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USA, les moyens de l'Hégémonie
by ST Wednesday October 16, 2002 at 03:38 PM

Peu à peu, depuis le 11 septembre, les Etats-Unis dévoilent leurs batteries.

L'expression paraît singulièrement appropriée. On voit bien que les entreprises militaires américaines relèvent plus de la stratégie générale de l'hégémonie que de l'affaire subalterne des tours de Manhattan. La constitution en ennemi global d'un fantôme d'organisation qui n'est en réalité qu'une petite confrérie d'anciens combattants, Al Qaida, peut servir de couverture à des activités qui n'ont rien à voir avec le "terrorisme". Nous mettons ce terme en guillemets parce qu'il ne faut jamais oublier la dure leçon d'Edoardo Sanguinetti, il n'est de terrorisme que d'Etat. L'affaire des tours, qui reste enveloppée d'un épais mystère, est arrivée à point nommé pour faire entériner par une opinion publique sourde et aveugle un vaste programme de développement de l'hégémonie mondiale. On voit bien que le sous-discours sur les "armes de destruction massive" de l'Irak n'a qu'un rôle accessoire. Il s'agit bel et bien de remanier la carte géopolitique du Moyen-Orient afin qu'elle conforte enfin les ultimes intérêts de l'Hégémonie.

Nous ramenons ici dans nos filets nombre d'analyses sur ces projets impérialistes et l'on n'ignore pas, évidemment, que ce sont des projets. Ils témoignent d'une orientation politique et des objectifs que les camarillas au pouvoir essaient de se fixer. La réalisation en sera une autre paire de manches.

Mais on peut se demander ici, plus profondément, de quelle hégémonie il s'agit. Certes, le principal agent et bénéficiaire est le régime étatsunien. Mais de même qu'on ne pouvait assimiler l'ensemble des Russes et des allogènes de l'URSS au régime communiste, de même l'Amérique du Nord n'est pas toute entière dans ce que l'on pourrait appeler la nomenklatura étatsunienne. Essayons un recensement qui ne prétend pas à la précision et à l'exhaustivité:

Il faut certainement reprendre l'idée du complexe militaro-industriel, déjà dénoncé par Eisenhower à la fin de son mandat, qui comprend de nombreuses compagnies financières, pétrolières et maintenant médiatiques. Ce sont ces gens-là qui dirigent les Etats-Unis au jour le jour. Ils n'ont pas cessé de les diriger depuis 50 ans et la famille Bush lui est directement liée par les affaires. Mais à cette composante proprement américaine s'ajoutent des éléments étrangers. Les différentes mafias, d'abord, qu'elles soient d'origine sicilienne, disposant de capitaux énormes, judéo-russe, solidement implantée en Israël et en Europe, les mafias de la coke, tenant le haut du pavé dans de nombreuses localités, en Amérique du Sud, avec ce typique mélange de militaires et de négociants-planteurs de drogue, toutes ces mafias, d'ailleurs interconnectées, jouent un rôle très important: elles financent les dessous-de-table de la classe politique et interviennent là où l'Etat serait trop visible. L'Angleterre officielle, qui ressemble toujours au chien d'une vieille publicité, assis devant le gramophone "La Voix de son maître", accourt au premier appel et se tient prête à mordre, c'est-à-dire à mettre en premières lignes les régiments écossais et gurkhas. Ce n'est pas sans raison que les Anglais font l'objet d'un mépris quasi-universel.

Tout montre aussi que l'entité sioniste, composée pour parties par la classe dirigeante de l'Etat pseudo-juif, dit Israël, et les dirigeants des richissimes sociétés et associations communautaires juives américaines et canadiennes, mais où les autres sionistes, européens en particulier, ne jouent aucun rôle, que cette entité sioniste, donc, est au coeur de la machine politique dite "américaine". C'est au cours des trente ou quarante dernières années que les sionistes ont véritablement investi la citadelle politique américaine, en recourant à la plus simple des méthode: l'achat des élus par la subvention des campagnes électorales. C'est à ça que sert principalement la démocratie. C'est en se fondant dans le projet général de l'Hégémonie que les sionistes croient donner à leur projet particulier d'hégémonie régionale sur le Proche Orient le plus de force et de consistance. Entre le moment où les Anglais et les Français ont renoncé à l'expédition de Suez, en 1956, sous pression américaine et soviétique, et l'arrivée du général de Gaulle au pouvoir, qui en 1960 a donné l'ordre d'arrêter le transfert des techniques nucléaires, le minuscule establishment israélien a compris que l'Europe n'était pas un point d'appui solide et qu'il fallait conquérir l'Amérique ou périr. Il disposait en outre d'une arme de destruction massive des esprits, très appropriée pour un public toujours proche d'un certain fondamentalisme protestant, la version hagiographique, relookée (c'est-à-dire capable de recycler les inventions staliniennes sans laisser de traces) et aseptisée de l'Holocauste. Quand cette étourdie d'Hannah Arendt est venue mettre les pieds dans le plat au procès Eichmann, toutes les ressources de l'Etat pseudo-juif ont été utilisées pour la dévaloriser. Depuis, de multiples taupes à gros portefeuilles ont foré une invraisemblable réseau de galeries dans le système politique américainqui fait que personne, dans l'establishment de Washington, ne peut faire un pet de travers sans que la centrale de renseignements du gouvernement israélien n'en soit avertie dans l'heure et qu'il soit proposé au fautif un arrangement par lequel il effacera sa faute par le don gracieux à Israel de quelques facilités militaires ou économiques supplémentaires.

Il est extrêmement difficile de démêler ce qui, dans les décisions stratégiques, appartient en propre aux uns et aux autres. Mais il y a une cohérence de l'ensemble qui se manifeste dans l'idée que le monde, débarrassé de l'alternative soviéto-communiste, doit maintenant se réorganiser pour fournir à titre gracieux les matières premières, le capital, la sueur et le jus de cerveau qui sont nécessaires au plus gigantesque système de prélèvement des ressources de cette pauvre planète, au seul profit d'une élite protégée, invisible, anonyme. Le processus d'accumulation du capital, instauré dans les époques qui ont suivi l'invention géniale de l'agriculture, si bien analysé par Karl Marx et sa lointaine disciple Rosa Luxemburg, continue à se déployer sur une échelle encore agrandie. L'Hégémonie mondiale est le système politico-militaire qui doit garantir la pérennité de cette accumulation et de cette exploitation, qui lui ristourne les moyens d'exister sur un grand pied. Toute parcelle de la planète qui se soustrait à cette Hégémonie et à cette exploitation, pour reverser au compte de son destin propre le produit de ses efforts et de ses ressources, crée un manque à gagner pour les hégémons et surtout un dangereux exemple. Il est facile de réintégrer ceux qui renoncent à leur autonomie, comme l'exemple de l'URSS l'a montré depuis 1989. En quelques coups de cuiller à pot, on vous assigne votre place dans le processus général de la production et on sélectionne les parties les plus intéressantes de l'économie que l'on rachète à bas prix. Mais ceux qui, pour des raisons liés à des particularismes locaux (connus sous le nom d'archéo-nationalismes ou fondamentalisme religieux, ou "derniers vestiges du stalinisme") se soustraient encore effectivement au système de l'Hégémonie, dont les "mots de passe" sont "globalisation" et "mondialisation", ceux-là sont classés dans la catégorie "axe du Mal" et promis à une destruction prochaine. Le premier visé est l'Irak, pour des raisons sentimentales liées à la dynastie des Boubouches, mais d'autres, l'Iran, La Corée du Nord, suivent sur la liste.

A cette nébuleuse du pouvoir de l'Hégémonie, il faut rajouter beaucoup d'éléments périphériques: les pétrodictatures arabes, les bourgeoisies conservatrices européennes, qui tiennent les Américains pour des "sauvages utiles", les grands pillards de l'économie russe, les tyrans du Tiers-Monde qui ont des comptes en banque en Suisse et des villas en Californie ou en Floride, les militaires de tous poils qui rêvent de faire des dépenses somptuaires comme peuvent se le permettre les clinquants généraux US. Ne parlons pas des intellectuels, surtout ceux de gauche, qui ne rêvent que de faire des tournées de conférences, grassement payées, dans ces temples de la Bêtise humaine que sont les universités américaines. Beaucoup d'entre eux, s'ils n'en vivent pas, se procurent ainsi des ressources non fiscalisées qui leur permettent d'atteindre enfin à un niveau de vie bourgeois, qui était celui de leurs professeurs de sixième, il y a trente ou quarante ans, avant le déclassement et la prolétarisation du monde enseignant.

Résister ? Qui oserait dire non aux Yankees aujourd'hui ? C'est là qu'on voit que le général de Gaulle est bien mort sans héritiers. A vrai dire, tous les dirigeants politiques, ou presque, ont partie liée ave les USA. Ils dépendent plus du bon vouloir de l'ambassade étatsunienne dans leur pays que de leurs mandants ou de leurs électeurs, s'ils en ont. (Chirac, combien d'électeurs au premier tour ?) Alors, ils font et vont faire ce qu'on leur dit de faire. Il n'aura pas fallu longtemps à cette nouille de Chirac pour obtempérer et suivre le conseil que prodigue l'ambassade US: augmenter les crédits d'équipement militaire. Les besoins militaires du maintien de l'ordre global sont énormes. Le coût de ces équipements est extraordinairement élevé en raison de l'énorme, pharaonique, concussion qu'ils nourrissent. Tout le monde se sucre au passage de ces marchés obscurs qui échappent totalement à l'opinion publique et aux journalistes incurieux de nature. Ce ne sont pas forcément les objets les plus spectaculaires qui produisent les plus gros profits noirs. Mais les innombrables objets courants facturés comme des diamants: chaises, robinets, charnières de porte, etc. On s'est aperçu finalement, mais très partiellement, que l'Arsenal de Toulon était un puits sans fond de corruptions en tous genres. Mais il n'y a pas que les militaires à s'engraisser. Toutes sortes de groupes civils sont à la curée. Ce système est présent partout dans les armées puisque la façon dont les militaires dépensent l'argent public reste à peu près partout entourée de secret. L'armée américaine, en collusion avec le complexe militaro-industriel est ainsi l'une des plus grosses machines du monde pour gaspiller l'argent et le faire disparaître comme par magie. Il faut toujours relire Catch-22 de Heller qui montre comment ça se passait dans l'armée américaine en Italie en 1944-1945. La suite l'a confirmé, en particulier au Viêt-Nam.

Donc les Amerloks ont demandé à leur alliés de bien vouloir dépenser des sous pour se procurer si possible aux Etats-Unis, des équipements militaires qui sont mis au service de la politique décidée par les Etats-Unis le cas échéant. Bon bougre, Chirac augmente les crédit, dans des proportions énormes, et décide de financer le gouffre des gouffres, un porte-avions. A part les Etats-Unis, en oubliant ce qui reste de la flotte soviétique, bien rouillée, personne d'autre n'a de porte-avions. On a revendu au Brésil et à l'Inde quelques vieux rafiots de ce genre. Même les Anglais n'en ont pas. Pourquoi fallait-il que ce soit de nos portefeuilles qu'on sorte les montagnes de fric que va nous coûter cet inutile et ridicule barcasse ? On a entendu la justification des parlementaires: on a vraiment su ce qui se passait en Afghanistan quand le De Gaulle, avec ses hélicettes de bazar, est arrivé "sur zone". Voilà le but dérisoire atteint par nos milliards de francs: savoir ce qui se passait en Afghanistan, un endroit où nous n'avions absolument rien à foutre. C'est donc désormais notre fonction: harki des Américains, supplétifs plus ou moins mal tolérés, d'ailleurs. C'est ce rôle humiliant que les pseudo-gaullistes veulent imposer à nos brillants soudards. C'est répugnant.

Chirac ayant fait mine de dire non à une intervention américaine, sans les excuses électoralistes du pauvre chancelier allemand, s'est retrouvé confronté au chantage classique des Américains, qu'ils brandissent dans les coulisses depuis trente ans: déstabiliser l'Afrique francophone si Paris fait montre d'indiscipline. Du temps où Mitterrand avait inclu des ministres communistes dans son gouvernement, sans la moindre nécessité d'ailleurs, en 1981, il s'était retrouvé avec une situation délicate et il lui avait fallu des prodiges d'habileté pour se sortir du guêpier tchadien. Chirac n'aura pas eu à attendre longtemps pour payer le prix africain de ses velléités d'indépendance sur l'Iraq. La Côte d'Ivoire a implosé et, comme par hasard, les Américains ont débarqué, en l'espace de quelques heures, un élément précurseur d'un débarquement américain à Abidjan. Les Français sont allés dare dare chercher les gosses d'une école baptiste américaine à Bouaké qui fournissait le prétexte au débarquement yanki; on manquait de membres d'Al Qaida et de suppôts de Saddam sur place. Bref, les Américains ont cessé de bombarder la France en 1945, mais ils pourraient facilement recommencer.
L'Hégémonie, c'est ça. Tenez-vous le pour dit.