Personalités et civils israéliens se joignent aux paysans Palestiniens pour récolter les olives. Ainsi ils participent à la résistance contre les attaques des colons.
Les semaines passées, les actions violentes des colons israéliens contre la cueillette des olives des paysans Palestiniens sont devenues quotidiennes. (...).Ces phénomènes sont un crachat à la figure de la société israélienne et à ses valeurs.
En conséquence, des personnalités a décidé de se joindre à la récolte des olives dans le village d'Akraba, afin d'exprimer leur claire et active protestation contre le vol des récoltes d'olives, contre la violence et contre les menaces à la vie humaine.
Parmi les participants : Amos Oz, David Grossman, Mair Shalev, A.B. Yehoshua, Dr Shmuel Harlop, Anat Oz, Adiva Gefen, Israel Cantor, Prof. Avishai Margolit, Yael Unger, Moshe Shekel, Prof. Uriel Simon, Prof. Emmanuel Etkas, Prof. Maya Bar-Hillel, Yair Roth-Levy, General (res.) Shlomo Gazit, Brigadir.General (res.) Nehemia Dagan, Ronit Matalon, Dani Amir, Edna Mazia, Colonel (res.) Mordecai Bar-on, Peter Hillman, Nehama Hillman, Dr. Meir Amir.
Amos Oz a dit : "etre aux côtés des opprimés, contre les opresseurs, est une obligation humaine et juive "
http://www.ariga.com/
http://www.indymedia.org.il/imc/israel/webcast/40711.html
Uri Avnery : Naboth avait une vigne
26 octobre 2002
S'ils avaient été là samedi dernier au crépuscule, la plupart des Israéliens n'en auraient pas cru leurs yeux.
Au centre de Havarah, un petit village au sud de Naplouse, 63 Israéliens, femmes et hommes, jeunes et vieux, étaient réunis avec des dizaines de villageois palestiniens. Des Juifs et des Arabes parlaient ensemble, buvaient des jus de fruits offerts par les hôtes, s'échangeaient des adresses et des numéros de téléphone. Les enfants du village portaient des autocollants représentant les drapeaux d'Israël et de la Palestine apportés par les visiteurs. Personne n'était armé.
Tous semblaient heureux, et avec raison: ils venaient juste de terminer le dur travail d'une journée de cueillette des olives. Ils avaient été ensemble sous les arbres. Ils étaient ensemble quand les colons ont ouvert le feu.
Tout ceci est arrivé au cœur du territoire palestinien, après deux ans de violente confrontation. Une fête de la fraternisation israélo-palestinienne au milieu d'attaques meurtrières. Une expérience humaine. Un acte politique. Un événement symbolique.
Depuis les temps bibliques, l'olivier est le symbole de ce pays. Il a nourri les paysans pendant de nombreuses générations - Cananéens, Israélites, Arabes. Tout au long de l'année, le paysan travaille dans l'oliveraie transmise de père en fils, il soigne les arbres, nettoie le terrain. Pendant les quelques semaines que dure la récolte, toute la famille - hommes et femmes, vieillards et enfants - cueille les olives. Celles-ci doivent être ramassées à temps et transportées vers le pressoir, où le liquide doré, l'huile d'olive, est extrait. Ces jours-là sont des jours de réjouissances.
Aujourd'hui, dix oliviers peuvent faire vivre une famille entière. Sans eux, celle-ci ne peut survivre. Plus l'occupation se durcit, plus elle entrave la liberté de circulation, plus elle prive les gens de leurs autres moyens d'existence, plus les villageois sont dépendants des oliviers.
C'est pourquoi les actions des colons sont si ignobles. Ils essaient d'empêcher la récolte, de voler les fruits et de brûler les plantations. Leurs actions rappellent un des faits les plus scandaleux de la Bible, qui reste comme une honte éternelle: l'histoire de la vigne de Naboth (I Rois XXI):
"Naboth de Jizréël avait une vigne, qui se trouvait à Jizréël, à côté du palais d'Achab, roi de Samarie. Achab a parlé à Naboth en lui disant: donne-moi ta vigne pour qu'elle devienne mon jardin potager, car elle est toute proche de ma maison, et je te donnerai à la place une vigne meilleure que celle-là ou bien, si cela semble bon à tes yeux, je te donnerai de l'argent pour sa valeur. Mais Naboth dit à Achab: Loin de moi de par Yahvé que je te donne l'héritage de mes pères!..." Le reste de l'histoire est bien connu: Jézabel, l'épouse d'Achab, a fait produire de faux témoignages, Naboth a été lapidé à mort, Achab a eu la vigne. Mais finalement, les chiens ont léché le sang d'Achab et de Jézabel.
Mais, comparée aux colons d'aujourd'hui, la cruelle Jézabel était un modèle de vertu. Les colons prennent possession des oliveraies des villageois sans même leur proposer un paiement ou une contrepartie. Ils se contentent de tirer. Un garçon palestinien a été tué par eux alors qu'il récoltait des olives, des centaines d'autres ont été chassés.
Presque tous les villages palestiniens ont des oliveraies qui bordent une colonie ou un "avant-poste", et ce sont les colons qui contrôlent la situation. Quand les propriétaires s'approchent pour entretenir le terrain ou cueillir les olives, les colons leur tirent dessus "en coordination avec l'armée". Au simple prétexte que, quand les villageois récoltent des olives près d'une colonie, ils peuvent voir ce qui s'y passe et la menacer.
C'est vraiment une perversion monstrueuse: installer une colonie au milieu d'une population dense de Palestiniens et leur interdire de travailler leur terre, parce que celle-ci est proche de la colonie.
Dans certains cas, les colons ne se contentent pas de tirer, mais ils envahissent physiquement les oliveraies, chassent les villageois et volent les olives déjà cueillies. Les prophètes d'Israël auraient été choqués. Vol en plein jour. Et l'armée reste silencieuse.
Les intentions des colons sont plus diaboliques que celles d'Achab et de Jézabel, ils veulent transformer la vie des villageois en enfer, pour les obliger à partir. C'est ce qu'on appelle "transfert volontaire", ou, en langage clair, nettoyage ethnique.
Pour des Israéliens honnêtes, la conclusion s'impose: ils vont aider les villageois à cueillir les olives avant qu'elles pourrissent sur les arbres ou soient volées. Ils forment un "bouclier humain" contre les colons. Durant les dernières semaines, c'est ce qu'ont fait des centaines d'Israéliens.
Samedi dernier, 260 Israéliens ont répondu aux appels de diverses organisations pacifistes (Gush Shalom, Ta'ayush, La Coalition des femmes, une partie de La Paix maintenant, et d'autres). Ils ont été répartis entre les villages les plus exposés.
Quant à moi, je me suis retrouvé à Havarah, un village situé dans une vallée entre deux hautes montagnes. Ses oliveraies sont réparties sur les pentes abruptes des montagnes, qui sont couvertes de pierres et de buissons piquants. Rien que d'y arriver était déjà pénible. Ici ou là, quelqu'un tombait et était égratigné. Mais tout le monde est arrivé.
Autour de dizaines d'arbres, des groupes de cueilleurs, Israéliens et Palestiniens, ont commencé à travailler. Les propriétaires des arbres ont profité de la présence des Israéliens et ont travaillé rapidement. Contrairement à l'habitude, ils frappaient les branches avec des bâtons pour faire tomber les fruits sur des tapis de plastique vert étalés sur le sol. Mauvais pour l'arbre, mais beaucoup plus rapide. Le temps était compté.
Chacun travaillait fébrilement, tenant les branches garnies de fruits et remplissant des seaux et des sacs ou ramassant les olives sur le sol. Chaque olive était précieuse. Les sportifs et les sportives grimpaient dans les arbres, remplissant chapeaux et sacs.
Les groupes qui étaient arrivés en haut de la montagne se sont trouvés face aux colons de Yitzhar, un nid bien connu de fanatiques, revêtus de leurs habits du Sabbat - pantalon noir, chemise blanche - fusil en main. Ils ont menacé les cueilleurs, tiré en l'air et au sol (un cueilleur israélien a été touché par ricochet par une motte de terre). Les tirs faisaient écho entre les montagnes. Quarante minutes plus tard, les soldats sont apparus, et, après avoir embrassé les colons, ils ont demandé aux cueilleurs de quitter les lieux. Ils ont expliqué que les colons avaient eu raison d'ouvrir le feu parce que les cueilleurs mettaient la colonie en danger. Les cueilleurs ont poursuivi leur travail avec obstination, défendus par le "bouclier humain" israélien. Mais ils ont été peu à peu poussés en bas de la pente, suivis de près par les colons, avec les soldats entre les deux.
Dans d'autres plantations, le travail a continué sans interruption. Alors qu'il se poursuivait, des cigarettes étaient échangées, des conversations engagées, d'abord avec hésitation, puis plus naturellement, malgré les difficultés de langue. Certains des villageois connaissaient l'hébreu et parlaient des endroits où ils avaient travaillé à Tel-Aviv.
Avant la tombée de la nuit, les tapis ont été rassemblés et pliés, les gens ont placé les sacs pleins et lourds sur leurs épaules ou sur des ânes et ont commencé la descente des pentes abruptes de terrasse en terrasse. Les enfants du pays sautaient avec facilité, les plus âgés et les invités se déplaçaient plus précautionneusement, s'accrochant aux buissons et se soutenant les uns les autres.
Beaucoup de gens heureux étaient là. Ceux qui avaient fait face aux voyous étaient heureux parce qu'ils n'avaient pas fui. Les cueilleurs israéliens étaient heureux parce qu'ils avaient conjugué une manifestation politique avec une action utile. Les Palestiniens étaient heureux parce qu'ils avaient sauvé au moins une partie de leur récolte. Ils portaient leurs lourds sacs sur leurs épaules. Au pied de la montagne, les sacs furent placés sur des ânes ou dans de vieilles voitures qui semblaient à tout moment prêtes à se disloquer.
À la fin, un adieu émouvant: des centaines de Palestiniens, hommes, femmes et enfants, ont salué en agitant les mains avec enthousiasme le départ des Israéliens, sur la place du village, dans les allées et depuis les fenêtres - un village tout entier. Les gains en bonheur d'une journée de travail.
[ Traduit de l'anglais - RM/SW ]
Le texte anglais de cet article, Naboth had a Vineyard, peut être consulté sur le site de Gush Shalom : http://www.gush-shalom.org/