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La décroissance révolutionnaire
by Patrick Gillard Thursday September 12, 2002 at 09:07 AM

Il a déjà été question ici (9/9/02) de la récente "carte blanche" «Une révolution est nécessaire pour éviter le crash climatique» écrite par le professeur Jean-Pascal van Ypersele dans Le Soir du 2/9/02 page 12, en disant qu'il s'agissait d'une des plus remarquables contributions publiées dans le cadre du sommet de Johannesburg.

Toute intéressante qu'elle soit, la lecture de la thèse de Jean-Pascal van Ypersele m'a conduit à écrire le commentaire suivant.

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Dans une toute récente "carte blanche" publiée dans le cadre du Sommet mondial du Développement durable de Johannesburg, Jean-Pascal van Ypersele, professeur de climatologie et de sciences de l'environnement à l'UCL, démontre de manière très convaincante que « pour éviter le crash climatique à nos enfants et petits-enfants, c'est une révolution qui est nécessaire » (1). Rien de moins !

Le professeur van Ypersele emploie volontairement le terme "révolution" parce que, selon ses informations, « il ne s'agit pas de réduire les émissions de CO2 de quelques pour cent. Il s'agit de les réduire dans les pays développés de 50 % d'ici 50 ans, tout en aidant les pays en développement à limiter les leurs. Et il faudra réduire encore davantage au-delà de 2050 » (1), précise-t-il. Pour lui - et je partage son analyse jusque-là -, « nous n'avons [donc] d'autre choix que de remettre en question les fondements de notre manière de consommer, de produire, de nous déplacer » (1).

Le problème, c'est que toute véritable remise en question de nos modes de production et de consommation est absente de la soi-disant "révolution" proposée par notre climatologue. Pour le long terme, le professeur de l'UCL propose en effet de « mettre [d'urgence] autour d'une table chercheurs, industriels, syndicalistes, décideurs politiques et société civile pour réfléchir aux structures et aux moyens qui permettront de développer une économie , des techniques, des modes de vie qui répondent aux besoins des générations actuelles (...) avec deux fois moins d'énergie et d'émissions de CO2 qu'aujourd'hui » (1). Et comme action immédiate, il préconise l'application du fameux principe "pollueur/payeur", en reprenant l'idée d'une taxation supplémentaire et progressive des produits énergétiques non renouvelables dont les fruits serviraient non seulement à promouvoir les réductions d'énergie, mais aussi à dédommager le Tiers Monde, tout en assurant une réduction du chômage. (1) Après examen, cette prétendue "révolution" renferme tout au plus quelques engagements dignes d'une politique de développement durable, ce qui n'est pas vraiment surprenant puisque notre spécialiste assure aussi la présidence du groupe "Énergie et climat" du Conseil fédéral du développement durable.

Or, étant donné les dangers climatiques imminents qui menacent notre planète, « ne faut-il pas [dès maintenant] nous défaire du terme de développement, même amendé ou amadoué en développement durable, soutenable ou humain ? » (2), comme s'interroge justement Edgar Morin dans un texte important paru également en marge du Sommet de Johannesburg, et dans lequel l'éminent sociologue, relieur des connaissances, se rapproche très fort des notions véritablement révolutionnaires - quant à elles - de "décroissance" et de "dédéveloppement".

S'il faut vivre « avec deux fois moins d'énergie et d'émissions de CO2 qu'aujourd'hui » (1), pourquoi ne lancerait-on pas immédiatement un programme de décroissance volontaire et progressive de l'économie mondiale ? Une véritable révolution ! Une révolution comparable à celle que vit tout citoyen altermondialiste délaissant petit à petit la société de consommation au profit de la "simplicité volontaire".

Patrick Gillard,
Historien


NOTES

(1) Jean-Pascal van YPERSELE, Une révolution est nécessaire pour éviter le crash climatique, dans Le Soir, lundi 2/9/02, p. 12.
(2) Edgar MORIN, Pour une politique de l'humanité, dans Libération, lundi 26/8/02.