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Colombie : impunité des crimes contre l'humanité de l'«Hacienda Bellacruz»
by Comité Daniel Gillard Thursday December 05, 2002 at 06:58 PM
d.gillard@skynet.be

A nouveau l'impunité est au cœur de l'information en Colombie. L'ex-ambassadeur auprès de l'Union européenne, Carlos Arturo Marulanda, extradé en Colombie et accusé de para-militarisme et de terrorisme, a été mis en liberté le 1er novembre par ordre du Ministère Public sous prétexte que les termes juridiques du délit avaient été prescrits.

LA LIBERATION ABERRANTE DE L'EX-AMBASSADEUR ET
EX-MINISTRE CARLOS ARTURO MARULANDA, CO-PROPIETAIRE DU LATIFUNDIO "BELLACRUZ"

Le 1er novembre dernier, le Ministère Public colombien ordonnait la mise en liberté de l'ex-ambassadeur de Colombie devant l'Union européenne et ex-ministre, CARLOS ARTURO MARULANDA, qui a été extradé de l'Etat espagnol vers la Colombie 15 jours auparavant. Inculpé absent devant la justice de son pays durant plus de deux ans, Marulanda avait finalement été capturé il y a un peu plus d'un an à Madrid, en raison d'un ordre d'Interpol à la demande du Ministère Public colombien, et incarcéré dans une prison de haute sécurité. Son recours de demande d'asile dans l'Etat espagnol avait été rejetée par les autorités de ce pays.

Par cette action aberrante, le Ministère Public, à la tête duquel se trouve l'actuel " Fiscal Général " de Colombie, Mr Luis Carlos Osorio, déjà connu pour avoir pris plusieurs décisions qui permettent à de hauts dirigeants militaires impliqués dans des massacres perpétrés par les para-militaires d'échapper à la justice, ruine le travail mené durant plusieurs années par ce même organisme quand il avait une autre direction et une unité de droits humains qui pouvait travailler. De plus, en annulant la qualification de " terrorisme " attribuée aux faits atroces commis contre les paysan(ne)s dans le cas de Bellacruz, le Ministère Public méconnaît la décision du juge de contrôle de la légalité de l'accusation qui avait confirmé la qualification de " constitution de groupe pour commettre un délit et terrorisme " aux faits pour lesquels sont accusés l'ex-ambassadeur Carlos Marulanda, des membres de sa famille et ses complices.

Nous considérons que cette nouvelle position du Ministère Public contribue à maintenir dans l'impunité l'un des épisodes les plus odieux de l'histoire contemporaine de Colombie : la constitution à feu et à sang, sur une période de plus de 40 ans, du latifundio "Bellacruz" sur la base de la spoliation violente des communautés paysannes, à travers les assassinats sélectifs des dirigeant(e)s, les disparitions forcées, les tortures, les violences sexuelles, la destruction des cultures, des habitations, et des centaines de déplacements violents. Les faits de violence ont redoublés le 14 février 1996, au moment même où la justice administrative de Colombie confirmait que, contrairement à ce que la famille Marulanda prétendait, les familles paysannes possédaient leurs parcelles en toute légalité. Ont commencé alors les agissements d'un groupe para-militaire qui obligea le déplacement indéfini à 10 communautés paysannes, avant la destruction et l'incendie de leurs vivres, biens, cultures, écoles et œuvres communautaires.

Dans la nuit du 14 février 1996, les para-militaires - qui affirmèrent agir sous les ordres de Carlos A. Marulanda - et en présence des effectifs militaires du bataillon 40 "Heroes de Santuario", imposèrent le déplacement sauvage et définitif des 10 communautés paysannes situées installées à Bellacruz.

Les communautés déplacées demandèrent la protection de l'Etat colombien occupant pendant 15 mois des bâtiments de l'Etat ; pendant ce temps, les para-militaires basés dans la propriété et agissant avec l'appui du bataillon 40 réalisèrent d'innombrables actes de terreur pour empêcher le retour des communautés à leurs terres ; parmi les victimes des massacres et assassinats sélectifs se trouvent : Jesus Toscano, Diosenel Toscano, Dinael Toscano, Jose del Carmen Toscano, Eder Narvaez Corrales, Jaime Laguna Collazos, Eliseo Narvaez Corrales, Edinson Donado, Luis Jose Lemus Sanchez, Segundo Vasquez, Otoniel Cañizares Jacome, Jesus Galván (disparu), Elger Castillo (disparu), Alfonso Osquidia (disparu), Cesar Diaz (torturé-assassiné), Jorge Caceres (torturé-assassiné), Daniel Hoyos (torturé-assassiné), Ricardo Cagua (détenu-disparu), Luis Segundo Torres, Belisario Sumalave, Tulio Angarita, Abdel Sumalave, German Umaña, Jose Antonio Quintero, Jose Guarín, Rafael Baena, Cediel Sanchez, Manuel Tapias, Hernan Contreras, Ciro Botello, Dioselino Quiñonez, Eduardo Prada, Carmen Rosa Arenas et sa soeur, Francisco Rodriguez (travailleur de l'Etat, torturé et menacé), Miriam Contreras (blessée), Edinson Donado (âgé de 2 ans, blessé).

Malgré les énormes risques que cela implique pour elles, des dizaines de victimes décidèrent de recourir à la justice colombienne pour dénoncer cette violence atroce en faisant des dénonciations précises sur la chaîne des responsables de ces crimes de lèse-humanité, parmi lesquels se trouvent FRANCISCO A. MARULANDA, frère de l'ex-ambassadeur, actuellement incarcéré, et, signalé comme l'auteur intellectuel de ces crimes, CARLOS A. MARULANDA.

C'est sur la base de ces nombreux témoignages et preuves solides que peu de temps après, le Ministère Public décida d'inculper et d'émettre un ordre de capture internationale contre Marulanda. Sa libération due aux agissements actuels du Ministère Public n'entre pas seulement en contradiction complète avec les décisions antérieures du Ministère Public, mais aussi avec l'obligation de l'Etat de soutenir les victimes, qu'elles soient d'extraction modeste ou non, pour qu'elles obtiennent justice et réparation. Enfin, elle constitue une violation flagrante de l'obligation internationale du Gouvernement de Colombie – en particulier, son obligation de mettre un terme à l'impunité, aux violations des droits humains.

Nous exprimons notre plus profonde indignation pour la tromperie que constitue l'extradition de l'ex-ambassadeur et sa libération quasi immédiate. Nous considérons que le Fiscal Général du pays, Mr Osorio, avec le démantèlement des instances du Ministère Public en charge des violations des droits humains, est responsable de cette nouvelle étape dans l'impunité généralisée des violations des droits humains perpétrés par les groupes para-militaires.

De la même manière, nous rejetons la réaction inacceptable du Gouvernement colombien laissant entendre, par la bouche du Ministre de l'Intérieur, Fernando Londoño, que l'ex-ambassadeur est innocent parce qu'il a exercé d'importantes fonctions, et qui ne manifeste aucune préoccupation pour que la justice soit rendue en faveur des victimes. Ses déclarations se calquent malheureusement sur la politique générale du Gouvernement du Président Alvaro Uribe Velez qui a adopté des mesures favorisant l'impunité des violations des droits humains et le para-militarisme.

Les graves failles dans le fonctionnement de la justice en Colombie, aggravées par les agissements actuels du Gouvernement et de l'actuel Fiscal, ne peuvent que confirmer entièrement la totale légitimité qu'ont les victimes de recourir à la justice pénale internationale, non seulement contre les auteurs matériels et intellectuels de ces crimes de lèse-humanité qui s'étendent tous les jours un peu plus et qui frappent toujours plus les paysan(ne)s pauvres de l'énorme latifundio "Bellacruz", mais aussi contre tou(te)s celles et ceux qui contribuent à garantir l'impunité pour ses auteurs.

Avec certitude, elles pourront compter avec l'appui de nous tou(te)s qui signons ce texte et d'autres encore, qui avons été horrifiés par ces actes qui frappent la conscience humaine.
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