arch/ive/ief (2000 - 2005)

L'occupation ne reconnaît plus de limites

Par Ghassan Andoni
19 octobre 2002

Alors même que des villageois palestiniens, avec l'aide et le soutien de volontaires de l'ISM [International Solidarity Movement], tentent de récolter les olives sur des terres palestiniennes cultivées par eux et qui leur appartiennent en propre, la brutalité exercée à la fois par l'armée israélienne et les colons, qui vivent illégalement dans des colonies toutes proches, atteint des limites sans précédent.

Les faits suivants, tirés des rapport présentés par des volontaires internationaux, ne sont que des exemples de ce que font et l'armée et les colons:

1. En quelques occasions, les colons ont fait feu sur les cueilleurs d'olives: un Palestinien a été tué (dans le village d'Aqraba) et de nombreux autres blessés.

2. Tandis que l'armée empêche les Palestiniens d'accéder à leurs oliveraies, les colons font venir des travailleurs étrangers, et volent les olives cultivées par les villageois palestiniens (à A'warta, près de Naplouse).

3. Selon ces mêmes rapports, il est arrivé que des colons attaquent et terrorisent les villageois à l'époque de la cueillette des olives; en de nombreuses occasions, ils les ont physiquement attaqués; régulièrement, ils leur ont jeté des pierres.

4. Dans plusieurs rapports, on a signalé que l'armée israélienne ne s'est pas contentée d'empêcher les villageois d'arriver jusqu'à leurs champs: elle les a également physiquement attaqués, et en a arrêté quelques-uns après les avoir roués de coups.

5. À deux reprises, les colons ont mis le feu dans des oliveraies palestiniennes et ont détruit des dizaines de dunums [1 dunum = 0,1 hectare] cultivés.

6. Pour construire la barrière dite de "sécurité", les entrepreneurs de l'État israélien ont détruit des milliers de dunums de terre cultivée par les villageois. En de nombreuses occasions, les entrepreneurs ont utilisé la force physique contre les villageois palestiniens, allant jusqu'à tirer sur eux avec des balles à haute vélocité.

On ne peut s'empêcher de se demander pourquoi la récolte des olives, partie intégrante de la vie des villageois, doit être confrontée à un tel degré de brutalité. Quel est ce besoin de sécurité qui demande que les villageois ne récoltent pas leurs olives, et permet aux colons de voler les récoltes avec la protection de l'armée d'occupation?

Premièrement, en tentant sans arrêt de détruire les bases d'une vie normale pour les Palestiniens dans les Territoires occupés, et après avoir complètement détruit la société civile palestinienne dans les villes, les bourgades et les camps de réfugiés, les autorités de l'occupation sont en train de détruire systématiquement les communautés villageoises de Palestine, en transformant les villages en camps de réfugiés. L'inhumanité des sièges, des incursions et des interminables couvre-feu a sapé les bases de la vie humaine dans les villes et les camps de réfugiés palestiniens. La mainmise sur la terre et les récoltes palestiniennes revient à priver les villageois de leur terre cultivée - dont ils vivent, et qui constitue le solide fondement de leur société -, et à fixer les limites de chaque village à la dernière maison bâtie dans chaque direction. Autrement dit, le processus de destruction et de transfert a déjà commencé.

Deuxièmement, non seulement Israël ne reconnaît pas les droits de propriété des Palestiniens sur leurs terres, il ne leur reconnaît pas non plus le droit de récolter ce qu'ils ont planté et nourri pendant des centaines d'années. Il ne s'agit pas seulement ici d'un déni de leur droit à la propriété mais aussi d'un déni de leur droit à la vie. On se croirait revenu au temps du Moyen-ge, quand le maître possédait non seulement la terre mais aussi le travail et la vie de son esclave. Ce qu'on ne comprend pas à ce stade, c'est le silence mortel des médias internationaux et de la communauté internationale "modernisée".

Troisièmement, cette campagne pour la récolte des olives montre, sans aucun doute possible, pourquoi on fait venir des gens pour qu'ils vivent dans des colonies sur les Territoires palestiniens. Toutes les revendications sur le droit des Juifs à vivre dans ces régions, ces affirmations sur la grande importance des colonies pour la sécurité d'Israël, tout cela se révèle sans fondement. Il est évident que les colons sont dans les Territoires occupés pour s'emparer illégalement du droit des autres et voler le travail des autres. Les colons sont à l'avant-garde du projet israélien de transfert et remplacement.

Et enfin, si vous êtes Palestinien et que vous réalisez que la terre dont vous avez hérité de vos grand-parents - et pour laquelle vous avez tous les documents qui prouvent que vous en êtes le propriétaire légitime -, que cette terre n'est pas à vous, que vous n'êtes que le "gardien" de l'endroit, jusqu'à ce que, venu de Brooklyn, de Russie ou même, plus récemment, du Pérou, quelqu'un arrive et décide de s'en emparer...

Et la maison bâtie avec le travail de toute une vie, pour laquelle vous avez, en tant que propriétaire, tous les documents requis, cette maison qui abrite votre famille, quand vous réalisez qu'elle n'est pas à vous, qu'on peut s'en emparer ou la détruire parce qu'un colon, un beau jour, a décidé qu'il a besoin de développer sa colonie ou d'ouvrir une route, qui ne servira qu'à lui seul, et qu'il lui faut donc mettre la main sur votre maison...

Quand vous vous rendez compte que vous cultivez pour que d'autres en profitent, quand vous mettez au monde des enfants pour qu'on les emprisonne ou qu'on les tue... Pouvez-vous croire, un seul moment, qu'il est possible de coexister avec l'occupation? Quel choix vous reste-t-il?

Ghassan Andoni
Traduit de l'anglais par Michelle Cheminel

Ghassan Andoni est le Directeur du "Palestinian Centre for Rapprochement between People"
http://www.rapprochement.org/