et incessant d'"islamisation", qui est en train de donner aujourd'hui ses fruits les plus empoisonnés (difficiles à digérer même, paradoxalement, pour les fortes capacités de "l'estomac" yankee !). L'idéologie religieuse a été employée pour créer petit à petit une nouvelle base de consensus et freiner le développement des mouvements encore plus radicaux "de gauche" (qui étaient inspirés du/par le "champ socialiste").

Dans ce contexte, issu des transformations intervenues à la fine des années soixante-dix, les mosquées, avec leurs activités d'assistance sociale, de recréation, et culturelles, restent l'unique pole agrégatif possible pour un prolétariat urbain exponentiellement grossi. Mais une partie de la classe moyenne aussi est attirée dans l'orbite de l'islamisme, parcequ'elle a été poussée aux marges de la société ou en tous cas elle voit baisser son bien-être et se voit nier toute influence sur le pouvoir politique, qui demeure toujours solidement autoritaire; le pouvoir économique, justement, est apanage d'une élite liée étroitement au pouvoir politique. La caste économique-politique dominante est, à son tour, liée aux intérêts économiques occidentaux, qui utilisent cette nouvelle bourgeoisie compradora pour monopoliser le contrôle des sources énergétiques et de l'emploi des gains pétroliers, tout en faisant d'elle une complice dans la déprédation des ressources locales. Cette énorme richesse pourrait être, autrement, une base excellente pour un développement économique qui irait fatalement contre le capital occidental, surtout dans une phase qui après les "trente glorieuses" du boom de l'après-guerre, cède le pas à des années de lourde crise de superproduction, dont on voit se prolonger les effets à l'heure actuelle.

Dans une situation pareille on comprend comment à travers le fondamentalisme islamique, on se retourne vers le passé: c'est comme si, face à une modernisation avortée - pas avant d'avoir produit des désastres sociaux et d'avoir induit la rapide et définitive dissolution des structures sociales préexistantes -, on s'adressait à un "âge d'or" mythique et passé, en se leurrant de pouvoir le reproduire encore.

Mais ce n'est rien d'autre qu'une douce illusion: les rapports sociaux, qui fondaient les anciennes coutumes et les "vénérables" cultures précapitalistiques, sont morts et enterrés, que se soit dans le Moyen Orient, ou dans la grande majorité du globe. Les anciens liens communautaires sont définitivement brisés et à leur place siège en position dominante un atomisme marqué par une misère matérielle si grave qu'il met en danger l'auto-reproduction d'énormes masses d'individus.

A celles-ci n'est permise que la simple contemplation du monde rayonnant des marchandises, sans pourtant y pouvoir accéder. Le paysan précapitalistique ne connaissait que son champ, cultivé par lui-même, et son village, tandis que les damnés du troisième monde peuvent voir toute l'aveuglante splendeur de l'occident, réfléchi sur les vitrines des boutiques ou sur les écrans des télévisions, mais s'ils tendent leurs mains pour saisir le fruit interdit des marchandises ils se heurtent à une glace infrangible: pour eux ce monde-là est transparent mais inaccessible.

La pulsion frustrée devient "religieusement sublimée" au nom de hiérarchies des valeurs dérivant d'une tradition archaïque, qui semble classiquement se référer à une sorte d'organicisme communautaire qui aurait eut lieu dans ces modèles sociétaires.

Mais là où sont niées même les plus élémentaires des bases de survivance, ces racines ne suffisent pas à expliquer le sens d'une condition si atroce. La sublimation peut donc devenir une vraie et propre pulsion de mort, même quand elle est interprétée par un mysticisme fondamentaliste qui se fait projet politique. Mais cette catharsis purificatrice et suicidaire est tragiquement instrumentalisée/able par des potentats anxieux d'obtenir un regain de reconnaissance et d'internité, par rapport au cycle de valeur qui produit ces vitrines.

D'ailleurs, le retour en arrière est impossible.

Considérons seulement un phénomène le plus éclatant: le développement démographique. La croissance élevée de population dans les zones du troisième monde n'est pas la conséquence de quelque loi métaphysique malthusienne: elle est la conséquence même du sous-développement. On le sait bien, dans le monde occidental la natalité est contrôlée, la société s'est donnée elle-même des formes d'autorégulation. Par ailleurs il est probable que des mécanismes similaires puissent être repérés dans chaque type de société structurée de façon cohérente, si on les cherche avec attention.

Tandis que des dynamiques de cette nature ont complètement sauté dans le tiers monde et, plus grave encore, sans avoir été remplacées par des nouvelles, parce que le vieux mode de production et ses mécanismes d'autorégulation ont disparu sans qu'à leur place se soit affirmé rien de semblable à un système cohérent, autosubsistant.

Or prétendre ici de résoudre le problème par le retour aux vielles cultures - et aux vieux modes de production et reproduction, basés sur des forces productives à niveau bas -, signifie condamner à la famine une partie importante de l'humanité, ou - pire encore! - à une décimation de l'humanité sans pair dans l'histoire. Les vieux modes de production, en effet, pouvaient satisfaire, quoique misérablement, les nécessités reproductives d'une population considérablement plus petite de celle actuelle.

d) L'universalisme abstrait du "capital à visage humain"

Au particularisme concret des droites européennes et des fondamentalismes religieux s'oppose, de manière stérile, le renvoi à l'universalisme de tradition illuministe, opéré par la culture démocratique et progressiste occidentale. La "civilisation occidentale" représenterait le lieu d'abordage le plus élevé de l'histoire de l'humanité: le respect pour les droits de l'individu et du citoyen, les garanties libérales, les libertés démocratiques, le développement économique, les protections sociales, le laïcisme et le pluralisme culturel sont ses traits les plus identifiants. Tels traits, rappelés en sens meta-historique et de fait idéologique - c'est à dire au-delà de leur effective vigueur désormais épuisée dans ce monde occidental qui avait été, c'est vrai, son expérimentateur originaire - devraient être patrimoine de toute l'humanité et pas seulement d'une part exiguë de celle-ci. Mais il y pire, sur la base d'un discours rarement explicité (à exception du gaffeur de Arcore Berlusconi, de la raciste Fallaci et de quelques autres), la civilisation occidentale est proclamée " civilisation supérieure", et en raison de cette supériorité devrait être appelée à s'imposer, "humanitairement", au reste du monde.

Si le discours de la "civilisation supérieure" n'est pas perçu comme politically correct, on accueille et on partage largement l'idée que le complexe de droits, libertés et protections, virtuellement encore garanti aux citoyens occidentaux, constitue des valeurs universelles et que, justement, il faut les exporter dans tout le globe; l'idée qui a fondé, au-delà et contre les "nobles intentions", de fait l'impérialisme culturel qui a été, pendant trois siècles, complément justificatif de la domination colonial et l'idée qui, maintenant, offre la possibilité d'ouvrir la porte à une interprétation "démocratique-progressiste" pour couvrir l'expansionnisme e "l'interventionnisme" des puissances impérialistes.

D'autre part, l'idéologie du "combat entre civilisations" est l'inévitable corollaire implicite de l'initialisation de l'opération "Enduring Freedom". Une idéologie consciemment falsificatrice qui a besoin, pour se soutenir, de postuler l'existence de modèles de civilisations différents, qui ne peuvent coexister en aucun cas. Une idéologie obligée aussi à exalter emphatiquement cette "hétérogénéité multiple" que des processus unilatéraux et violents en cours sont en train de réduire à unité homogène. Dès maintenant il n'y a qu'une seule civilisation déjà: celle qui a eu la force de supprimer ou subsumer les autres, non sans avoir rencontré des résistances significatives et des moments transitoires d'opacité intermédiaire de la part des communautés impliquées dans le nouveau développement capitalistique.

Le cycle du capital a en effet envahi le monde désormais, en homogénéisant progressivement (dans l'aliénation de l'abstrait) la structure sociale de régions très distantes sur le plan "espace-temporel" et en imposant son propre modèle, sans pourtant garantir la "réciprocité" effective dans la redistribution des richesses et des pouvoirs; et tout ça, dans une extension à l'échelle planétaire qui conjugue coaction directe et consensus induit, et universalise une seule et exclusive "partie" (la seule propédeutiquement fondamentale pour Monsieur le Capital ), celle de l'échange, du marché, tandis qu'elle abandonne toutes différences à leurs propres autonomes "inertialités", car ces différences là, loin de toucher la sphère des déterminations concrètes des individus, ne regardent que la sphère des projections auto-pe

Qué?
by bart vdw Monday January 06, 2003 at 12:59 AM
bartjevandewalle@yahoo.com

Wat staat er hier allemaal? Kan niemand wat inkorten, aub? Het zijn ook nog examens, he.
mvg