Guerre contre l'Irak: lettre ouverte à Boutmans

Monsieur Boutmans,
«Il y a des chances d'éviter une guerre, mais une opposition active est indispensable», avez-vous déclaré ce 1er janvier. Super, extra. Enfin du concret, me suis-je dit. Mais, M. Boutmans, j'ai l'impression que vous vous êtes réveillé après un très long sommeil.
L'approbation de la guerre contre l'Afghanistan en octobre 2001, au conseil des ministres arc-en-ciel, c'était un mauvais rêve? La vente de mitrailleuses à la dictature pro-américaine du Népal, de la coopération au développement des conflits armés?

Quant à votre opposition soudaine à la guerre en Irak, le transit d'une énorme quantité d'armes américaines par le port d'Anvers est-il un mirage? Et quand le gouvernement belge a décidé de soutenir l'effort de guerre américain en envoyant des troupes en Afghanistan pour y relever les troupes US qui doivent partir en Irak, vous étiez peut-être sorti?

Mais bon, peut-être avez-vous pris de bonnes résolutions pour l'an 2003 (même si les résolutions solides impliquent une critique du passé). A moins que ce soient de belles promesses pour les élections 2003. Comme celles de votre ami Josckha Fischer, le ministre vert allemand des Affaires étrangères. Vous vous souvenez: il n'y aura aucune participation de l'Allemagne, avec ou sans l'accord de l'Onu, avait-il juré... avant les élections de septembre 2002. Et il les a gagnées.

Or, votre ami Fischer vient de déclarer au Spiegel qu'il en était beaucoup moins sûr et qu'il n'excluait pas une participation de l'Allemagne à la guerre. Normal, l'Allemagne pose depuis quelques semaines des actes concrets de complicité directe avec les Etats-Unis. Le gouvernement Schröder-Fischer a ainsi accepté le transport sur son territoire des troupes américaines stationnées dans les gigantesques bases de Francfort, Ramstein.

Il a aussi annoncé que les avions américains et britanniques pourront survoler sans restrictions l'espace aérien allemand. Et plus de mille soldats US participeront ce mois-ci à des manœuvres «exercice victoire» à Graffenwohr, en Allemagne, sous le commandement de William Walace, présenté comme le futur commandant des forces terrestre US en Irak. Votre ami Fischer aurait pu et dû refuser tout ça s'il avait considéré la guerre comme une guerre d'agression.

La promesse électorale de retirer du Koweït les chars anti-armes ABC (atomiques, bactériologiques et chimiques), c'est aussi votre ami Fischer qui a fait annoncer que c'était du vent. Les chars allemands devront soutenir les troupes américaines et travailleront sous les ordres de l'armée US. Des exemples comme ça, il y en a à la pelle.

Critiquer Bush, c'est bien M.Boutmans. Mais critiquer vos amis complices de Bush, ce serait moins hypocrite. Et quand vous présentez le conflit en Irak comme un danger car il risquerait d'«aggraver le conflit de civilisations entre l'Occident et le monde islamique», vous dévoilez le fond de votre pensée. Car il n'y a pas un conflit de civilisations tel que le présentent les penseurs impérialistes comme Huttington. Pas entre Bush et son valet, le roi Fahd d'Arabie. Ni entre le paysan palestinien qui cultive les oranges et le docker d'Anvers qui les débarque.

Non, il y a un conflit entre les peuples du Moyen-Orient et les gouvernements des puissances impérialistes des Etats-Unis et d'Europe qui pillent les ressources naturelles de cette région, qui y installent des bases militaires, qui y soutiennent Israël.

Tout cela ne vous empêche peut-être pas d'être sincère, M.Boutmans. Mais alors, vous devriez exiger la fin de l'Otan, une alliance aux visions impérialistes et non un pacte de défense.

Alors, vous devriez quitter le gouvernement, mais aussi l'Internationale verte et votre propre parti, dont la courte histoire est déjà remplie d'actes de complicité dans les guerres de Yougoslavie et d'Afghanistan.

Alors seulement, on pourrait commencer à croire à votre volonté d'aider à une «coalition d'opposants à la guerre» que vous appelez de vos vœux mais qui est déjà en marche et qui manifestera le 19 janvier contre la guerre à Bruxelles et Washington.

arch/ive/ief (2000 - 2005)