En hommage à ceux qui ont perdu la vie, en cherchant à la gagner. by Alice Adler et Vinciane Convens Thursday October 31, 2002 at 11:12 PM |
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31 octobre 2002, 18h. 21 silhouettes de papier sont accrochées aux grilles de l'usine Cockerill-Sambre. Elles correspondent aux 21 victimes du géant de l'acier Arcelor depuis moins d'un an. Reportage sur les lieux.
31/10/02 :18h00, le long des grilles de l'usine de Cockerill-Sambre, près de 200 personnes se sont rassemblées autour des familles endeuillées pour rendre un hommage émouvant, mais rempli d'une colère légitime, aux deux jeunes travailleurs intérimaires qui sont morts ce 22 octobre à 8h52. Leonardo Vento, 21 ans et Kadour Ben Chehida, 35 ans, ont perdu la vie lors de l'explosion qui a ravagé la cokerie du groupe sidérurgiste Arcelor à Ougrée (Liège).
Les ouvriers devaient effectuer un entretien qui nécessite la purge de tuyaux de gaz extrêmement explosifs. Cette manœuvre d'entretien nécessite normalement 10 jours de travails. Les patrons d'Arcelor, pour économiser leur temps et leur argent si précieux, ont réduit les travaux à deux journées. Il est clair que les investissements pour la sécurité des travailleurs sont considérés comme superflus par le patronat.
Patrice Bardet, délégué Ufict-CGT, Villeneuve d'Ascq (France) : « Les travailleurs précaires, les ouvriers des entreprises sous traitantes, donc les moins formés aux règles de sécurité, mettent en leur vie - et celle des autres - et en paient le prix le plus lourd; en France aussi, il suffit de regarder le chiffre des accidents du travail, et particulièrement les accidents mortels (que l'on peut qualifier de crimes du capitalisme quand c'est le prix de l'argent roi) : le plus lourd tribu est le lot des intérimaires, des contrats à durée déterminée, en un mot, les plus corvéables .».
Une erreur humaine ?
Un témoin oculaire de la déflagration nous précise qu'il ne pouvait pas s'agir d'une petite nappe de gaz mais d'une fuite très importante. Que l'on ne nous parle donc pas d'erreur humaine ! Avec ces deux derniers morts le groupe Arcelor dont fait partie Cokerill-Sambre en est maintenant à sa 21ème victime en moins d'un an. Chacun a peur aujourd'hui de se rendre sur son lieu de travail. Chaque jour, les femmes et les enfants des travailleurs attendent leur retour avec angoisse. « Quand mon fils finit le travail, à 2h ou 4h du matin, je téléphone encore pour être sûre que rien de grave n'est arrivé. Nous vivons tout le temps dans l'incertitude » nous explique la mère d'un jeune intérimaire de 19 ans.
Une fatalité ?
Ce soir nous assistons donc à une commémoration empreinte d'une volonté de lutte. L'heure est à la douleur mais pas aux lamentations. Autour des familles sont réunis des représentants de la CGT- Pas de Calais, des représentants de Brème, des travailleurs de Sidmar, des dockers du port d'Anvers, des maisons médicales de Zelzate et de Herstal, …
Ensemble nous sommes d'accord pour dire que les conditions dans lesquelles travaillent aujourd'hui les ouvriers sont celles d'une véritable guerre livrée par le patronat. « Une guerre dont le butin est le profit maximum. Une guerre dont les soldats ne sont jamais vainqueurs, car le butin se partage toujours entre les plus puissants. » Nous sommes d'accord aussi pour dire qu'une autre société où les travailleurs auraient le contrôle de leur outil de travail permettrait certainement de remettre la valeur d'une vie humaine à sa place légitime.
Le système dans lequel nous vivons a encore ses failles, des failles dans lesquelles meurent des jeunes travailleurs. Le patronat a, une fois de plus, du sang sur les mains. Nous n'avons aucune raison de l'accepter.