Pas de viols de Palestiniennes

L'hebdomadaire français « Le Nouvel Observateur » avait écrit, en novembre 2001, que des soldats israéliens avaient violé des jeunes filles palestiniennes sans en apporter aucune preuve. Les professionnels palestiniens et israéliens qui suivent le dossier des crimes d'honneur démentent ces allégations, à l'occasion de la publication prochaine d'une étude consacrée à ce sujet difficile.

Dans l'hebdomadaire français « Le Nouvel Observateur » du 8 au 14 novembre 2001, sous le titre « Le cauchemar des crimes d'honneur », Sara Daniel avait accusé les soldats israéliens de violer des femmes palestiniennes. Cette allégation sans preuve avait fait scandale. Jean Daniel, directeur du journal, s'en était excusé dans ses colonnes, sans pour autant demander à sa rédaction une enquête sur le sujet, qui aurait seule permis de répondre à cette question non négligeable pour l'honneur d'Israël : oui ou non y-a t-il eu viols ?

À la suite de cette polémique, la Ligue internationale contre la Désinformation ainsi qu'une trentaine d'officiers, de sous-officiers et de simples soldats de Tsahal ont saisi au civil le Tribunal de Grande Instance de Paris d'une plainte en cours contre « Le Nouvel Observateur ». C'est Me Théo Klein, ex-président du CRIF (Conseil représentatif des Instituions juives de France) qui défend l'hebdomadaire et Sara Daniel.

De fait, c'est dans le « Sunday Times Magazine » du 8 juillet 2001 que l'on trouve d'abord une référence à ces viols prétendus de femmes palestiniennes par l'armée israélienne. On les trouve dans la bouche d'une palestinienne, professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem, Nadera Shalhoub-Kervokian, qui avait étudié les crimes d'honneur. Bien qu'elle-même n'apportât aucune preuve à l'appui de ses accusations, celles ci s'appliquaient exclusivement à la première Intifada.

Quatre mois plus tard, dans son article qui relatait par ailleurs en détail l'une des affaires de meurtre dont s'était fait l'écho le « Sunday Times », Sara Daniel reprenait des allégations similaires concernant l'armée israélienne, cette fois-ci en les appliquant sans coup férir à la guerre actuelle : « A Gaza et dans les territoires occupés, ils [les crimes d'honneur] ont représenté deux tiers des homicides. Les femmes palestiniennes violées par les soldats israéliens sont systématiquement tuées par leur propre famille. Ici, le viol devient un crime de guerre, car les soldats israéliens agissent en parfaite connaissance de cause. Dans ces régions, la guerre a muselé les droits des femmes. Lorsqu'on met en doute le bien-fondé de certaines coutumes, on est aussitôt accusé de faire le jeu de l'ennemi. Féministe ou nationaliste, il faut choisir ».

La publication en exclusivité d'une étude et d'un sondage encore confidentiels sur les crimes d'honneur en Cisjordanie et à Gaza ont fourni à notre collaboratrice Véronique Hayoun l'occasion de vérifier le bien-fondé des écrits de Sara Daniel publiés dans « Le Nouvel Observateur ». Hayoun a d'abord interrogé là-dessus le WCLAC, le Centre de Femmes pour l'Aide légale et l'Assistance sociale, organisme palestinien basé dans la partie orientale de Jérusalem et qui travaille particulièrement sur le recensement et le suivi des crimes d'honneur dans les Territoires. Le WCLAC n'a recensé aucun viol de femme palestinienne par des soldats israéliens. Voici la réponse de Suad Abu Dayyeh, qui en est une des responsables : « Il y a eu de telles rumeurs, mais les dossiers ont été fermés, les investigations n'ont rien donné. Nous ne pensons pas que les soldats israéliens ont fait cela."

Même son de cloche chez Lior Yavne, le porte-parole de l'organisation israélienne des droits de l'homme B'Tselem, qui se consacre à la défense des Palestiniens des territoires et de Jérusalem : "Ces accusations de viol surgissent de temps en temps, depuis la première Intifada. Chaque fois que notre organisation a enquêté à la suite d'une de ces rumeurs, nous n'avons jamais trouvé la moindre preuve qu'une pareille chose soit arrivée…Nous avons été témoins de nombreuses fois de fausses accusations de la part des Palestiniens pour des raisons de propagande. »

Enfin, Charles Enderlin, correspondant de France 2 à Jérusalem et qui connaît particulièrement bien les dossiers concernant l'armée israélienne, est formel à propos de ce qu'il appelle « la bourde scandaleuse de Sara Daniel » : « Non, il n'y a absolument jamais eu de viols de Palestiniennes par les soldats israéliens. Dans les manifs, dans les confrontations directes, là, il y a des coups, des gaz lacrymogènes, des tirs, des choses difficiles dont les femmes ont été les victimes, avec une violence des deux côtés d'ailleurs. Mais toujours, dans l'histoire de ce conflit, Tsahal a fait un effort : elle met le plus possible des soldates lors des perquisitions dans les maisons, ou des fouilles aux barrages. Dans cette région du monde, c'est quelque chose à quoi l'armée fait attention. »

arch/ive/ief (2000 - 2005)