«Ville bloquée, chaos dans Bruxelles ce mardi» annonçaient les médias. Mardi 5 novembre, Bruxelles vit la première grève générale à la STIB depuis plus de quinze ans. Quelle est l'origine d'un tel mécontentement? Reportage auprès des grévistes.
7h30. La tension est palpable chez les automobilistes mais les marcheurs et cyclistes ont l'air plutôt contents de prendre l'air par un jour de grand soleil comme celui-ci.
Pour ma part, je me prépare à quarante minutes de marche jusqu'au dépôt Delta où les travailleurs en grève se réunissent. L'accueil est chaleureux. «Venez près du feu mademoiselle. On peut vous aider? Ah, tu es de Solidaire, viens je vais te présenter des gens!». La discussion s'engage. On me fait pénétrer dans les entrailles de la STIB.
Un malaise très profond.
Les travailleurs de la STIB ne sont pas heureux de « prendre les Bruxellois en otage ». Leurs femmes et leurs enfants ont eux aussi besoin d'aller travailler ou s'instruire. Ils savent que certains travailleurs peuvent aller jusqu'à risquer leur place dans le privé s'ils n'arrivent sur leur lieu de travail. Mais leur décision de faire grève malgré tout s'explique par un ras-le-bol complet. « Il arrive souvent que l'on doive assister nos gosses pour leurs devoirs par téléphone», m'explique Mourad, «imaginez ce que cela nous coûte, une demi-heure de GSM par jour ! ! ».
Le taux de divorce des couples travaillant à la STIB s'élève à 42%, ce qui s'explique facilement par la flexibilité et la nervosité ambiante. La direction affiche une volonté claire de supprimer les « mezzanines » (aubettes dans les stations de métro et pré-métro) qui constituent justement des postes de reclassement indispensables pour les travailleurs qui ont eu des accidents ou qui ne peuvent momentanément plus conduire. Les horaires sont aberrants : «Premier jour de travail, les conducteurs roulent la nuit ; le deuxième jour, ils travaillent l'après-midi jusqu'à 22 heures ; le troisième ils ont deux services et le quatrième jour de 5 heures du matin jusqu'à 14 heures. C'est ce qu'on appelle le grand roulement. Entre deux services, il arrive que nous n'ayons que 9 heures pour rentrer chez nous, nous laver, manger et dormir alors que le minimum de temps autorisés par les normes européennes entre deux services s'élève à 11 heures !» me raconte William.
Une valise comme premier signal.
10h30. Les travailleurs s'organisent en cortège motorisé, pour se rendre avenue de la Toison d'Or, à la direction générale de la STIB.
Nous passons par le dépôt de l'avenue de l'Hippodrome où la satisfaction éclate. «Pas une seule planchette! Et chez vous?». «Aucune planchette», cela signifie que personne n'est venu travailler. C'est la première fois depuis plus de quinze ans, que les travailleurs de la STIB se mobilisent aussi largement pour une grève générale.
10h50. Nous arrivons à la direction «en fanfare». Des travailleurs de l'ex-Sabena sont là pour marquer leur solidarité.
Les grévistes sont venus pour offrir à M. Flauch une valise dans laquelle ils ont mis le plan Erasmus. «Reprends ton plan et utilise cette valise pour faire tes bagages. Direction démission!». Les hommes politiques sont eux aussi la cible du mécontentement. «C'est eux qui ont choisi de mettre une telle crapule à le tête de la STIB. Ce n'est certainement pas innocent.» m'explique Robert.
L'accueil est plutôt glacial dans les luxueux bureaux de la direction. Les travailleurs sont priés d'entrer dans la salle privée de M. Flauch, la presse est interdite. «Vive la transparence, monsieur le directeur!», lance un jeune travailleur.
«Cette grève, messieurs les directeurs, vous en êtes les seuls responsables!»
Il y a deux ans et demi, la région de Bruxelles-Capitale a mis à la tête de la STIB une nouvelle direction. M. Flauch, directeur général, vient du secteur privé, de RTL-TVI. Il pratique clairement depuis son arrivée une politique écœurante de mépris envers les travailleurs et les usagers. « Les hommes de cette nouvelle direction sont de véritables mercenaires. On les a mis là dans le but précis de démanteler la STIB en tant que service public comme ils l'ont déjà fait avec la Sabena. En plus, ils s'arrangent pour tuer toute communication avec les travailleurs ». Lors de son arrivée à la tête de ce service public, alors que les travailleurs lui posaient la question légitime de savoir s'il était bien sûr de maintenir les acquis sociaux, M. Flauch a répondu : « Messieurs n'entrons pas dans un débat idéologique ! ».Le ton est donné.
La direction présente aujourd'hui le plan Erasmus comme un « plan de la dernière chance », mais il s'agit bien d'un démantèlement organisé de tous les acquis sociaux gagné dans une lutte longue de plusieurs dizaines d'années. La volonté est clairement d'en arriver à la privatisation complète du service de transport bruxellois mais ce but reste très discret, sans doute pour éviter un soulèvement trop important des travailleurs.
Le plan Erasmus prétend mieux organiser le temps de travail, moderniser la gestion des ressources humaines, être plus compétitif, valoriser les performances,…Lors de la rencontre avec les travailleurs, M. Flauch fait preuve d'une fameuse arrogance. Il croit les travailleurs incapables de comprendre le véritable sens de ces expressions ! On dirait que ce monsieur n'a jamais entendu le mot privatisation. Il tente de faire passer les grévistes pour des gens qui n'ont rien compris.
«Mettons-le donc au défi de supprimer la flexibilité mortelle des conducteurs, de trouver un travailleur qui n'a pas de problème avec ce nouveau plan, de nous argumenter leur soi-disant volonté de maintenir la STIB comme service public!» Tel était le sentiment de tous les conducteurs rencontrés.
«Les crapules de l'Europe veulent nous casser pour ouvrir la porte au profit»
« L'Europe ne s'est pas construite pour nous, explique un travailleur, mais pour les puissants de ce monde ». Ce sont les hommes politiques qui ont mis Flauch à la tête de la STIB. Ceux-ci affichent par là leur volonté claire de démanteler les services publics. Ils sont au service de l'Europe qu'ils défendent. Ils ont déjà privatisé la Sabena, ils ont tenté de privatiser Air France,… Les travailleurs de la STIB, veulent lutter contre cette politique inhumaine du profit. Ils veulent défendre le droit de tous à un service de transport public de qualité parce que la privatisation est un moyen de plus pour accentuer la dualité entre les plus riches et les plus pauvres, entre les « puissants » et les « faibles ». Avec la nouvelle direction, la culture du service public a complètement disparu de l'entreprise.
«Les gens ont droit à un service public de qualité et les travailleurs de la STIB entendent bien continuer la lutte pour défendre ce droit coûte que coûte !»conclut Max, délégué syndical.
Reportage photo sur http://www.solidaire.org
"Le taux de divorce des couples travaillant à la STIB s'élève à 42%, ce qui s'explique facilement par la flexibilité et la nervosité ambiante. "
... à Bruxelles, le taux de divorce est proche des 50%... les employés de la stib sont donc, malheureusement, dans la moyenne.
Lorsqu'on parle de service public, on oublie un peu que le réseau de la STIB a été monté avec nos impôts.
Ce réseau nous appartient. Il est déjà dès lors totallement illogique de le privatiser (ou bien, qu'on nous rembourse ce que nous et nos parents ont payé..), mais il est aussi illogique de faire payer le transport aux usagers.
Et qu'on ne vienne pas me dire que c'est hors de prix. Ca fonctionne parfaitement dans certaines ville flamandes, alors pourquoi pas à Bxl?
Mais ca empêcherait de revendre la boîte avec bénéfices pour nos chers politocards.
Bah, on est en Belgique, non? Une démocratie, non? Vous inquiétez pas, on s'en souviendra en juin prochain..
A+
Y