arch/ive/ief (2000 - 2005)

Tout est Fini
by R.B. Sunday October 20, 2002 at 06:48 PM

"Tout est fini" - Harclé par les colons israéliens des palestiniens quittent leur village

 

«Tout est fini», a dit hier en pleurant le maire du village de Yanoun, 22 kilomètres à l'est de Naplouse. Même les murs des maisons semblaient tristes et pleuraient leurs habitants qui les quittaient après que les colons aient transformé leur vies en un enfer insupportable.

«C'est la fin», a dit le maire Abdellatif Sbeih (48 ans), «depuis 5 ans, nous subissons des agressions quotidiennes de la part des colons. Nous avons fait appel au monde, nous avons écrit des centaines de plaintes, mais personne n'a volé à notre secours. Les habitants du village ont commencé à partir l'un après l'autre, cherchant plus de sécurité pour les enfants, et je suis resté moi, pour être le dernier partant.»

Les habitants de ce village ont vécu en sécurité pendant des siècles jusqu'en 1998, quand les colons de la colonie d'Itamar ont occupé les sommets des deux montagnes entourant le village à l'est et de l'ouest, et ont commencé leurs attaques organisées.

Ces attaques ce sont intensifiées après le début de l'Intifada, et dans les derniers mois ont pris une tournure très dangereuse.

Les habitants disent que les attaques des colons ont atteint tous les habitants et leurs propriétés. Le maire a ajouté: «Les colons nous attaquaient dans nos champs, et dernièrement ils ont commencé à nous attaquer dans nos maisons, à nous tabasser chez nous et à nous menacer de nous tuer tous l'un après l'autre si nous ne partions pas.» Il poursuit: «Dans les derniers mois, ils ont détruit toutes les sources de vie dans le village. Ils ont détruit les canalisations et réservoirs d'eau, ils ont brûlé le générateur d'électricité [offert par l'Union Européenne], ils ont pollué l'eau de la source qui était la seule source d'eau au village. Nous avons supporté toutes ces attaques, mais dernièrement, ils ont commencé à attaquer les maisons, à y pénétrer et à y attaquer les femmes et les enfants, poussant certains à craindre pour leur vie, et à partir pour le village de Aqraba voisin. Les départs ce sont succédés, jusqu'à ce qu'il ne reste que 6 familles, qui partent aujourd'hui [vendredi 17 octobre 2002].»

Un vieillard de 70 ans, assis dans la voiture qui allait le conduire au village de Aqraba, a dévoilé son œil droit disant: «Regarde, ils m'ont crevé mon œil. Il y a quelques jours ils ont tué un homme sur sa terre, ici» en désignant le champ où le jeune paysan Hani Beni Menna (24 ans) a été tué il y a deux semaines, ajoutant «avant, ils avaient attaqué un autre homme, il lui ont crevé un œil, ils lui ont cassé la jambe, ce sont des bêtes féroces, et il n'y a personne pour nous protéger.»


En bas à droite, le village de Yanoun, dominé par l'immense colonie d'Itamar.
En rouge foncé : les agglomérations palestiniennes - orange foncé : zone A - orange clair : zone B - crème : zone C - rouge vif : bases militaires israéliennes - noir et bleu : colonies

Yanoun est un petit village isolé entre deux noyaux de colonisation. Le maire du village a mis ses meubles dans un camion, s'apprêtant à partir. Il a dit en fermant sa maison «Quand les colons ont occupé ces deux montagnes, et y ont construit ces deux colonies, il y avait seize familles au village, et dans les derniers mois il ne restait que nous, six familles. Dernièrement, les colons ont intensifié leurs attaques contre nous, ils pénétraient dans les maisons, frappaient les hommes, les femmes, et les enfants. Que pouvons-nous faire?»

Sa fille Rania (12 ans), pour qui Yanoun était son seul monde, a dit en essuyant ses larmes: «Ils cassaient les fenêtres des maisons avec des cailloux, ils pénétraient et frappaient mon père devant nous.»

Le maire Abdellatif Sbeih a subi sept attaques des colons. Il y a des mois, des colons l'avaient blessé à la tête, nécessitant une hospitalisation à l'hôpital Rafidia à Naplouse.

Le convoi de départ des habitants du village ressemblait à un cortège funéraire. Les hommes, les femmes et les enfants se sont mis à pleurer.

Kamal Youssef Sbeih (40 ans) a tenté de calmer ses six enfants qui se sont mis à pleurer dès qu'ils sont montés dans sa vielle voiture pour partir. «Je n'avais pas d'autre choix», dit-il le visage grave, «j'étais sur le point de perdre mes enfants qui ont commencé à avoir des crises psychologiques dès qu'ils entendent le bruit d'une voiture dans les environs. Aucun d'entre eux n'osait plus quitter son lit pour aller aux toilettes la nuit. Ils vivaient dans la peur et faisaient des cauchemars.» Il a ajouté: «Je n'arrivais plus à dormir la nuit de peur de subir une attaque, mais jusqu'à quand peut-on supporter tout ça?»

Les villageois disent qu'ils se sont plaints à plusieurs reprises aux autorités israéliennes, mais les plaintes n'ont servi à rien. Kamal Sbeih: «La patrouille de l'administration civile [l'administration militaire israélienne, NdT] venait ici pour étudier nos plaintes, mais les officiers ne parlaient même pas avec les colons quand ils les trouvaient dans nos champs», ajoutant: «Une fois, ils nous ont dit: on ne peut enregistrer vos plaintes contre des gens dont nous ignorons les noms et les adresses, si vous voulez déposer une plainte, il faut nous apporter les photos de ces colons.»

Le maire a ajouté: «C'est un État colonial qui nous apporte les colons pour occuper nos terres et nous agresser. Les autorités d'occupation ne nous disent pas de partir, mais elles entretiennent les colons et leur fournissent toute la protection pour réaliser son projet.»

La colonie d'Itamar a été construite à l'est de Naplouse au début des années 80, mais elle n'a cessé de s'étendre sur les sommets des montagnes vers l'est jusqu'à la dépression du Jourdain.

Les colons d'Itamar ont occupé les sommets des montagnes sur une longueur de 10 kilomètres, où ils ont construit des noyaux de colonisation, et les autorités leur ont fourni le réseau d'eau potable et d'électricité ainsi que la protection.

Le maître d'école qui ramassait les dernières affaires de l'école a ajouté: «Itamar est devenu plus grande que la ville de Naplouse, toute la ville ne s'étend pas sur une telle superficie». Le maître Kheir Anas a ajouté: «Ce n'est pas seulement Yanoun qui est asphyxié par les colonies, c'est le cas de tous les villages de la région». La région à l'est de Naplouse apparaît comme un énorme bloc de colonies englobant plusieurs colonies sur les sommets des montagnes comme «Majdoline», «Jetite», «Itamar», «Maaleh Afraim», et d'autres.

Le maître d'école Faouzi Sbeih a dit: «le ministère a ouvert une école à Yanoun pour maintenir la population et renforcer leur résistance. Nous avions 13 élèves, garçons et filles, mais maintenant que la population s'en va, nous ne pouvons que la fermer».

Les habitants de Yanoun l'ont quitté, cherchant un peu de sécurité, mais leur nouveau sujet d'inquiétude est leurs terres qu'ils laissent derrière eux. Le vieillard Youssouf Sbeih a dit: «Nous partons pour protéger nos enfants, mais maintenant nous avons peur pour nos terres. Je laisse derrière moi 1.500 oliviers et j'ai peur pour eux». Les colons empêchaient les habitants du village d'approcher de leurs oliveraies qui entourent le village.

Le maire du village d'Aqraba, dont dépend administrativement le village de Yanoun, a déclaré à Al Jazeera que quelques personnes âgées de 50 ans et plus continuent à vivre dans le village et ont juré d'y rester même s'ils devaient mourir, mais que l'état psychologique des enfants est tel qu'il n'est pas possible de les maintenir dans le village. Il a ajouté qu'il leur a rendu une visite aujourd'hui pour les encourager à rester, mais qu'il a essuyé des tirs des colons en approchant du village.

Le ministre palestinien de l'Emploi, Ghassan Al Khatib, et le ministre des Collectivités locales, Saëb Erekat, ont exprimé leur crainte que le sort de Yanoun ne soit le début d'une déportation générale du peuple palestinien dans les mois à venir. Le ministre Al Khatib a déclaré: «Ces agressions et attaques montrent la fonction pour laquelle les colonies ont été créées: provoquer et faire partir les Palestiniens de leurs terres.»

Traduction : Safwan Qasem