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L'infiltration israélienne en Afrique et la rencontre de deux racismes
by Marie D. Friday October 18, 2002 at 12:17 PM

L'infiltration israélienne en Afrique et la rencontre de deux racismes

Au début des années 90, à la chute du régime de l'Apartheid, le monde a découvert avec étonnement l'importance des liens tissés entre Israël et l'Afrique du Sud raciste sur tous les plans et à tous les niveaux. Une partie de l'opinion mondiale, qui, depuis 1980, avait refusé de croire les informations fournies et les articles publiés par certains journaux, a commencé à se poser la question sur la réalité de la présence israélienne dans le continent noir, y compris dans certains pays du Maghreb arabe.
Il est vrai qu'un grand nombre de livres et de rapports avait déjà été publié sur cette question; mais l'impact que l'on s'attendait d'une telle publication n'avait jamais dépassé les cercles (étroits) d'une certaine catégorie d'intellectuels de gauche, vu que la plupart de ces livres et de ces rapports portaient des signatures arabes, palestiniennes en particulier, et parce que les différents gouvernements qui s'étaient succédés en Israël depuis le début des années 50 avaient pratiqué une certaine politique de camouflage basée sur trois axes bien séparés.

Les axes de la politique israélienne
Ces axes, qui avaient reçu l'aval des Etats-Unis et de leur théoricien de la realpolitik, Henry Kissinger, étaient les suivants :
1/ La lutte contre les idées de libération qui ont prévalu dans certaines régions africaines, notamment l'Angola et les ex-colonies portugaises, à partir de l'entraînement de mercenaires, mais aussi de campagnes de propagande où l'anticommunisme jouait le rôle de promoteur « légal ».
2/ Des relations très étendues avec le régime de Pretoria basées sur les liens historiques tissés depuis 1902 par Theodor Herzl avec Cecil Rhodes [1] et poursuivis, à partir des années 20, par Chaïm Weizmann avec le général Jan Smuts.
3/ Une propagande à outrance parmi les peuples d'Afrique nouvellement libérés basée sur une association entre ces peuples et leur lutte contre le colonialisme britannique et les affres de l'antisémitisme qu'Israël « subissait » de la part des peuples arabes (peuples sémites).
Ces axes avaient pour objectif de développer la présence politique, économique et militaire d'Israël en Afrique et, à travers elle, le rôle des Etats-Unis. Et pour mener à bien la mission qui leur était assignée par les Américains (et, aussi, par leurs intérêts propres), les différents gouvernements israéliens ont eu recours, dans la majeure partie des cas, non à une politique à visage découvert, mais à l'infiltration à partir d'organismes existants (la centrale syndicale : Histadrout) ou créés pour l'occasion.

Les chevaux de Troie
Un rapport publié en août 1985 par le Centre des études palestiniennes recensait -- à part la centrale syndicale déjà nommée -- 12 organismes qui avaient pour but d'étendre l'influence d'Israël dans les pays du continent africain [2].
Ces organismes sont: L'Organisation sioniste, l'Agence juive, le Congrès juif mondial, le Parti du travail israélien (en tant que membre de l'Internationale socialiste), l'Institut afro-asiatique (créé en 1960 et dans lequel ont étudié une vingtaine de milliers d'Africains dont certains atteignirent des postes gouvernementaux), le Centre des études ouvrières et corporatives (créé en 1963 et dont l'objectif était complémentaire à celui de l'Institut afro-asiatique), le Service de coopération internationale, Machav (qui coordonnait les actions des différents ministères et organismes israéliens s'occupant des relations avec l'Afrique), l'Amicale des Anciens (cadres) africains ayant fait leurs études en Israël, l'Institut Weizmann pour les sciences, l'organisation féminine Hadassa dont le siège était New-York et, enfin, l'Institut des études africaines de Haïfa.

Les intérêts militaires
Parlons, d'abord, des intérêts militaires d'Israël en Afrique et du commerce des armes qu'il pratiqua (et pratique toujours) avec nombre de régimes africains, dont l'Ouganda, le Zaïre et, bien entendu, le régime de Pretoria avant sa chute, puisque les rumeurs sur une poursuite de la collaboration avec le nouveau régime ne sont pas confirmées. Et si nous n'avons pas pu obtenir des données très récentes sur ce commerce, les chiffres qui datent depuis quelques années sont très révélateurs à ce propos.
Disons tout de suite que ce commerce se caractérise par les immenses intérêts qu'il gère et l'importance stratégique qui lui est inhérente, puisque, sous un nom ou un autre, Israël (et les Etats-Unis derrière lui) a toujours des milliers d'experts militaires disséminés un peu partout sur le continent africain, encadrant des armées répressives et, surtout, constituant des fers de lances prêts à toute éventualité. De plus, certains rapports sur le commerce d'armes israéliennes avaient, au début des années 90, noté le chiffre de 800.000 dollars par an pour les seuls échanges avec Pretoria, tandis que d'autres parlaient de la somme de deux milliards annuellement pour l'ensemble des pays africains. Sans oublier que ces échanges ont permis aux gouvernements israéliens d'obtenir l'uranium nécessaire à la fabrication des bombes atomiques de type Hiroshima et d'autres et, aussi, un espace d'expérimentation des armes nucléaires dans le désert de Kalahari.
Ce commerce d'armes avec le régime raciste de la minorité blanche en Afrique du Sud s'était fait en tout quiétude et sans que Washington y trouve à redire, malgré les sanctions que le Congrès américain avait décrétées en 1986 et qui prévoyaient de couper l'aide militaire aux alliés des Etats-Unis qui avaient des relations avec Pretoria [3].
Il faut dire que Henry Kissinger a joué, là aussi, un rôle très important pour fermer les yeux des congressmen, comme il avait joué un rôle primordial dans la facilitation de tous les accords militaires secrets établis entre Tel-Aviv et les gouvernements africains dans le but d'asseoir les régimes répressifs ou de déstabiliser des régimes démocratiques.

Les intérêts économiques
Si nous avons mis l'accent sur ce côté militaire, c'est pour montrer les liens qui ont uni, pour un temps, deux racismes dangereux pour les peuples africains et, surtout, pour attirer l'attention sur le grand fossé qui sépare en fait la propagande israélienne et les activités subversives qu'il a menées dans nombre de pays, en appui aux nombreuses dictatures et contre les aspirations des populations, que ce soit dans l'exemple le plus flagrant de l'union au régime de l'apartheid ou, encore, dans les complots ourdis en Angola ou, enfin, dans l'infiltration israélienne dans des pays tels le Nigeria, le Zaïre, le Togo ou le Liberia, pour ne nommer que les quatre pays qui constituent, après l'Afrique du Sud, d'importantes bases d'influence économique israélienne en Afrique noire.
Donc, les intérêts militaires étaient doublés d'intérêts financiers et économiques. En effet, le chiffre d'affaires annuel produit par la vente des armes reste important malgré la chute du régime de l'apartheid); à cela, nous devrions ajouter les exportations israéliennes qui s'élèvent, elles aussi, à quelques milliards de dollars par an: produits industriels divers, machines agricoles, fertilisants, engrais, etc.
Mais Israël ne se contente pas de ces exportations, ni de la présence de ses grandes sociétés (Solel Bonet, Koor Industries, Meïr Brothers, Agridno), depuis le début des années 70, dans plus de vingt Etats africains où elles gèrent quelques centaines de projets dans les domaines du bâtiment, de l'extraction et du commerce du diamant et des métaux précieux (l'or zaïrois, surtout). Les milieux industriels israéliens se sont infiltrés dans l'économie africaine à travers des investissements directs et des prêts consentis par la « Banque Leumi » et la « Japhet Bank ».
Aides militaires diverses, appui à l'apartheid et à certaines dictatures, ventes d'armes, mainmise sur une partie des richesses africaines, infiltration financière : tels sont les différents visages de la présence israélienne en Afrique.

NOTES :
[1] Cf. la lettre adressée par Herzl à Rhodes et dans laquelle il lui demande son aide en ces termes: «Il y a des rêveurs dont les visions s'étendent à travers de longues périodes, mais il leur manque la puissance pratique ; puis, il y a des esprits pratiques à qui il manque l'imagination politique fertile. Vous, Mr. Rhodes, vous êtes un politique visionnaire ou un rêveur international... Vous en avez donné des preuves; voilà pourquoi je vous demande d'apposer votre sceau sur le plan sioniste et de proclamer devant les personnes qui ne jurent que par vous: Je, Rhodes, déclare avoir examiné ce plan et je l'ai trouvé correct et pratique. C'est un plan qui recèle de la civilisation; il est parfait (...) pour le progrès de l'humanité et très utile à l'Angleterre et à la Grande-Bretagne».
[2] La Présence israélienne en Afrique durant trois décennies, publications du Centre des études palestiniennes, rapport à diffusion restreinte No 30, daté du 20/ 8/ 1985, pages 5-7.
[3] «The comprehensive anti apartheid act», section 508.
D'aucuns prétendent que les Etats-Unis n'avaient pas eu connaissance de ces accords militaires «secrets»; cependant, John Vorster, premier ministre de Pretoria, en visite à Tel-Aviv en 1976, avait signé des accords dans lesquels il est stipulé que «l'Afrique du Sud fournissait à Israël des matières premières et une aide financière, en échange de quoi elle obtiendra des armes israéliennes ou la technologie pour fabriquer ces armes sous licence». Dix ans plus tard, en 1986, Modechai Vanunu, le chercheur israélien en matière nucléaire, avait révélé que les scientifiques sud-africains visitaient régulièrement Israël où ils travaillaient dans un centre secret implanté dans le désert du Negev.

Sources?
by Christophe R. Friday October 18, 2002 at 03:04 PM

Serait-il possible de préciser la source de cet article ?
Merci.

Commentaire : pour ce qui est des entreprises israéliennes installées en Afrique, je ne vois pas trop où est le problème... Israel n'a-t-il pas le droit, comme tous les autres états, d'investir à l'étranger ? Israel serait-il le seul état au monde à pouvoir être condamné et accusé de vélléités impérialistes, simplement parce qu'il a des contacts et intérêts commerciaux à l'étranger ?
Cela veut-il dire que toutes les entreprises étrangères investissant sur le continent africain doivent s'en aller ?

apartheid
by R.B. Friday October 18, 2002 at 03:57 PM

Israêl a tous les droits, et surtout celui de respecter le droit international et les droits de l'homme, on en est loin.
Quand les homme d'affaires israéliens bizsnessaient avec le régime d'apartheid de Prétoria ils n'étaient pas regardant sur les droits de l'homme.
Ca me rappelle que pendant la deuxième guerre mondiale d'aucuns n'étaient pas plus regardants avec le régime nazi...
Comme quoi, bizness is bizness

business...
by Christophe R. Friday October 18, 2002 at 04:13 PM

Que je sache, l'apartheid n'a jamais empêché de nombreux pays (et pas seulement occidentaux) de faire du business en Afrique du Sud, notre vieille Europe n'est pas en reste à ce niveau-là...

Et alors ?
by R.B. Friday October 18, 2002 at 05:44 PM

Il est clair que les liens économiques d'Israël avec l'Afrique du Sud ne se sont pas limités au marché
Et que les méthodes de l'apartheid ont été soutenues par les israéliens (normal par ce que les noirs, c'est pas casher, demandez au Falasha) ete reprises actuellement en Israël
A lire au passage : " modernité et holocause" de Zygmunt Bauman - La Fabrique

Israël et Afrique du Sud
by ONU Saturday October 19, 2002 at 12:13 AM

Voici quelques résolutions votées par l'ONU :

- La résolution 3379 du 10 novembre 1975 assimile le sionisme à " une forme de racisme et de discrimination raciale "

- La résolution 3151 en 73 condamne " l'alliance impie entre le fascisme sud-africain et l'impérialisme israëlien "

- La résolution 3324 en 74 " condamne le renforcement des relations politiques, économiques, militaires et autres " entre Israël et l'Afrique du Sud.

Voici la résolution 77 adoptée par l'O.U.A. (O.N.U. Africaine) en 75 : " Le régime raciste en Palestine et les régimes racistes au Zimbabwé et en afrique du sud ont une même origine impérialiste, possèdent les mêmes structures racistes, et sont liés organiquement dans une politique commune d'atteinte délibérée à la dignité et à l'intégrité de la personne humaine. "