Contradictions israéliennes : Les Femmes en Blanc by K Sunday, Oct. 06, 2002 at 3:41 PM |
Une famille israélienne manifeste ses doutes et ses contradictions. Réactions...
Les Femmes en Blanc
Par Vered Levy-Barzilai
La décision fut prise en famille. Et quand le lieutenant-colonel Mouli Weitz répondit à l'appel et s'en fut accomplir sa période de réserve en tant que commandant de l'unité stationnée au poste de contrôle de Rantis, sa mère, sa femme et ses filles formèrent un piquet face au barrage pour protester contre la politique menée par le gouvernement.
Article paru le 27 septembre 2002 dans la quotidien israélien Ha'aretz.
Une voiture prit le virage et s'arrêta à quelques dizaines de mètres du barrage de Rantis. Le colon assis au volant baissa sa vitre, toisa Shoshan Brosh-Weitz et chercha les mots propres à exprimer tout le mépris qu'il éprouvait à son égard: «Va te faire violer», gronda-t-il avant de remonter sa vitre et de s'éloigner.
Shoshan se figea, le panneau toujours brandi: «Contre la guerre, pour la paix!» En montant son piquet de protestation, elle savait qu'elle se heurterait à des réactions violentes, et elle s'était préparée à des injures comme «traître», «cinquième colonne» et «ennemie d'Israël» - mais à rien de cet ordre. Elle se sentit soudain faible et vulnérable. L'homme lui avait parlé du fond du cœur, se dit-elle. C'était comme s'il lui avait dit: «Si je pouvais, je sortirais de ma voiture, et c'est moi qui te violerais.» Elle jeta un coup d'œil aux soldats qui tenaient le point de contrôle et se rassura: ils étaient tout près. Ils la protégeaient. Ils ne laisseraient rien lui arriver.
La bataille pour la paix
Le 11 août, le lieutenant-colonel de réserve Mouli Weitz répondit à l'appel et s'en fut accomplir son temps comme commandant d'un bataillon du génie dans l'armée du Sud, son affectation depuis 1992. Ce jour-là, les femmes de la famille décidèrent de passer à l'action: elles viendraient tous les jours au poste de contrôle de Rantis, au sud-est de Rosh Ha'ayin, près de la base ou stationnait le bataillon de Mouli, pour manifester leur opposition à la politique gouvernementale.
Elles arrivent en général ensemble: la femme de Mouli, Shoshan; sa mère, Sarka; sa sœur, Re'out; ses filles d'un premier lit, Yaara, 21 ans, et Einat, 17 ans; et la fille du premier mariage de Shoshan, Mor, 18 ans. D'autres parents ou amis se joignent parfois à elles. Le matin où le colon lança son sinistre message, Shoshan Brosh-Weitz était seule au point de contrôle. Elle avait vaincu sa peur, pris sa voiture et conduit jusque là. Elle était arrivée saine et sauve. Comme toujours, dès l'instant où elle avait franchi la Ligne verte et poursuivi sa route vers l'est, elle s'était sentie aux aguets, consciente du danger.
Comme d'habitude, des enfants palestiniens se tenaient au bord de la route avec des paniers de fruits, figues ou figues de barbarie, et elle en acheta un peu. Tout alla bien jusqu'à l'apparition du colon. Son message répugnant résonnait en elle, encore et encore. Elle avait envie de pleurer, mais elle se retint, se redressa, rejeta ses cheveux en arrière et resta sous son parasol, assise seule, brûlant de soleil et de rage.
Près d'elle, il y avait les panneaux et les banderoles préparés par la famille en lutte: «L'armée livre bataille contre le terrorisme. Qui livre bataille pour la paix?», «Le bataillon est appelé à Ramallah pour la deuxième fois. Qu'est-ce que le gouvernement fait pour que ce soit la dernière?», «L'armée n'est qu'un moyen, les fins sont politiques. Mais quelles sont-elles?», «L'homme de l'année est le réserviste - et sa famille».
Shoshan attendit les autres femmes de la famille, comptant les minutes. Quand elles arrivèrent, deux heures plus tard, elle courut à la voiture de sa belle-mère, Sarka, pénétra dans la coque protectrice et fraîche, et alors seulement elle se laissa aller, éclatant en sanglots. En pleurant, elle leur raconta ce qui s'était passé. Puis elle se reprit et revint prendre sa place dans la manifestation silencieuse près du barrage.
Les jours suivants, elle-même et les femmes de la famille qui l'accompagnaient subirent d'autres injures: «Tordue de blonde!», «Il te faudrait une bonne trique!», «Putain!», «Bâtarde!», «Que ta maison brûle!», «Ordure!», «Va pendre le linge, pas des banderoles, pauvre mocheté!», «Va manifester à Beit-El, ils te tireront dessus. Ici, c'est une balade!»
Shoshan recensa méthodiquement les insultes. Plus que tout, ce qui la choquait étaient les obscénités jetées par les femmes colons. Le filtre féministe dans son cerveau ne pouvait assimiler cela: comment était-ce possible, une femme à la tête couverte, avec de jeunes enfants dans sa voiture, hurlant «Traînée!» ou «Pute!» à une autre femme manifestant en silence à un carrefour?
Shoshan trouve son réconfort dans un autre type de réactions. Quelques-uns lui ont souhaité de bonnes fêtes et «shabbat shalom», la paix du shabbat. D'autres se sont arrêtés pour demander ce qu'était au juste cette manifestation et se sont assis près d'elle pour débattre en êtres civilisés. Il y en eut pour lui dire leur admiration et lui serrer la main, et d'autres pour apporter des biscuits, de l'eau minérale, du chocolat ou, fruit de saison à l'époque de Rosh ha-Shanah [1], des grenades. Oui, des colons, hommes et femmes, venus de Beit-Aryeh, Halamish et Ofarim: une petite minorité donnant à elle seule sens à tout cela.
Elle voit la manifestation familiale comme une fracture dans le cours des choses. L'importance de la démonstration, pense-t-elle, réside en ceci: loin qu'il y ait contradiction entre un mari commandant de bataillon et servant dans les Territoires et une femme manifestant pour la paix, c'est sur les fondements posés par lui qu'elle-même élève sa protestation. En d'autres termes, le service qu'il effectue est ce qui légitime le fait qu'elle sorte manifester.
Cette thèse est révolutionnaire, soutient-elle, subversive pour la pensée israélienne. [...] Expert en communication, elle a, par le passé, enseigné cette discipline à l'Institut de formation des officiers de Tsahal. [...]
Shoshan: «Le 11 septembre 2001, le jour où les Twin Towers ont sauté, le jour où la terre a tremblé sous nos pieds à tous, mon petit territoire personnel a tremblé aussi. C'est précisément ce jour-là que mon fils Sela a heurté une charge explosive, à Jénine, et été blessé. Heureusement, la blessure était relativement bénigne. Mais ce fut une première alerte. Quand les refuzniks [le terme désigne ici le groupe de soldats et d'officiers ayant signé une lettre ouverte déclarant qu'ils refuseraient de servir dans les Territoires] ont pris publiquement position, j'ai commencé à réfléchir sérieusement à la question du refus. Je les ai soutenus. Je me suis sentie solidaire d'eux.
«Quelques mois ont passé, et l'attaque palestinienne contre le point de contrôle d'Ein Arriq, où six soldats de garde se sont fait tuer, est survenue. La veille, Sela commandait encore une section du bataillon posté là. J'ai senti la terre trembler à nouveau. Je me suis dit 'Trop, c'est trop!' Il fallait que j'arrête. Qu'est-ce que je pouvais faire? Comment rester assise à la maison comme si de rien n'était? Si, par malheur, quelque chose devait lui arriver, ou à Mouli, pourrais-je me dire que j'avais tout fait pour l'empêcher?
«J'ai écrit à Sela une lettre, que j'ai fait publier. J'y parlais, en substance, de ma dette morale envers les familles des six soldats tués, et du fait que c'était par pure chance que mon fils ne s'était pas trouvé parmi eux. [...]
«Quand Mouli a reçu sa feuille de route, les choses étaient claires pour moi [...]. Le destin avait voulu qu'il soit de nouveau affecté au contrôle de Rantis - même secteur, même région. J'ai tout de suite su que je serais là, moi aussi. Si je ne pouvais être tout à fait avec lui, je serais le plus près que possible, à côté de lui, au barrage où il passerait chaque jour. Quelqu'un allait peut-être se dire: 'Regardez, la femme d'un commandant de bataillon manifeste. [...] On n'avait jamais vu cela.'
«Quelqu'un sera peut-être prêt à entendre notre double message: à la fois répondre à l'appel et faire la paix. Nous avons des devoirs et des droits. Nous ferons notre devoir, qui est de servir à l'armée, et de nous battre si besoin est; mais nous avons le droit de faire prendre conscience au pouvoir politique du but de notre combat. Nous exigeons de connaître les raisons pour lesquelles il nous faut nous battre. Nous nous situons à gauche sur l'échiquier politique israélien, mais je suis aussi profondément enracinée dans l'épopée sioniste, j'appartiens à la seconde génération des rescapés de la Shoah. Pendant la guerre du Golfe, quand tous fuyaient le quartier, je n'ai pas bougé d'un millimètre, malgré mes deux jeunes enfants. Je suis comme cela.»
Qu'en pensent les soldats ?
Mouli Weitz aura cinquante ans le mois prochain. Il termine une maîtrise d'Études stratégiques à l'université de Tel-Aviv. L'an dernier, il a mis un terme à douze années de carrière militaire à plusieurs postes de commandement et d'instruction militaire. [...]
«Il ne m'est pas facile d'entendre ce par quoi elles passent au barrage, dit-il. Même si j'étais tout à côté avec mon unité, je ne savais pas vraiment ce qui arrivait. J'étais inquiet, bien sûr - ma femme, mes filles, ma mère, toutes aux abords d'un point de contrôle. Il y a toute sorte de craintes: comment les hommes du bataillon allaient-ils réagir, et mes collègues, et les officiers supérieurs? Je redoutais un éventuel affrontement avec les colons, et il y avait aussi le risque qu'elles soient touchées au cours d'une attaque palestinienne contre le poste. Nous le savons tous, ce genre de choses se produit aux barrages.
«Mais Shoshan était déterminée et je l'ai soutenue. Quand elle m'a dit, quelques semaines avant ma période de réserve, qu'elle ne pouvait plus rester à la maison sans rien faire, et qu'elle avait décidé de venir manifester, je lui ai répondu que j'étais avec elle. C'était la conclusion d'un processus.
«Quand la question du refus s'est posée, je me suis heurté à un dilemme. Je me suis demandé si j'étais prêt à faire quelque chose d'illégal, si cela servirait vraiment à quelque chose et, plus généralement comment je pourrais, moi, un commandant de bataillon, refuser de répondre à l'appel. Quand l'ordre de mobilisation d'urgence est arrivé, pour l'opération Rempart, les interrogations se sont levées, j'ai compris que le refus n'était pas d'actualité pour moi.
«J'ai écrit une lettre au Premier ministre, que je n'ai toujours pas envoyée, dans laquelle j'essayais de mettre au clair, ne serait-ce que pour moi, mes conclusions sur ce point: l'idée du «à la fois» et non du «ou/ou». Quelqu'un qui, tout à la fois soutient le processus de paix et accomplit le devoir qui lui incombe.
«Quand Shoshan a eu l'idée de ce piquet, je l'ai perçue comme le prolongement de mes réflexions. Je ferais mon devoir de réserviste et ma famille manifesterait et s'exprimerait - moi compris. J'en ai été heureux. Il y a plusieurs voix en moi et qu'elles puissent s'exprimer avait quelque chose de positif. Le dialogue politique, social et militaire en Israël a été ramené à deux extrêmes réducteurs: ou vous êtes un patriote, vous allez à l'armée et vous soumettez aux ordres; ou vous êtes un gauchiste, un refuznik, un ennemi d'Israël, un traître.
«La manifestation familiale propose une troisième voie: accomplir son devoir de réserviste et exiger que le gouvernement remplisse le sien, voire conditionner l'un par l'autre - nous ferons notre boulot, mais vous, monsieur le Premier ministre, ferez aussi le vôtre. Vous agirez au niveau diplomatique et politique pour amener la paix.» [...]
Les leçons du ghetto
Shoshan et les jeunes femmes n'étaient pas la seule cible d'imprécations. Sarka, âgée de 73 ans, fut elle aussi confrontée au délire verbal. «Fille de pute!» lui jeta un colon en passant, des enfants dans sa voiture. «Les voilà, les traînées d'Arafat. Vous voyez, les mômes, c'est la cinquième colonne, une vieille femme qui ira bientôt en enfer.»
Ca n'a pas bouleversé Sarka. L'enfer, elle en est déjà revenue et elle n'est pas prête à y retourner. «Je me fiche de ce genre de propos», dit-elle en souriant, balayant les jurons. «Quand Shoshan m'a appelée, je lui ai tout de suite répondu: 'je suis avec toi'. Je ne suis pas très politisée. Je ne me suis jamais engagée dans tout ça. Mais mon inquiétude pour Mouli, pour mon autre fils, qui est pilote, et pour mes petits-enfants m'ont poussée. Et mes craintes ne sont pas seulement physiques, mais aussi psychologiques. Surtout pour les jeunes. J'ai toujours été d'un tempérament optimiste mais, ces derniers temps, des brèches ont entamé mon optimisme.
«Ma vision du monde s'est forgée quand j'étais encore une adolescente, derrière les murs du ghetto de Vilna et dans un combat pour la survie. Dans la douleur et les difficultés, il y avait aussi de telles marques d'humanité que j'en suis sortie avec une grande foi en l'homme. C'est la seule chose qui m'a permis de survivre.
«J'ai émergé de la Shoah avec une croyance profonde en la tradition, l'humanisme et le devoir sacré de préserver l'image de l'homme. Je suis venue dans ce pays avec ma mère, Rosa. J'avais seize ans quand nous sommes arrivées à Ben-Shemen. Trois jours après la proclamation de l'État d'Israël, ma mère a été tuée dans le bombardement de la gare routière par les Égyptiens. Ben-Shemen était assiégée, et je n'ai pas pu assister à son enterrement. J'ai rejoint la Haganah [2].
«Je me considère comme associée de plein droit, avec tous les privilèges afférents, à la fondation de ce pays et mon cœur saigne quand je vois toute cette corruption. L'occupation a entraîné dans son sillage l'indifférence, la dureté, l'inhumanité, la violence et la rapine qui corrompent les nouvelles générations. Mes petits enfants baignent dans cette horreur, et cela m'empêche de dormir.
«Mon mari Hanoch et moi sommes tous deux des travaillistes de longue date [...] Quand je lui ai parlé de l'idée de Shoshan, il m'a dit: 'Les familles en deuil n'ont pas le monopole des manifestations.' Shoshan a tout de suite enchaîné: 'Nous serons les mères en blanc, pas en noir. Nous manifesterons avant que quelque chose de terrible n'arrive à nos enfants, le ciel nous en préserve.'»
«Aussi, durant nos trente-trois jours de manifestation au barrage, nous étions en blanc. Nous disions aux gens que nous portions du blanc et que nous allions réagir pour empêcher que ne vienne le jour où il nous faudrait porter du noir.»
[...] «La vieille femme qu'un colon vouait aux gémonies est la mère de deux officiers de réserve au grade de lieutenant-colonel», écrivit Mouli au chef d'état-major Moshe Ya'alon, faisant remarquer que l'un d'eux était le commandant du bataillon qui contrôlait le secteur de Halamish, au nord de Ramallah, et assurait «la liberté de mouvement de ce même colon et de ses enfants.» Cette lettre [où il évoquait également «les obscénités hurlées» aux femmes de sa famille] resta sans réponse, ce qui ne surprit pas Mouli outre mesure. Aucun de ses supérieurs, qui passaient chaque jour devant le piquet de la famille Weitz, ne jugea bon de lui en toucher un mot, d'approbation ou de critique. «La majorité des officiers supérieurs, y compris le chef d'état-major, sont incapables de réagir à un message complexe, note Mouli. Face à un phénomène comme celui du refus, ils font face. C'est facile, c'est tout simplement illégal. Ils ont immédiatement déclaré que cela allait contre la loi. Mais dès qu'il s'agit de quelque chose d'un peu plus complexe, ils ne veulent pas y toucher. Ils ont peur de se brûler les mains.»
À quoi vous attendiez-vous ?
«J'attendais une réponse. J'espérais que quelqu'un appellerait [...] que l'un au moins de mes collègues et amis téléphonerait pour demander comment Shoshan allait, comment elle supportait tout cela. [...] Qu'est-ce qu'ils risquaient? Cela aurait engagé un processus de réflexion, peut-être d'interrogations. Nous sommes des êtres doués d'intelligence, pas des robots. Nous avons le droit de penser, d'envisager des choses - tout, même le refus de servir. En tant qu'officier, je repousse les attaques auxquelles les refuzniks sont soumis. Je rejette aussi la facilité avec laquelle l'armée a résolu la question: c'est illégal, point à la ligne. Les refuzniks ont du courage. Il en faut énormément pour faire ce qu'ils ont fait. Ils se sont mis en toute lucidité en un lieu où ils savaient ne trouver qu'ostracisme et mépris. [...]
«Pour le moment, je réponds à l'appel, et je ne me vois pas refuser. Mais si rien ne change, si l'absence de perspectives politiques se prolonge et que les périodes de réserve se répètent sans cesse, je ne réponds de rien. [...] Je n'en suis pas là, aujourd'hui. Mais dans certaines conditions, cela pourrait m'arriver à moi aussi.
«Je trouve très préoccupants l'isolement, le dédain, le refus d'écouter autrui que l'on rencontre chez certains officiers supérieurs. La tendance à mettre en quarantaine. Une manifestation a lieu juste sous leur nez et personne ne s'y intéresse, personne ne prend son téléphone pour appeler.» [...]
Shoshan: «Ils passaient à toute allure, sans nous jeter un coup d'œil. Pour la plupart, je les connais personnellement depuis le PUM [3]. Comment qualifier ça?»
Mouli: «Ce n'est pas comme si nous avions tenu des propos révolutionnaires: l'armée tente d'agir sur la situation par la force et fait ce pourquoi elle est faite, mais il appartient à l'échelon politique de concevoir une stratégie et d'expliquer les finalités de son combat. Le chef d'état-major, en tant que chef suprême de l'armée, a le droit et l'obligation de l'entendre exposée dans les formes par le Premier ministre. Au lieu de quoi, le chef d'état-major déverse dans les médias ses griefs envers la nation. Rien de semblable n'est jamais arrivé nulle part ailleurs, pour autant que je sache.
«Il s'est plaint de se voir couper l'herbe sous le pied, du manque de caractère et d'endurance de la nation. C'est ridicule. Il ne prend pas ses ordres de 'la nation', mais au-dessus. S'il a des reproches à faire, qu'il les adresse au Premier ministre et à son cabinet. Ce qu'il lui faut, c'est une stratégie politique dont il puisse décliner le volet militaire. Qu'est-ce qu'il attend de la nation?
«Il devrait s'exprimer en termes militaires, et non politiques; il n'est pas censé comparer le terrorisme à un cancer. Je ne comprends pas comment ce genre de métaphore peut se traduire en termes d'action militaire. [...] Tu es chef d'état-major, alors parle en militaire.»
Shoshan: «La question du langage est essentielle. Quand le chef d'état-major dit que 'les caractéristiques de cette menace avancent masquées comme un cancer', c'est très inquiétant. N'a-t-il pas d'instruments d'évaluation militaire à sa disposition? La première question qui vient à l'esprit est de savoir si nous avons ou non une armée de médecins capables de trouver des réponses à chaque maladie grave. Notre hiérarchie militaire n'est-elle plus capable de décrire la guerre en termes logiques et précis? N'y a-t-il plus d'officiers supérieurs au sein de l'armée israélienne pour nommer en hébreu la guerre qui se déroule aujourd'hui, au lieu de l'appeler 'Intifada' comme les Arabes le font dans leur langue et selon leurs critères? N'y aura-t-il personne pour apporter une réponse à la question des questions: Quels sont les objectifs de l'État d'Israël dans cette guerre?»
La voix des femmes
La manifestation de la famille Weitz a surtout été une affaire de femmes [...] et Shoshan en est fière. Il était important pour elle de faire passer un message de femme. «Les hommes partent se battre et nous défendre, nous, les femmes sortons protéger nos enfants et nos hommes. C'est le rôle des femmes. Elles donnent la vie et la préservent. Je me suis dit que si Mouli ou Sela étaient tués, je ne pourrais pas y survivre, je me suiciderais - sauf si je savais avoir tout fait pour empêcher que cela ne se produise, dussé-je pour cela risquer ma vie. Ce n'est qu'ainsi que je pourrais survivre.
«C'est une question de vie ou de mort. Six soldats se sont fait tuer et mon fils aurait pu être parmi eux. Si je ressens la peine de ces six mères, et que je ne sors pas crier ma révolte, alors je me laisse entraîner dans la corruption, l'indifférence et la cruauté de la survie sans but. Toute l'empathie et le soutien exprimés aux familles en deuil ne m'épargneront pas la honte, le sentiment de décomposition morale qui se propagent de personne à personne, de mère à mère. Je me sentais doublement marquée du sceau de la honte, envers des millions de Palestiniens et envers les familles de six soldats d'un bataillon du Génie.
«Telles sont les réalités de notre vie quotidienne. Mouli a fait son choix, il a répondu à l'appel et fait sa période de réserve, risquant sa vie. Sela a fait son choix, il ne refuse pas de servir. Il risque sa vie. De même, j'ai fait mon choix et risque ma vie. Comme Sarka et les filles. Jour après jour nous avons fait l'aller et le retour, dans une voiture non blindée, sur une portion de route de l'autre côté de la Ligne verte où se produisent régulièrement des tirs et des actes de terrorisme. Le risque d'une attaque contre le point de contrôle où nous étions existait aussi. Nous étions exposées à toutes sortes de dangers. Nous étions de vrais partenaires, pleinement immergées dans la réalité. Nous avons ressenti cela du début à la fin, et c'est pourquoi nous nous sentions si bien.»
Les retombées
Shoshan Weitz pense que la manifestation de la famille représente l'émergence de quelque chose de neuf. Aucune équipe de télévision n'est venue filmer l'événement, c'est vrai. Mais Carmela Menashe, la correspondante de la radio militaire israélienne [4], a fait un reportage complet, et il y a eu des photos dans les quotidiens. Surtout, des dizaines de familles ont appelé, désireuses de les rejoindre, tout comme de nombreuses mères prêtes à se vêtir de blanc et venir manifester au point de contrôle. Il y a maintenant un groupe d'épouses de commandants de bataillons de réserve qui se préparent à agir ensemble, dans l'esprit de la manifestation de la famille Weitz.
Dans l'intervalle, la famille songe à créer une radio indépendante «insistant sur l'importance centrale de la paix». «La gauche n'a plus de voix, aujourd'hui, dit Mouli. Beaucoup de choses se font que l'on tient pour marginales, sous un prétexte ou un autre, et dont nul n'entend parler.» Ils veulent une radio qui porterait «les voix de la paix», une radio légale, professionnelle et sérieuse. Les fonds existent, collectés dans la famille proche et lointaine.
Mouli Weitz: «La manifestation a fait des vagues. La créativité fleurit et s'épanouit ici. À chaque instant, d'autres idées surgissent, encore et encore. Nous voulons susciter une prise de parole populaire. Qui a dit que nous sommes voués à n'exprimer notre opinion qu'une fois tous les quatre ans dans l'isoloir? J'aimerais pouvoir exploiter l'intérêt suscité par notre manifestation, permettre à d'autres familles de prendre le train en marche. Il y a tant d'Israéliens qui pensent la même chose que nous sans savoir quoi faire, comment briser l'isolement. Il est clair que, quoi que ce soit, ce devra être accessible, aisé. Je ne sais pas, peut-être que je vais fabriquer un 'kit de déploiement' aux points de contrôle et le distribuer. Nous préparons la suite sur plusieurs fronts. Le principe de base est: Tout, plutôt que rester assis sans rien faire.»
Traduit par Tal Aronzon
La Paix Maintenant (France)
http://lapaixmaintenant.org/
Notes :
[1] Rosh ha-Shannah: le Nouvel An juif, vers la fin de l'été.
[2] La Haganah, ou «Défense», qui donnera naissance à Tsahal (Les Forces de défense d'Israël) en s'unissant avec le Palma'h, les groupes de défense des kibboutzim.
[3] Le PUM: Institut de formation des officiers de Tsahal où elle-même et son mari ont enseigné.
[4] La radio militaire israélienne: fiable et très bien informée, «Gaale-Tsahal», les ondes des Forces de Défense d'Israël, représentent en Israël l'une des radios les plus écoutées.
(NdT)
merci au peuple by fox Sunday, Oct. 06, 2002 at 5:01 PM |
ça s'appel la démocratie
heuresement que tout le monde peut faire entendre sa voix!!!!
si seulement tout le monde pourrait s'exprimer dans tout les pays de la régions........
QUE LA MAJORITE L'EMPORTE