La cueillette des olives continue avec le Gush Shalom. Nouvelle mission : permettre aux Palestiniens d'apporter à leur village les olives recoltes. Grace à beaucoup de ténacité et à un sit-in, face à l'armée israélienne, les sacs d'olives ont pu passer...
Comment les sacs d'olives n'ont pu passer qu'après un sit-in
dimanche 10 novembre 2002
Nous avons rempli beaucoup de sacs d'olives et nous avons même réussi à laisser les Palestiniens les amener chez eux avec leur tracteur. Mais commençons par le commencement:
Ça nous a pris plusieurs heures pour arriver au village de Salem, le lieu de la récolte d'olives de ce jour. Après toute la publicité faite sur les interventions brutales de colons contre la récolte des olives, l'armée avait apparemment pour instruction de ne pas nous refuser l'accès. En contraste avec des expériences passées, il n'y a pas eu déclaration d'une «zone militaire fermée», et les trois bus de Gush Shalom ont pu passer avec des volontaires provenant essentiellement de Tel Aviv et de Jérusalem.
Mais l'armée ne pouvait avoir changé si rapidement de nature et c'est à contre cœur qu'elle nous laissait passer, multipliant encore et encore les attentes aux barrages routiers et examinant par deux fois avec insistance notre destination avant de nous permettre d'y aller. Les activistes avaient le temps de lire les instructions: comment laisser faire les négociations par l'équipe désignée, et rester non-violent même face à la provocation de l'armée ou de colons, ainsi qu'une instruction particulière pour aujourd'hui: ne pas manger et ne pas boire: c'est le Ramadan.
Il y eut tout le temps de nouveaux obstacles: les fermiers palestiniens qui avaient demandé notre aide, n'avaient jusqu'à aujourd'hui pas du tout été autorisés à se rendre sur leurs terres près desquelles des colons avaient construit un nouvel «avant-poste pour la colonie de Alon Moreh». Et aujourd'hui, l'armée qui a accordé le passage au groupe de Gush Shalom, avait de nouveau commencé par exclure les Palestiniens. Après négociations, elle a accepté de laisser six d'entre eux nous accompagner. Les Palestiniens ont créé un fait accompli: avec ces six hommes est venu tout un groupe de femmes et leurs filles, emmenant un cheval, des ânes, des sacs, des seaux et de grandes pièces de nylon pour étendre au pied des arbres.
C'était un très long cortège grimpant, par un chemin d'une demi-heure, jusqu'au sommet de la colline où se trouvait l'oliveraie. À un moment donné, Uri Avnery a été invité à grimper en croupe - duo surréaliste nous menant à notre but.
Deux cents cueilleurs d'olives impatients se sont tout de suite éparpillés parmi les arbres. Immédiatement, des cris nerveux: l'armée ne nous permet pas d'aller dans cette direction; s'il vous plaît, n'allez que dans cette direction-ci. Il avait été convenu de ne pas se confronter à l'armée: notre but était d'amener les olives, depuis les arbres jusqu'au village, le reste étant secondaire.
Beaucoup parmi les Israéliens étaient déjà expérimentés: «vous devez tout particulièrement cueillir les vertes, et vous pouvez frapper l'arbre avec des bâtons pour faire tomber les olives les plus hautes.» Et progressivement, les seaux et les sacs ont commencé à se remplir.
Les soldats ne cessaient de montrer combien la situation les troublait: n'allez pas là, allez là - et pas toujours de manière cohérente. Certaines personnes ont entamé des discussions et l'atmosphère est devenue presque détendue. «Nous devrions en faire une zone militaire fermée. Vous nous avez trompés: il y a plus que six Palestiniens.» «Quand vous ne voulez pas que les Palestiniens cueillent leurs propres olives, pourquoi est-ce Gush Shalom qui doit le faire? Pourquoi pas des soldats?»
Quand le ciel a commencé à s'assombrir, les soldats ont décidé que c'en était assez. Il était difficile de laisser derrière soi tellement d'olives mûres et grasses, mais nous ne voulions pas tout gâcher au dernier moment - les Palestiniens en auraient payé le prix - et nous avons commencé à redescendre.
Alors, en arrivant aux bus, il est apparu que le tracteur palestinien qui devait transporter les olives jusqu'au village de Salem à 3 kilomètres de là, n'était pas autorisé par les soldats à emprunter la seule route (cette même route par laquelle il était venu). Et ils ont pris les clefs. Ça a été l'occasion d'un sit-in spontané de toute la foule bloquant la route à tout trafic. Nos négociateurs ont fait comprendre que nous n'avions pas perdu notre journée pour laisser les olives pourrir là, et que nous ne partirions pas si le tracteur avec les sacs d'olives n'était pas autorisé à retourner au village.
Il fut convenu que l'un d'entre nous, Teddy Katz, se joindrait au tracteur: pour les soldats, c'était une manière de se débarrasser de toute responsabilité, mais en même temps, pour nous, l'assurance que le tracteur ne serait pas harcelé plus loin.
Lorsque le tracteur se mit en route, les Palestiniens nous ont acclamés et remerciés comme ils ne l'avaient pas fait plus tôt, pendant les heures de la récolte.
C'était comme si la confrontation finale avec l'armée nous avait transformés de naïfs au bon cœur en combattants respectables - tout cela grâce à nos forces d'occupation «éclairées».
Gush Shalom
Traduit par Michel Ghys
http://www.gush-shalom.org/