arch/ive/ief (2000 - 2005)

Lettre ouverte aux personnes qui se trouvent du mauvais côté de la barrière
by les jeunes de l'Alhambra asbl Friday December 20, 2002 at 10:32 AM

Les politiques s'interrogent ouvertement sur l'échec possible de la politique d'intégration : des groupes de personnes montés les uns contre les autres, des meurtres d'inspiration raciste à Schaerbeek et Anvers et un débat dans les médias qui, selon nous, fait fausse route. C'est ce qui nous a poussés à réagir et à écrire cette lettre ouverte. Un communiqué émanant de la maison de jeunes car nous croyons pouvoir faire entendre un point de vue trop rarement présenté et qui a l'avantage de replacer le débat dans une perspective correcte.

Il y a un an, les jeunes de l'Alhambra - une maison de jeunes à Cureghem - suivaient un cours de vidéo. Ils réalisaient un court-métrage sur le regard qu'ils portaient sur le 11 septembre. Une des jeunes posait la question suivante:

Pourquoi nous, jeunes de Cureghem, sommes toujours solidaires de personnes qui aux yeux de la société belge, se trouvent sur la mauvaise voie. Question pertinente, vous en conviendrez.

Les jeunes étaient solidaires de Said Charki, un jeune du quartier, abattu par des agents de police. Même si ce jeune avait commis un délit, il avait droit à un procès et non à des balles.

Les jeunes sont solidaires des Palestiniens qui n'ont pas le droit de vivre dignement dans leur pays et sont systématiquement discriminés par l'Etat d'Israël.

Les jeunes éprouvent de la sympathie pour des gens qui s'en prennent aux Américains. Non qu'ils aient quelque chose contre le peuple américain, mais bien parce qu'ils compatissent avec les victimes de la politique étrangère américaine.

Ils sont solidaires des jeunes d'Anvers, qui ont crié leur indignation après le meurtre de Mohamed Achrak.

Ils sont solidaires de Diab Abou Jahjah, non qu'ils adhèrent à ses idées, mais bien parce qu'ils trouvent impensable que, dans un pays comme la Belgique, des personnes puissent être arrêtées et emprisonnées pour leurs opinions.

Et nous, les adultes de leur entourage, nous les comprenons. Nous mettons peut-être d'autres nuances, mais, pour l'essentiel, nous sommes d'accord avec eux.

Cureghem 1997, Anvers 2002, pourquoi?

Les jeunes d'Anvers n'ont pas besoin d'un Abou Jahjah pour se révolter. Ils en ont marre du racisme et des discriminations et ont fait entendre leur voix. Comme les jeunes de Cureghem en 1997.

Quelques faits marquants dans et aux alentours de la maison de jeunes Alhambra peuvent nous aider à voir clair:

M déménage. Il veut le signaler à la commune d'Anderlecht afin de modifier sa carte d'identité. Pour cette démarche, il faut se lever tôt pour aller faire la file - dans le froid - au guichet spécial pour étrangers, dans la cour de la maison communale. Après quelques heures d'attente, il reçoit un rendez-vous: il devra se représenter un mois plus tard.

Certains habitants allochtones font une pétition. Ils rencontrent les autorités mais rien ne change. Cette mesure étrange persiste. Elle est totalement discriminatoire: les Belges vont à un guichet normal à l'intérieur de la maison communale et sont servis immédiatement. Tous les citoyens participent à l'essor et à la vie de la commune mais tous ne sont pas traités sur pied d'égalité.

M 17 ans est témoin d'une bataille de rue. En panique, il téléphone à la police. Quelques semaines plus tard, ses amis et leurs parents sont appelés à la police pour être entendus. La police mène une enquête sur le passé de M. Est-il fiable?

Des parents se téléphonent, les jeunes sont perplexes. Tout le monde se demande ce qui se passe.

M est convoqué à la police. Ils s'excusent et disent qu'il s'agit d'un malentendu. A cause de son appel, il l'ont pris pour un dealer. Le GSM de M fut sous écoute durant 3 mois (!) et on a convoqué toutes les personnes à qui il avait téléphoné.

Chacun n'est-il pas présumé innocent jusqu'à preuve du contraire? Pourquoi M. et ses amis ont-ils été convoqués et interrogés? Réalise-t-on ce que ce petit malentendu a provoqué dans le quartier, chez les parents de M, chez ceux de ses copains et copines? Osera-t-il une autre fois faire appel à la police ou laissera-t-il le sang couler sans intervenir?

A force de criminaliser tout un quartier, on fait une généralisation systématique. Tous criminels ou tous complices sans distinction; à Cureghem, nul n'est innocent.

T est une collaboratrice de la maison de jeunes. Elle suit une formation d'assistante sociale. En troisième année, elle s'entend dire qu'elle ne pourra pas continuer ses études. Puisqu'elle n'a pas la nationalité belge, elle est considérée étudiante étrangère et l'école a déjà les 2% d'étudiants étrangers, quota autorisé par la loi.

Après discussion, il apparaît qu'il s'agit à nouveau d'un malentendu. T n'est pas une étudiante qui vient de l'étranger: elle a fait ses études en Belgique, elle travaille et paie ses impôts. Après avoir fait la file à la maison communale, elle peut apporter la preuve et tout rentre dans l'ordre.

Mais entre-temps, elle a le sentiment d'avoir été humiliée devant les autres étudiants et, une fois de plus, elle a dû se justifier.

F a 14 ans. Sa mère travaille à Cureghem. De temps en temps, après la classe, il prend le métro pour rejoindre sa mère au travail. "Je dois venir te rejoindre au travail", dit F, "il faut que je prépare ma carte d'identité et ma carte de tram. Chaque fois que je suis venu à Cureghem, j'ai été contrôlé par la police à la station Clémenceau. Enfin, comme je leur parle en néerlandais, ils me laissent passer plus vite."

B a 14 ans et est actuellement en 2e Moderne, section sciences. Contre toute attente, car à l'école primaire, les instits de B lui avaient dit à deux reprises (en deuxième et en sixième) que sa place était dans l'enseignement spécial.

M est licencié en physique. Faute de trouver un travail, M suit des cours pour obtenir l'agrégation. Mais dans l'enseignement, pas d'emplois non plus. Il suit des cours de néerlandais et trouve finalement un emploi dans le secteur social néerlandophone à Bruxelles. Pas vraiment dans le secteur pour lequel il s'est formé, mais apparemment dans le seul secteur qui ait apprécié ses qualités à leur juste valeur.

Prenez une heure pour discuter avec les jeunes de l'Alhambra et vous pourrez écrire un livre sur les discriminations, les humiliations et le racisme.

Ce sont toutes ces choses-là qui font sortir les jeunes dans les rues, non Abou Jahjah.

La discrimination entame, peu à peu mais de manière sûre, l'image et la confiance que les jeunes ont d'eux-mêmes. Les jeunes s'excluent de la société qui les marginalise et vivent leur vie en dehors de cette société. Les personnes doutent de leurs propres capacités au lieu d'accuser le racisme. Un sentiment d'impuissance, du fatalisme s'installent. Chacun essaie, à sa manière, de trouver sa voie face aux problèmes. Certains se battent, en paroles ou en actes, individuellement ou en groupe et pas toujours de la meilleure manière.

Mais leurs questions demeurent: qui sommes-nous dans ce pays où nous avons grandi, que nous considérons comme le nôtre? Qui sommes-nous dans une société qui voit en nous un ennemi potentiel, qui se méfie de nous?

Un parent dit à sa fille: "Est ce pour cela que nous avons quitté le Maroc et essayé de construire notre avenir? Est ce pour cela que ton père s'est détruit la santé en travaillant dans ce pays? Qu'est qu'on nous avait promis?"

Dans la brochure qui, en 1962, était distribuée par la Belgique dans des pays tels que le Maroc, on peut lire:

"Si vous venez en Belgique, vous remarquerez très vite que le mot 'démocratie' y a gardé sa pleine signification. Les Belges sont fiers de leur Constitution et des libertés qu'elle contient c'est-à-dire la liberté de la presse, la liberté de culte , la liberté d'enseignement et le droit d'association avec son corollaire, la liberté syndicale. La Constitution affirme aussi que ''Tout étranger, qui se trouve sur le territoire de la Belgique, jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens''."

Ou encore:

"Aux Belges, on reconnaît comme qualités le bon sens, le courage, l'acharnement au travail, l'esprit de famille, le goût de l'indépendance; ils sont hospitaliers, en vertu de leur besoin inné de rendre service, et accueillants pour les étrangers."

Depuis le 11 septembre, la population allochtone d'origine musulmane est victime d'une haine incessante, d'une campagne de diffamation de la part de certains politiques et des médias.

On continue de demander à des gens qui sont nés ici de se justifier: "Est ce que vous êtes bien intégrés, voulez-vous vous intégrer (sinon on trouvera bien les méthodes pour vous y obliger). Parlez-vous suffisamment le néerlandais ou le français? Vous occupez-vous bien de l'éducation de vos enfants? Est-ce que vous êtes des intégristes?"

Mais, nous, nous voyons des parents qui, pendant le ramadan, préparent des carottes et des petits pois, des frites et des hamburgers, pour leurs enfants qui n'aiment plus la harira (soupe marocaine)?

Les enfants ont fêté l'Aid et Saint Nicolas.

Nous voyons dans les écoles des jeunes de toutes origines débattre et s'échanger leurs idées sur le ramadan et l'islam. Nous voyons des jeunes de toutes origines organiser des repas de ramadan dans les écoles et les maisons de jeunes et inviter toutes les communautés autour de la table afin d'être ensemble et de communiquer.

Nous voyons de longues listes d'attente pour les cours de néerlandais.

Et de l'autre côté, nous voyons des Verhofstadt, Duquesnes, ... appeler à la guerre contre les immigrés, prêts à changer les lois pour pouvoir enfermer les gens qui ne sont pas d'accord avec eux et menacer d'ôter la nationalité à tout citoyen belge d'origine étrangère qui crie qu'il n'est pas d'accord avec le sort que lui réserve la société belge.

De cette manière, n'incitent-ils pas à la violence à l'encontre de la partie allochtone de la population? Ne sommes-nous pas en route vers des dimanches encore plus noirs?

Il est temps d'arrêter tout cela. Ne pouvons-nous pas arriver à une charte du gouvernement garantissant l'égalité et des chances égales? Dans laquelle on s'attaquerait aux vrais problèmes (discriminations dans l'enseignement et sur le marché du travail) et qui interdirait aux politiciens et aux médias de stigmatiser certains groupes de la population.

Ou les maisons de jeunes seront-elles vouées à calmer les jeunes? A leur apprendre à vivre avec les discriminations et le racisme. Devrons-nous leur apprendre à accepter les humiliations afin d'éviter des émeutes?

Nous nous refusons de jouer ce rôle!

Nous voulons préparer les jeunes à vivre dignement dans une société dans laquelle ils pourront, en tant que citoyens à part entière, fréquenter des écoles de qualité. Dans laquelle ils pourront trouver un travail en conformité avec le diplôme obtenu.

Nous voulons qu'ils puissent vivre sereinement, grandir et habiter dans un quartier comme Cureghem, sans s'entendre répéter que le quartier est ''explosif''. Qu'elles aient le droit de porter un foulard si elles le désirent et de vivre leur religion comme ils le veulent sans être considérés comme des arriérés.

Tant que cela est impossible, nous serons forcés de nous mettre du mauvais côté de la barrière. Nous ne sommes pas des sympathisants d'Abou Jahjah, mais si on l'enferme nous sommes forcés de choisir son camp, car il est traité injustement.

Le quartier n'avait pas de sympathie particulière pour Said Charki, le garçon assassiné en 1997. Il était mêlé à des affaires suspectes. Mais il ne devait pas être abattu.

Mohamed Achrak aurait pu vivre et réaliser ses ambitions. Cet assassinat ne pouvait pas se commettre.

Beaucoup de jeunes dans ce quartier rêvent d'un avenir dans leur pays, la Belgique; ils veulent trouver un emploi, ils veulent rendre le quartier de Cureghem viable.

Avec l'Alhambra , nous voulons faire de sorte qu'ils obtiennent cette chance même si, pour le réaliser nous devons nous trouver du mauvais côté de la barrière.

Pour le Conseil d'Administration et les jeunes de l'Alhambra asbl:

Touria Aziz, Imen El Haffad, Mustapha Hamouda, Eric Gijssen,
Karima Hammout, Khadija Aziz, Yassin El Asri,
Mohamed Achargui, Mohsin Mouedden, Bouchra Debboun,
Jamal Makran, Miloud Merzguioui,
Veronique De Leener, Zakaria Boutaarourt, Mohamed Chouitari

Cureghem, le 9 décembre 2002

Alhambra asbl - 180, Chaussée de Mons, 1070 Bruxelles - tél: 02 523 93 54
Souhaitez-vous réagir? Ecrivez-nous via: Alhambra@AlhambraNet.be
Voulez-vous mieux connaître notre maison de jeunes?
Visitez notre site: www.AlhambraNet.be

P'tit sermon pas méchant
by Emma Bovary Friday December 20, 2002 at 07:45 PM

Bien vu et d'accord avec presque tout sauf deux choses.

J'ai fait toutes mes études dans la hantise de rester au chômage après ou de ne trouver qu'un emploi sous-qualifié. Quelqu'un de la même année que moi est resté cinq ans au chômage après avoir eu sa licence en sciences po. S'il avait été étranger, il aurait crié: "Discrimination!!" Mais il était belge. La Belgique est un pays de surdiplômés où personne n'est sûr d'avoir un emploi après sa licence à l'univ.
Pareil pour l'histoire de l'enseignement spécial. Les profs peuvent se tromper, et ils se trompent d'ailleurs souvent sur les capacités et l'avenir de leurs élèves, et je ne vois pas où est la discrimination là-dedans.

Donc attention de ne pas faire de grandes généralisations et voir des discriminations partout. Tout revers n'est pas dû à un discrimination. Ou alors on risque de s'enfermer dans l'auto-justification et l'isolement, et façe à cette aigreur, les belges qui ont tendance aux préjugés sont tentés de continuer eux-même dans leur voie.

A leur propos: il y a aussi mention dans ce texte toute une série d'événements désagréables qui ne sont pas dûs à une discrimination volontaire et organisée par des pratiques administratives, mais à des réflexes de méfiance quasi ou même totalement inconscients de la part des belges. Contre ça, il n'y a qu'une seule chose à faire: nouer des relations, se faire connaître et apprécier. Celui qui dit "les belges, tous des racistes" ne vaut pas mieux que celui qui dit "les étrangers, tous des infréquentables". Et celui qui pense "les étrangers, tous des infréquentables" doit faire un aussi gros effort sur lui-même pour dépasser cette idée-refuge, que celui qui dit: "les belges, tous des racistes". Bref, il n'y a pas d'excuse pour avoir la haine. Celui qui a la haine n'est jamais excusable. Ni d'un côté, ni de l'autre.

Il y en a d'autant moins, des excuses pour avoir la haine, qu'en Belgique il y a moins de problèmes qu'en Palestine. C'est quand même vrai qu'on respecte les biens en Belgique: on ne roule pas sur les maisons avec des chars. Pour le respect des personnes, c'est moins évident, à cause des pratiques policières et de l'impunité policière. Au sujet des discriminations dans le monde du travail, regardez les plaques des indépendants, le bottins de téléphone: combien de médecins et de doctoresses arabes, idem pour les avocats, il y en a de plus en plus, et des avocats africains aussi. C'est quand même qu'il y a moyen d'être étranger et d'avoir pignon sur rue.

Enfin, au sujet des "crimes racistes", quelqu'un sur Indy a fait remarquer qu'il y a en Belgique autant de "crimes sexistes", dont on parle moins. (Je veux dire, un homme qui tue une femme parce que cette femme lui échappe et prend sa liberté. Est-ce un crime passionnel excusable? Alors le crime raciste l'est aussi.)
Bref, dans une société, il y a toujours des tordus, mais toute la société civile n'est pas tordue.

Meurtre! Les médias observent l'agression dan
by marc Monday December 30, 2002 at 11:06 PM
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Meurtre! Les médias ...
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