France: pas d'excuses pour les harkis by ST Friday October 25, 2002 at 03:53 PM |
Ce lamentable lamentateur qui s'excuse tous azimuts, Chirac dit le grand Jacques -- ce qui n'est pas tellement un compliment -- vient encore de s'excuser, cette fois-ci auprès des harkis, ses anciens compagnons, ou plutôt ses anciens valets d'armes.
Chirac a été sous-off en Algérie et il a donc pris sa part dans la tâche générale de massacre des populations algériennes qui avaient le toupet de penser que 130 ans de colonisation, ça suffisait.
Malgré son million de bidasses désoeuvrés et pétochards, l'armée française avait cru bon de recruter des auxiliaires locaux. On a toujours fait ça dans toutes les guerres coloniales. En cas de coup dur, on amène les soldats ressortissants d'autres territoires coloniaux pour semer la terreur sur place. Passons sur cette sinistre histoire.
Tous les harkis n'étaient pas volontaires. Engagés de force, râflés par hasard, soldats du FNL habilement retournés, tous les cas ont existé. Un seul fait s'impose: ils ont porté les armes contre le peuple algérien en lutte pour ses droits élémentaires, et ils se sont couverts de sang. Leurs chefs leur ont gentiment refilé le sale boulot. On les a chargés d'interroger les prisonniers et ils l'ont fait, au couteau. Dans la dernière phase de la guerre, ils ont été envoyés "en métropole", comme on disait alors, pour seconder la police dans ses rafles et ils avaient la charge des tortures dans certains commissariats. On leur donnait un vague uniforme et ils en tiraient le surnom de "bleus de chauffe". Les policiers eux-mêmes en avaient une trouille bleue.
Je ne parlerai pas ici des individus, qui ont été ce qu'ils ont été. Mais en tant que corps social et militaire, les harkis ont étél'instrument des pires saloperies commises par l'armée à laquelle ils appartenaient, c'est-à-dire l'armée française. Leur vraie spécialité était le crime de guerre que les muscadins gominés de l'armée officielle répugnaient à commettre eux-mêmes. Ils préféraient, à l'heure du pastis, donner leurs ordres aux "bougnoules" de service. Le fait que ces harkis aient été recrutés, encadrés et payés par des officiers français ne les rend pas irresponsables de ce que, collectivement, les harkis ont fait en matière d'assassinats et de crime contre l'humanité.
Arriva l'indépendance. Beaucoup de harkis, saisis d'une trouille parfaitement justifiée au souvenir de toutes les horreurs qu'ils avaient commises, ont imploré leurs officiers français de les emmener en exil. Selon les cas, et contrairement aux directives vagues de l'armée, certains ont pu bénéficier des bateaux qui emmenaient les pieds-noirs vers leur "nouvelle patrie". Ensuite, on les a collés dans de vieux camps de concentration désaffectés et on les a oubliés là. Qui voulait accueillir un effroyable bande d'assassins et de tortionnaires?
Et puis il y a eu ceux qui sont restés, que leurs officiers, toujours prêts à verser une larmichette sur leur "honneur perdu" ont laissé tomber parce qu'ils ne voulaient pas compromettre leur belle carrière de brute galonnée. Ceux-là, restés en arrière (l'armée française a mis deux ans à déménager), ont eu des sorts divers. Certains ont dû faire face à la colère de la population, et ont été massacrés, à titre de vengeance. D'autres ont réussi à se faire oublier en changeant de bled. Doit-on pleurer ceux qui ont été frappés par la vengeance?
La seule chose qu'il est possible d'affirmer nettement, est qu'il n'y a pas eu de politique de l'Etat algérien à l'égard des harkis parce qu'à l'époque, en 1962, il n'y avait pas d'Etat algérien. Différentes équipes s'affrontaient pour le pouvoir et il s'est passé de longs mois avant que l'armée venue de Tunisie s'impose sous le couvert de Ben Bella. Le sort des harkis s'est donc joué localement.
On peut certes affirmer que les harkis, comme d'ailleurs les pieds-noirs, ont été des victimes de la colonisation. Mais ils ont été ceux qui ont commis des atrocités pour maintenir la domination coloniale et leur statut de victime ne prête donc pas à compassion.
Chirac présente ses excuses. Il s'excuse que l'on n'ait pas davantage honoré cette bande de criminels. Certes, le FNL n'était pas composé d'enfants de choeur et nombre de crimes ont été commis par des gens du FNL, avant et après l'indépendance (2 juillet 1962). Mais ces crimes ne sont ni excusés ni honorés. Les harkis se sont fait oublier. Ce sont les fils de harkis qui font du tam-tam depuis des années. Ils feraient mieux de ne pas trop revendiquer l'héritage sanglant et honteux de leurs pères; ils feraient mieux de penser à autre chose.
Vidal-Naquet, toujours à l'affût d'un atome de magistère moral, a pleurniché aussi sur le sort des harkis. C'est parce qu'aujourd'hui on a oublié le sens de la rétribution à chaud, de la justice sommaire, déconsidérée sans doute par les excès politiques de l'Epuration. Il me semble qu'il vaudrait mieux coller Sharon ou Peres contre un mur que de leurs faire des procès à la Haye dans quinze ou vingt ans. Ce serait plus expédient et politiquement plus utile. Pour moi, la justice expéditive, avec tous ses défauts évidents, que je ne minimise sûrement pas, vaut toujours mieux que les procès interminables faits des décennies plus tard à des ombres cacochymes, par des idéologues véreux et intéressés, qui trahissent et la justice et la vérité.
Merci by do Sunday October 27, 2002 at 02:50 AM |
Ça fait plaisir à lire !
A+
do
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