Dossier 5 de Colombie: pourquoi la mobilisation nationale des paysans by jean pestieau Tuesday September 17, 2002 at 11:31 PM |
Un interview fait ce lundi qui donne le contexte de la grève des paysans en Colombie. 5 observateurs belges ont été arrêtés aujourd'hui alors qu'il participait à une mission d'observation de cette grève - Vendredi 20 septembre, 18h, rassemblement de solidarité avec les paysans colombiens. devant la Bourse de Bruxelles.
Pour la souveraineté alimentaire et contre la zone de libre-échange (ALCA) que veulent imposer les Etats-Unis, les paysans colombiens ont lancé une grande mobilisation nationale le 16 septembre. j'ai rencontré Martha López, porte-parole de l'Arlac1, une association qui, depuis plusieurs mois, prépare la solidarité internationale avec la grève des paysans.
Pourquoi cette grève des paysans en Colombie?
Martha López. La grève est prévue depuis six mois. Depuis qu'il est devenu évident que le nouveau président serait Alvaro Uribe Vélez. Un homme qui prône ouvertement la voie de la guerre et est un allié inconditionnel de l'impérialisme américain. Il est un défenseur acharné de l'ALCA, qui vise à soumettre les économies de l'Amérique latine à la domination et au contrôle absolu des pays impérialistes. Alvaro Uribe, incarnation de l'extrême droite, est également un partisan farouche du Plan Colombie, qui est la stratégie de guerre pour imposer ce modèle économique tant à la Colombie qu'au reste de l'Amérique latine.
Que veulent exactement les paysans?
Martha López. Avec leurs organisations syndicales, comme Fensuagro, les paysans réclament une réforme agraire intégrale et démocratique. Ils réclament que les plus de 2,5 millions d'entre eux, chassés de leur terre productive par les multinationales et les propriétaires fonciers, puissent rentrer chez eux en toute sécurité. Ils exigent l'autosuffisance alimentaire du pays, basée sur l'activité agricole nationale. Ils veulent l'arrêt immédiat du gazage des cultures de coca, de pavot et de cannabis car cela affecte gravement la santé des familles et ne résout pas les problèmes. Ils veulent un programme de cultures alternatives rentables pour les petits paysans. Ces revendications faisaient partie des négociations de paix entre la guérilla et le gouvernement colombien. Comme celui-ci ne voulait pas les entendre, il a rompu les négociations et s'est orienté vers la guerre totale.
La guérilla? Quel rapport avec les syndicats paysans?
Martha López. Il faut voir la réalité. Tous les travailleurs luttent pour les mêmes revendications que celles avancées par la guérilla dans les négociations de paix. Ce dimanche, lors d'une messe de solidarité à Bruxelles, le prêtre a bien parlé: «On ne peut pas critiquer les gens qui sont contraints à prendre les armes pour la libération du peuple, pas plus que ceux qui choisissent la voie pacifique pour le même but». Un participant a ajouté: «L'histoire le montre: la lutte armée révolutionnaire est indispensable. Sans elle, les autres formes de lutte ne peuvent aboutir à une vraie libération.»
Les paramilitaires, inspirés par les forces armées et la CIA, ont déclaré que tous ceux qui participent à la grève sont des cibles militaires. Sur ordre du gouvernement, tous les gouverneurs de province ont déclaré la grève illégale. Ils veulent à tout prix empêcher la marche des paysans vers la capitale Bogota. La situation est telle que le représentant de l'Onu à Bogota a dû rappeler, le 15 septembre, au gouvernement colombien qu'il ne pouvait s'opposer à la grève par la violence guerrière.
Comment s'organise la solidarité?
Martha López. Les fonctionnaires et les travailleurs de différents secteurs, à Bogota et dans d'autres villes, rejoignent la grève paysanne. Le gouvernement est effrayé de voir l'unité se former avec les étudiants.
La solidarité est aussi internationale. Lundi, lors de la manifestation face à l'ambassade de Colombie à Bruxelles, le secrétaire fédéral de la Centrale générale, Paul Lootens, a remis à l'ambassadeur une lettre pour le Ministre de l'Intérieur de Colombie. «Ce dimanche 15, un représentant de notre organisation syndicale Jacques Brouckaert, qui se trouve actuellement en Colombie, nous a alerté d'un grave état de tension dans la province Cauca. Il a eu, à ce sujet, un entretien avec Monsieur le Gouverneur de la province, pour demander le retrait de l'armée afin que la mobilisation paysanne puisse se dérouler normalement, ce qui est un droit garanti par les Conventions de l'Organisation internationale du Travail.»
1 Association des Réfugiés latino-américains et des Caraïbes: http://www.arlac.be
- Vendredi 20 septembre, 18h, rassemblement de solidarité avec les paysans colombiens. devant la Bourse de Bruxelles.