arch/ive/ief (2000 - 2005)

Ne vous en laissez pas conter: la guerre contre l'Irak a déjà commencé
by christophe callewaert (traduction annelise) Friday September 20, 2002 at 09:41 AM

Tandis que les dirigeants européens se montrent satisfaits de ce que l'Irak, par l'entremise des Nations Unies, ait encore une chance d'échapper à la guerre, les préparatifs d'anéantissement total de l'Irak atteignent petit à petit leur vitesse de croisière. (L'usage du mot "anéantissement" n'est pas exagéré.. "Eradication": tel est le terme utilisé par les extrémistes d'Israël et des Etats-Unis lorsqu'ils parlent de la guerre contre l'Irak.)

Selon un récent article du Guardian, l'armée américaine est en mesure de lancer l'attaque contre l'Irak deux à trois semaines après que Bush en ait donné le feu vert, du moins si l'on opte pour une attaque menée par un contingent limité de 50.000 soldats. Dans la région se trouvent actuellement 30.000 soldats. Pour une invasion classique à grande échelle, 200.000 soldats sont nécessaires. La mise en place d'une force militaire de cette ampleur prendrait deux mois. Dans le premier cas, il s'agirait d'une poussée rapide vers Bagdad, ce qui permettrait d'éviter autant que possible des affrontements directs avec l'armée irakienne. Dans le second cas, il s'agirait d'une attaque plutôt classique au départ de plusieurs pays, dans le but de porter des coups durs à l'armée irakienne dans son ensemble.


Ce qui est alarmant, c'est que le quartier général de l'US Central Command, qui est responsable des opérations de l'armée américaine dans le Golfe, la Corne de l'Afrique et l'Asie centrale et du Sud déménagera, en novembre, de la Floride vers le Qatar. Officiellement, le général Tommy Franks et son état-major de 600 hommes font le voyage en perspective de manuvres bisannuelles mais le Pentagone a déjà fait savoir que le déménagement pourrait être permanent. La base d'Al-Udeid au Qatar est une alternative à la base d'Arabie Saoudite d'où les Etats-Unis avaient lancé leur offensive contre l'Irak en 1991. Depuis le printemps de cette année, on note une grande effervescence dans et autour de la base du Qatar. Des ingénieurs y construisent un centre qui doit coordonner les raids aériens. Actuellement, 400 avions de combat américains se trouvent déjà dans la région. La base d'Al-Udeid est occupée par 3.500 soldats.


La Troisième Armée des Etats-Unis, chargée des opérations au sol sous les ordres du Commandement central installera son quartier général au Koweït à partir de novembre. Au Bahreïn, où mouille depuis des années la Cinquième flotte de l'US Navy, un camp militaire a été installé en janvier de cette année.


L'attaque récente dans les zones d'interdiction aérienne (No-Fly zones) faisait partie, elle aussi, des préparatifs de la nouvelle guerre. Les Etats-Unis et les Britanniques veulent détruire la défense anti-aérienne irakienne de sorte que leurs avions de combat ne rencontrent aucune résistance durant les bombardements à venir. Après ces récents bombardements auxquels ont participé non moins de 100 avions, Thomas White, secrétaire de l'armée, a reconnu que les Etats-Unis avaient commencé à amasser de grandes réserves d'armes et de munitions au Koweït et au Qatar. "Nous avons beaucoup utilisé des stocks prépositionnés dans le Golfe, et nous nous sommes assurés qu'ils étaient à l'endroit adéquat pour soutenir ce que le président veut faire."


Outre le Koweït et Qatar, il y a encore la petite île de Diego Garcia, dans l'Océan Indien, où est entreposé du matériel en quantité suffisante pour recevoir toute une division - une division compte 17.000 hommes répartis en trois brigades.


A Oman, l'USAID finance la construction d'une base aérienne pour la Royal Oman Air Force. Les pistes sont construites de telle sorte qu'elles conviennent au décollage et à l'atterrissage de B-52 alors qu'Oman ne dispose lui-même d'aucun avion de cet ordre de grandeur. En octobre de l'an passé, les Etats-Unis ont envoyé des milliers de soldats en manuvres à Oman .


En Jordanie, 2.500 soldats viennent d'arriver. A Incirlik, en Turquie, des Special Forces américaines et britanniques ont construit une base d'où ils mènent des opérations dans le Nord de l'Irak. En Turquie encore, le ministère turc des Affaires étrangères signalait en juin déjà des survols intensifs par des avions américains, dans le but de renforcer la présence des soldats US dans le Sud de la Turquie, une présence qui est passée de 7.000 à 25.000 hommes.


Une autre indication que les Etats-Unis sont en train de réaliser leurs plans de guerre est le fait que l'Institut kurde de Washington a reçu une demande urgente d'organiser un cours intensif de langue kurde. Ce qui peut indiquer que les Etats-Unis veulent utiliser les Kurdes irakiens dans leur plan de renversement de Saddam Hussein. Avec les bases de kurde que les soldats auront retenu de leur cours intensif, ils pourraient « orienter » la révolte kurde.


Les Britanniques, pour leur part, ne restent pas sans rien faire. Le navire-amiral de la Royal Navy participe actuellement à des manuvres prévues de longue date en Méditerranée. En juin, 1.700 mariniers ont déménagé d'Afghanistan vers le Koweït. Et, comme par hasard, débute l'Opération Log Viper, les plus grandes manuvres de l'armée britanniques depuis des années, auxquelles participent 6000 soldats. Un article du Daily Telegraph, qui affirmait que des troupes britanniques allaient être transférées au Koweït dans les deux semaines a été réprouvé par l'Armée britannique comme étant de la spéculation. Un amiral de la marine britannique a toutefois fait savoir à l'agence Reuters que les manuvres sont un avertissement à l'adresse de Saddam Hussein: "Elles montrent que nous sommes déterminés."


Certains avancent que les Etats-Unis ne peuvent pas entreprendre une guerre sans sceller d'abord des alliances dans la région. Ils oublient que, depuis l'an passé, les Etats-Unis doivent se faire moins de souci quant au manque d'alliés dans le voisinage immédiat de l'Irak. Après la guerre en Afghanistan, ils disposent maintenant de bases supplémentaires dans les anciennes républiques soviétiques de Géorgie, Ouzbékistan et Turkménistan. Ils peuvent aussi utiliser les anciennes bases soviétiques en Roumanie et en Bulgarie.


Ceci démontre que l'Afghanistan n'était qu'une étape vers de nouvelles guerres. Ceux qui pensent qu'avec l'Afghanistan, les Etats-Unis ne pensaient qu'à la vengeance ou à un pipe-line en sont pour leurs frais. Si cela ne dépend que des extrémistes américains, la guerre contre l'Irak sera elle aussi le début d'un redécoupage complet du Moyen-Orient. L'Irak est la première pièce du jeu de domino sur lequel spéculent les stratèges américains. La néocolonisation totale et l'hégémonie américaine sont l'objectif final.


Sources:


The Guardian, 8 septembre 2002

The Guardian, 13 septembre 2002

Reuters, 13 septembre 2002

Telegraph/UK, 6 septembre 2002

Michael C. Ruppert, Deployments May Be Too Far Advanced to Stop Iraqi Invasion, 21 août 2002
.