Amnesty: violations des droits humains dans les zones diamantifères du Congo by Rami Friday October 25, 2002 at 01:09 PM |
Chaque jour qui passe, le sang coule dans les zones diamantifères des régions de la République démocratique du Congo (RDC) contrôlées par le gouvernement, dans un silence que pas un seul membre de la communauté internationale ne vient rompre.
RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO
Le gouvernement doit enquêter sur les violations des droits humains commises dans les zones diamantifères de Mbuji-Mayi
Index AI : AFR 62/021/02
Embargo : 22 octobre 2002 (01 h 00 GMT)
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
" Chaque jour qui passe, le sang coule dans les zones diamantifères des régions de la République démocratique du Congo (RDC) contrôlées par le gouvernement, dans un silence que pas un seul membre de la communauté internationale ne vient rompre ", a déclaré Amnesty International aujourd'hui, en précisant : " Chaque année, des dizaines de mineurs présumés illégaux - parmi lesquels figurent des enfants - sont tués, tandis qu'un nombre bien plus important encore de mineurs sont grièvement blessés par des gardiens qui bafouent la loi en bénéficiant manifestement de la plus totale impunité. "
" De toute évidence, l'anarchie règne dans les zones diamantifères de Mbuji-Mayi ", a encore déclaré l'organisation, qui rend public un nouveau rapport intitulé République démocratique du Congo : de gros profits au goût de sang traitant de la question de l'industrie du diamant dans les régions de la RDC sous contrôle gouvernemental. " Alors que des civils non armés, y compris des enfants, sont régulièrement victimes d'homicides commis de sang-froid, jamais aucun de leurs auteurs n'est déféré à la justice, et rien n'est fait pour y mettre fin. "
La plupart du temps, ces homicides sont perpétrés à l'intérieur des concessions de diamants de la MIBA, une société d'exploitation de diamants dont l'État congolais est l'actionnaire majoritaire et dont le siège se trouve à Mbuji-Mayi, dans la province du Kasaï-Oriental. Les auteurs de ces homicides sont des gardiens de la MIBA qui n'ont reçu aucune formation officielle dans le domaine de l'application des lois civiles et qui, semble-t-il, recourent régulièrement à la force de façon excessive, notamment en utilisant des armes à feu, lorsqu'ils sont confrontés à des mineurs présumés illégaux. Même s'il peut arriver qu'une minorité d'entre eux soient armés, et qu'ils représentent donc une menace réelle pour la sécurité des gardiens de la MIBA, les mineurs présumés illégaux sont, dans la majorité des cas, non armés. " Dans ces circonstances, le fait de les abattre s'apparente à une forme d'exécution extrajudiciaire ", a précisé Amnesty International.
Un observateur a confié à l'organisation : " Quand on voit des corps flotter dans la rivière, ou des survivants qui dissimulent leurs blessures par crainte de représailles de la part des autorités, vous ne pouvez que vous dire que ces jeunes gens sont abattus comme des chiens. Ils n'ont aucun droit. Et personne ne fait quoi que ce soit pour remédier à cette situation. "
Des soldats des Forces de défense zimbabwéennes, qui sont alliées à la RDC et ont actuellement entrepris de se retirer du territoire congolais, ont également participé à la surveillance des concessions de la MIBA. Ils se sont, eux aussi, rendus responsables de violations des droits humains, notamment d'homicides illégaux sur la personne de mineurs présumés illégaux, pour lesquelles ils n'ont jamais eu à rendre de comptes. Lors d'une visite officielle dans l'une des concessions de diamants de la MIBA, des délégués d'Amnesty International se sont vu mettre en joue et ordonner de quitter leur véhicule, avant d'être brièvement détenus par des soldats des Forces de défense zimbabwéennes. Un officier a menacé d'ouvrir le feu s'ils ne descendaient pas de leur voiture, un comportement qui montre à l'évidence que les soldats zimbabwéens sont prêts à faire usage de leurs armes à feu contre des civils non armés.
En outre, les mineurs présumés illégaux arrêtés par les gardiens de la MIBA voient leurs droits régulièrement bafoués. Ils sont généralement détenus dans des centres de détention non officiels situés à l'intérieur des concessions de diamants de la MIBA, où les conditions sanitaires, effroyables, s'apparentent à une forme de traitement cruel, inhumain et dégradant. En avril 2002, l'âge moyen des détenus de l'un de ces centres de détention était d'environ quinze ans. Il n'existe aucune disposition visant à séparer les mineurs des adultes. Les détenus qui ont été blessés lors de leur arrestation ou qui tombent malades pendant leur détention ne reçoivent aucun soin.
Les autorités congolaises refusent de reconnaître que des atteintes aux droits humains de grande
ampleur, notamment des exécutions extrajudiciaires, sont commises dans les concessions de diamants. Les journalistes et les militants des droits humains de la région qui ont osé dénoncer ces violations ont été arrêtés arbitrairement et victimes d'autres formes d'intimidation. À la connaissance d'Amnesty International, pas un seul gardien de la MIBA n'a été jugé pour homicide sur la personne d'un mineur présumé illégal. Sans même parler de condamnation.
Jusqu'à présent, la communauté internationale n'a exercé aucune pression sur le gouvernement de la RDC pour que celui-ci brise le lien existant entre son commerce de diamants et les atteintes aux droits humains. En fait, la RDC a même pu signer en avril 2002, sans que personne n'y trouve rien à redire, le nouveau système international de certification des diamants approuvé dans le cadre du Processus de Kimberley. Ce système vise à mettre un coup d'arrêt au commerce, organisé par différents groupes politiques armés, de ce que l'on appelle les diamants de la guerre.
" Les activités commerciales des gouvernements nationaux devraient faire l'objet d'un contrôle plus strict de la part de la communauté internationale ", a recommandé Amnesty International. " Que le gouvernement de la RDC affiche sa volonté de respecter les droits humains en rejoignant le Processus de Kimberley alors que, dans le même temps, de graves violations des droits humains directement liées à son commerce de diamants sont commises chaque jour, voilà qui paraît bien hypocrite. "
" Il faut que cessent ces homicides. Le gouvernement de la RDC doit instituer une commission d'enquête indépendante qui sera chargée de faire la lumière sur les atteintes aux droits humains liées au commerce de diamants de Mbuji-Mayi, et il lui incombe également de traduire leurs auteurs en justice ", a déclaré Amnesty International. " Le gouvernement devra en outre s'attacher à mettre en œuvre les recommandations de la commission visant à empêcher de nouvelles atteintes aux droits humains, tant dans les zones diamantifères de Mbuji-Mayi que dans l'ensemble de l'industrie du diamant. "
Pour obtenir de plus amples informations, veuillez contacter le Service de presse d'Amnesty International, à Londres, au +44 20 7413 5566 ou consulter notre site web : http://www.amnesty.org