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Les "pseudo-démocraties"
by Tom Friday October 18, 2002 at 05:35 PM

Tous les beaux discours sur les droits de l'homme, qu'on nous sert à jet continu, ne sont que de la poudre aux yeux.

Hier l'Iran du Shah, l'Irak de Saddam Hussein, l'Argentine, le Chili, le Zaire, l'Algérie, aujourd'hui la Turquie, l'Arabie Saoudite, le Maroc. Ces régimes amis étaient, ou sont encore, comme chacun le sait, des modèles en matière de respect du droit des minorités et du droit de la personne. L'empire occidental n'est pas très regardant sur la conduite de ses alliés lorsque ses intérêts sont en jeu.

L'avènement de la démocratie a inauguré une ère d'hypocrisie sans précédent. Car les démocraties, qui sont aussi agressives que n'importe quel régime, ne cessent d'invoquer la morale et les droits de l'homme pour couvrir leurs agissements. Lorsque Louis XIV mettait l'Europe à feu et à sang, il ne posait pas au "libérateur". Depuis la révolution de 1789, tout cela a changé. Auparavant les guerres étaient faites par des professionnels, et les rois n'avaient pas à se justifier devant une opinion publique qui n'existait pas encore. L'une des conquêtes de la démocratie est d'envoyer tout le monde au casse-pipe, d'où la nécessité de persuader la piétaille qu'elle se bat pour la bonne cause. L'adversaire ne peut être que Satan en personne. Pendant la première guerre mondiale, les services de propagande alliés ont fait courir le bruitque les Allemands tranchaient les mains des enfants belges et transformaient les cadavres en engrais, ou même en savon! Ces "informations" ont été reprises par les journaux. De là date l'expression "bourrage de crâne". Cela a pris parce que le public est avide d'horreurs. Dès 1920-1925, tout le monde a finalement reconnu que ces allégations avaient été forgées. Entre-temps, sous la pression de la France, les vainqueurs avaient imposé à l'Allemagne l'inique traité de Versailles. Ils traitèrent les perdants comme les seuls et uniques responsables du conflit, dépecèrent l'Empire austro-hongrois, et humilièrent l'Allemagne par tous les moyens possibles. La France, la Belgique et l'Angleterre s'approprièrent ses colonies, son territoire fut coupé en deux, elle perdit une partie de son sol au profit de la Pologne, de la Tchécoslovaquie et de la Belgique. Elle fut seule et unilatéralement désarmée. Enfin, elle fut condamnée à payer les pots cassés de la guerre: "Les Boches paieront". John M. Keynes, le numéro trois de la délégation britannique -- l'un des esprits les plus lucides de ce siècle -- démissionna en disant: "Si vous imposez ces conditions scandaleuses à l'Allemagne, vous provoquerez la ruine économique de l'Europe centrale et une nouvelle guerre dans vingt ans".

"Les démocraties sont bonnes filles; elles ont l'habitude de capituler devant les dictatures". Nos chiens de garde ressassent ces formules et stigmatisent au passage "l'esprit de Munich", ce qui leur permet d'embrayer sur la nécessité d'écrabouiller tel ou tel pays -- arabe pour le moment -- qui porte ombrage à l'establishment mondial. En fait, les démocraties ne sont nullement des régimes faibles, bien au contraire. Quant à la seconde guerre mondiale, ce n'est pas Hitler qui a commencé. Les revendications de Hitler concernant les Sudètes et la ville de Dantzig étaient parfaitement légitimes. La seconde guerre mondiale, qui aurait pu être évitée, a d'ailleurs offert aux démocraties de belles occasions de manifester leur caractère pacifique. En août 1945, les Américains lâchèrent deux bombes atomiques sur le Japon. On a toujours dit qu'ils l'avaient fait pour abréger le conflit. Or, on sait à présent avec une certitude absolue que les Japonais avaient offert de capituler un mois auparavant. On sait aussi pourquoi les Américains ont fait la sourde oreille: d'une part leurs stratèges voulaient essayer leurs bombes sur de vraies villes ("Quelle belle expérience!") et, d'autre part, il s'agissait de faire comprendre à Staline que la guerre était finie et qu'il devait arrêter la progression des armées soviétiques en Asie. Au début de la même année, l'aviation anglaise avait rasé Dresde à l'aide de bombes incendiaires. Deux cent mille personnes (autant qu'à Hiroshima et Nagasaki) furent brûlées vives en l'espace d'une nuit. Une dernière vague d'assaut s'acharna sur les sauveteurs dans une ville en feu. Or la guerre en Europe était pratiquement terminée, la ville ne comptait aucune industrie ni aucune installation stratégique, et elle abritait des centaines de milliers de réfugiés qui fuyaient devant l'Armée Rouge. Dresde était l'une des plus belles villes d'art du monde. Les Anglais savaient tout cela. Ils savaient également que les bombardements massifs avaient peu d'effet sur les capacités militaires de la Wehrmacht.

En 1980, l'Irak, soutenu par l'URSS et les Occidentaux, attaquait l'Iran. La révolution islamique empêchait le monde de dormir, et l'imam Khomeiny était le "nouvel Hitler". L'ONU, ce temple du droit international, refusa de désigner l'agresseur, se bornant, après avoir longtemps traîné les pieds, à prier les belligérants d'arrêter les hostilités. La France, principal fournisseur d'armes de l'Irak, s'était opposée à une condamnation de son client. Cinq ans plus tard, les Irakiens utilisèrent des armes chimiques contre l'Iran, en violation de toutes les conventions internationales. L'ONU resta silencieuse. Finalement, les Occidentaux intervinrent militairement au coté de l'Irak, et la guerre se termina par un match nul. En 1990, notre ami Saddam occupa le Koweit, ce joyau de la démocratie mondiale. Il était tombé dans un piège tendu par les Etats-Unis, qui lui avaient laissé entendre qu'une annexion du Koweit ne les gênerait pas. Hélas pour lui, l'imam Khomeiny était mort, et c'était le tour de l'Irak d'inquiéter les Occidentaux. Le pays était devenu trop puissant, il menaçait la stabilité de l'Arabie Saoudite, principal allié, gardien du trésor pétrolier et banquier des USA dans la région, et surtout, il disposait de fusées capables d'atteindre Israel. Du coup, les Occidentaux découvrirent que le régime irakien était monstrueux, que les droits de l'homme y était bafoués, et que Saddam Hussein était le tout nouvel Hitler. En un clin d'oeil, l'ONU vota toutes les résolutions nécessaires pour utiliser la Force, toutes plus humanitaires et démocratiques les unes que les autres, et ce qu'on a appelé "la guerre du Golfe" éclata -- à vrai dire, la destruction planifiée et préméditée de l'Irak par l'aviation américaine et les supplétifs franco-britanniques.

A quoi bon multiplier les exemples? En cette fin de siècle la démocratie incarne le Bien, le Droit et la Justice. Ses adversaires sont les suppôts de l'enfer. Les agressions auxquelles se livre la démocratie sont des croisades pour la liberté. L'idéologie dominante se limite aujourd'hui à l'exaltation de la démocratie. Et cette civilisation de termites, qui est d'ailleurs en train de sombrer, secrète un discours qui est l'image inversée de la réalité. L'intelligentzia, la caste politique et la racaille médiatique rivalisent de servilité devant les nouveaux maîtres. Le silence éloquent des intellectuels lors des multiples affaires révisionnistes, leur promptitude à voler au secours du vainqueur, leur habileté à se placer dans les courants ascendants, leur courtisanerie les ont mis plus bas que les larbins de Staline.

Terminons par une observation que chacun a pu faire d'innombrable fois au sujet de la fameuse "transparence démocratique". On dit toujours que les dictatures cachent leurs catastrophes. Ce qui est vrai. Et les démocraties, alors ? Chaque fois que se produit un incident nucléaire, les pouvoirs publics (et privés) se liguent pour le cacher.

Aller plus loin
by R.B. Friday October 18, 2002 at 05:55 PM

Il n'y a pas que les incidents nucléaire qui passent à l'as ! Le jour où s'ouvriront les placards des pays les plus puissants, les cadavres en tomberont à la pelle;
Mais nous croyons aussi que nous somme sortis de la barbarie et c'est une erreur. La barbarie est déosrmais plus policée et plus rationnelle voire scientifique, mais nous n'en sommes pas du tout sortis