Guerre en Irak : Un nouvel élément dans la stratégie de la persuasion by Arnaud Leblanc Tuesday September 17, 2002 at 05:17 PM |
arnaudleblanc@swing.be |
Dans les médias officiels en Europe comme aux Etats-Unis, une nouvelle stratégie de persuasion commence à se dévoiler. Cette stratégie est basée sur une certaine réalité, celle du commerce international pour pousser les pays à s'impliquer dans le conflit.
La guerre en Irak, ça fait longtemps qu'on en parle. Les volontés militaristes de G.W. Bush, celles des nombreux lobbys d'armement qui ont soutenus sa campagne électorale, la crise économique profonde qui n'en finit pas, les élections américaines qui approchent alors que la côte de l'administration présidentielle ne fait que chuter Pour les Etats-Unis, ça ne fait aucun doute, la guerre se prépare et elle aura lieu. Mais il reste encore à trouver des alliés, tâche nettement plus difficile que d'habitude.
A l'époque de la première guerre du Golfe, la
stratégie contre l'Irak était simple. Les " experts
" américains propageaient des messages alarmistes sur les capacités
militaires irakiennes et la menace qu'ils pouvaient entretenir grâce aux
thèmes des armes chimiques et de destruction massive.
Les années suivantes, les guerres suivantes, ont suivi le même
thème de l'ennemi dangereux et incontrôlable avec un arsenal militaire
effrayant. A chaque intervention militaire de l'Irak à l'Afghanistan
en passant par l'Ex-Yougoslavie, les discours va-t-en-guerre suivaient le même
schéma de l'armée redoutable et sanguinaire qu'il fallait mater
avant qu'elle ne devienne trop dangereuse.
Pour rappel, la guerre du Golf, premier volet, avait un côté dramatique beaucoup mieux construit que ce énième remake qui se prépare. Pour le public et malgré le matraquage médiatique, il est de plus en plus difficile de craindre un armement destructeur d'un pays comme l'Irak alors que de simples détournements d'avions ont causé le choc le plus fort que la population américaine ont du endurer depuis des années.
Cette fois-ci, nombreux sont les pays qui ont émis des réserves quant à leur participation militaire à ce conflit. L'Allemagne, la Chine, la France, même la Belgique et d'autres se sont montrés réservés quant à leur engagement dans cette guerre qui se prépare.
Alors, la stratégie pour convaincre
un maximum d'alliés change de forme, on se soucie de moins en moins de
l'opinion publique pour s'adresser aux vrais tenants du pouvoir, les industriels
et le monde économique.
Cette semaine, le nombre de partisans à la guerre semble se multiplier.
La raison de se revirement soudain ? La notion qui, avec l'arrivée sous
les projecteurs du chef de l'opposition irakienne, se propage de plus en plus
dans les sphères autant stratégiques que médiatiques :
La guerre aura bel et bien lieu et à présent, les différentes
puissances se doivent de penser à l'essentiel, les intérêts
économiques de l'après-guerre et leurs retombées potentielles
sur les économies occidentales.
Ce thème n'est pas nouveau, on le sait bien que les guerres,
en général, n'ont de raison que si elles peuvent asseoir la puissance
économique des pays qui y participent. Mais alors que le sujet était
tabou ou traités de façon anecdotique, voire contestataire dans
la préparation des conflits précédents, c'est maintenant
officiel et médiatisé que si il y a guerre, ce sera, entre autres
choses, pour pouvoir se partager les parts de gâteaux pétroliers.
C'est ainsi qu'on entend déjà parler du futur successeur pro-américain
de Saddam Hussein, des intérêts actuels que possèdent différentes
nations " déviantes " comme la France et la Russie en
Irak mais aussi des futurs gains que ses pays pourraient récolter de
leur soutien à la guerre. Car si quelque chose est sûr comme on
l'a dit à la RTBF, c'est que " dès " que l'Irak
sera sous domination américaine, les accords irakiens passés n'auront
plus lieu d'être. Il est alors important pour les indécis de se
décider rapidement pour se positionner sur un futur marché économico-pétrolier.
Et de la bouche des portes paroles du secteur pétrolier et de leaders
de l'opposition irakienne, on apprend qu'à l'heure actuelle, seule la
France et la Russie possèdent des liens économiques avec la capitale
irakienne. Ces informations étant diffusées sans oublier de préciser
de la bouche du fameux successeur potentiel de Saddam qu'il ne fera pas de cadeaux
à ceux qui n'ont pas soutenu l'intervention. En d'autres mots, si la
France et la Russie ne change pas d'avis sur la question irakienne, elles en
subiront les conséquences économiques.
Cette nouvelle donne qui apparaît au grand jour dans les grands médias ne se limite pas aux médias européens mais elle fait partie intégrante du paysage médiatique américain. A lire les articles du Washington Post ou de The Independent, on peut même décerner quelques stratégies internes liées aux rapports qu'entretiennent les divers membres de l'administration Bush. Elle fait suite à une période de contagion de doute dans la presse américaine qui, comme le New York Times, craint qu'une attaque contre l'Irak rendrait la lutte contre le terrorisme moins efficace car, simplement, on ne peut pas s'attaquer à deux ennemis en même temps.
Ces nouvelles directions médiatiques ne tiennent pourtant pas la route très longtemps quand on sait, ce qui reste assez évident, que la guerre n'est pas encore finie et que spéculer sur les résultats reviendrait à vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Cependant, on peut y remarquer une vision de plus en plus franche et de plus en plus réaliste des raisons affichées de ce futur conflit et des moyens de pression que les Etats-Unis exercent sur les autre pays.
Cette nouvelle sincérité médiatique est d'autant plus inquiétante qu'elle arrive alors que Saddam Hussein a déclaré qu'il acceptait la présence des enquêteurs de l'ONU. Déclaration alors jugée officiellement par l'administration Bush " comme un leurre " de la part du dictateur irakien et " qui ne change en rien la direction actuelle ".
Arnaud Leblanc
- http://www4.rtbf.be/rtbf_2000/bin/view_something.cgi?type=article&id=0093622_article&menu=0093631_menulist&pub=www.rtbf.jt%2fhp
- http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/articles/A18841-2002Sep14.html
- http://news.independent.co.uk/world/politics/story.jsp?story=333400