Suicide d'un ex-Sabénien by Julien Versteegh Monday December 02, 2002 at 11:38 PM |
Après la faillite de la Sabena, Willy Mees avait été repris dans la nouvelle société BGS, connue pour ses conditions de travail inhumaines. Ce 27 novembre, Willy s'est suicidé. Réaction de Maria Vindevoghel, ex-déléguée syndicale à la Sabena et du docteur Nele Vandenbempt
Maria Vindevoghel est une ancienne déléguée syndicale de la Sabena. Elle est aussi à l'origine d'une plainte collective déposée contre la société. C'est avec douleur qu'elle a appris le suicide de Willy Mees, un ancien de Sabena Cargo. Après la faillite, Willy avait travaillé sous la curatelle, avant d'être repris par BGS. Les collègues de Willy parlent de lui comme d'«un garçon acharné dans son travail et toujours prêt à faire des sacrifices». Mais à force de demander toujours plus aux travailleurs, on en arrive à des situations dramatiques.
Comment expliquez-vous ce suicide?
Maria Vindevoghel. D'après le collègue qui m'a annoncé la nouvelle, Willy Mees n'a pas supporté la fin de la Sabena ni son remplacement par une société _ BGS - qui a reculé de 50 ans sur le plan des conditions de travail. Celles-ci sont devenues épouvantables et le stress ne fait qu'augmenter.
Quelle est la situation générale pour les anciens de la Sabena?
Maria Vindevoghel. Je pense que cela va très mal pour beaucoup. Un travailleur qui a déposé plainte avec moi m'a expliqué qu'il n'a pas de boulot, sa femme non plus, qu'il a des factures à payer et ne sait plus comment s'en sortir. Il m'a dit: «Avant, je ne comprenais pas le geste de Michel Rongé (co-pilote du dernier vol Sabena ayant mis fin à ses jours, ndlr). Je me demandais comment ce père de quatre enfants avait pu faire un telle chose? Aujourd'hui, je comprends mieux car ça devient impossible!».
Beaucoup sont dans le même état d'esprit, qu'il s'agisse de travailleurs toujours au chômage, ou de ceux qui ont été repris dans BGS et d'autres sociétés du genre. Chez moi, au Cleaning, certains travailleurs ne tiennent plus. Beaucoup demandent que l'on modifie les horaires, que l'on réduise les heures. On ne sait plus rien planifier. Si l'homme et la femme travaillent en pause, aucune vie de famille n'est possible.
Qu'est-ce que cela vous inspire?
Maria Vindevoghel. J'enrage! Verhofstadt et son gouvernement sont responsables de la faillite de la Sabena et du suicide de Willy Mees et Michel Rongé. Aujourd'hui, c'est contre Abou Jhajha qu'ils sont en train de s'acharner. Ils le traitent de criminel et l'ont même arrêté tout à fait arbitrairement. Mais ce sont eux les véritables criminels, et non ceux qui ont l'audace de riposter à un crime raciste. Pour moi, ce qui se passe à Anvers aujourd'hui, c'est du fascisme. C'est Verhofstadt et cie qui devraient être en prison pour la misère qu'ils ont engendré!
Nele Vandenbempt est docteur à Médecine pour le Peuple. Peu de temps après la faillite de la Sabena, elle a réalisé une enquête médicale sur les conséquences morales et physiques de la faillite. Nous lui avons demandé son avis sur le suicide de Willy Mees.
Nele Vandenbempt. Beaucoup de travailleurs sont tombés en dépression suite à la faillite. Notre enquête auprès de 144 travailleurs a révélé qu'un tiers d'entre eux étaient dépressifs et qu'un tiers se plaignaient de stress.
Willy Mees a été repris dans la nouvelle société BGS, où les conditions de travail se sont profondément dégradées: plus de flexibilité, de stress, ... Cela n'a probablement fait qu'aggraver sa situation.
Je pense aussi qu'il n'a pas digéré la faillite. Tout ce qui faisait la Sabena a aujourd'hui disparu. Les travailleurs ne reçoivent plus leur horaire qu'une semaine à l'avance, par exemple, ce qui rend l'organisation de la vie familiale et personnelle beaucoup plus difficile. Cela n'existait pas à la Sabena.
Il ne faut pas négliger non plus le fait que beaucoup de travailleurs qui ont été repris développent un sentiment de culpabilité. Ils se sentent coupables d'avoir été repris alors que certains de leurs collègues ou de leurs amis ne l'ont pas été.
La faillite avait déjà causé une perte de liens et de repères sociaux. L'augmentation de la flexibilité dans la nouvelle entreprise rend beaucoup plus difficile la reconstruction de relations sociales, de nouvelles amitiés, etc. Tous ces éléments mis ensemble créent des conditions de dépression pouvant amener au suicide.
Assez ! by Non Tuesday December 03, 2002 at 02:08 PM |
Aux armes !