arch/ive/ief (2000 - 2005)

Espaces révélateurs
by kaprifol Wednesday September 11, 2002 at 11:49 AM
kaprifol@hotmail.com

Architecture & urbanisme/ Venise/ analyse #1: le pavillon américain

Retour de Venise, ses canaux et ses palais, mais surtout sa Biennale Internationale d’Architecture édition 2002.
Ne vous laissez pas impressionner par l’intitulé, même si certains plans sont illisibles, tout le monde peut apprécier une façade, et plus encore, un contexte: car ici on ne triche pas, et c’est bien malgré elle que chaque nation se révèle via le choix de sa thématique et son mode de représentation. Quelquefois même, l’implantation d’un pavillon par rapport à un autre témoigne d’une situation géopolitique actuelle (e.g.: les TRES rapprochés édifices israëlien et américain).


Ces microcosmes, jetés çà et là entre les Giardini et l’Arsenale de Venise, sont tangibles du montage au démontage d’un pavillon, en passant par les mondanités du cocktail d’ouverture, et la fréquentation du grand public.
En ce qui me concerne, accompagnant une photographe accréditée au pavillon belge, nous avons arpenté les lieux, deux jours avant l’ouverture , puis lors des immanquables drinks des vernissages du samedi 7 septembre.
Bardés de matériel photo et vidéo, nous avions l’air suffisamment sérieux que pour avoir pu accèder à la plupart des coulisses.
Visite guidée, et plutôt commentée:
Calendrier oblige, on commence par le pavillon USAnien...de pur style néo-classique, telle la White House, mais en version miniature.
A deux jours de l’ouverture officielle, tout le site d’exposition est encore en chantier: dépôts de panneaux de bois Multiplex, matériel divers, tas de gravats...et c’est presque par hasard que l’on s’aperçoit que cet amas d’acier rouillé devant l’entrée est issu d’une des tours du World Trade Center!
Une aimable “first lady” nous ouvre la porte, en jeans et veste de tailleur Tommy Hilfiger. L’intérieur est blanc immaculé, comme le serait une boutique de ce dernier.


L’aile droite du bâtiment présente les photos de Joel Meyerowitz (http://www.joelmeyerowitz.com), prises dans les semaines qui ont suivi l’effondrement des Twin Towers. Celle de gauche est consacrée à diverse propositions en 2D et 3D pour la reconstruction du quartier sinistré.
Notons qu’en majorité, on remplace les anciennes tours par de nouvelles, révélant le déni total du traumatisme. Et pourtant, la plaie sera ravivée autant de fois que nécessaire pour servir le discours de VICTIMES des USAniens. Tout le pavillon a été pensé comme un lieu de recueillement, une chapelle tiédie par, d’un côté, le devoir de mémoire sublimé*, et, de l’autre, une arrogante foi en l’avenir.
Lors du vernissage, et ce malgré un peu de champagne dans le sang, personne n’ose parler à voix haute. Mais ce ne sont ni les portraits grand format de pompiers héroïques, ni les “conceptboards” signés par les vedettes de l’architecture mondiale, qui semblent impressionner. Et encore moins le bout de poutrelle déformé, relique sans écrin, posé là sous prétexte de confronter avec le réel.
Il y a plus dérangeant que cela. Disons que la lassitude gagne:
un an déjà, et la même rengaine s’amplifie à l’approche de la “date anniversaire”. Même le conducteur de vaporetto (transport en commun par bateau à moteur) vénitien devine inconsciemment qu’au “Salon Universel du Wok en Téflon”, le stand américain serait affublé de symboles renvoyant au 11.09.01.


L’ennui s’installe: les photos à la chambre de Meyerowitz ont juste ce qu’il faut de techniquement et patriotiquement correct, et les maquettes pour un “nouveau Manhattan” sont de piètres et peu convaincantes réponses au propos architectural et urbanistique de la Biennale.
L’effroi triomphe: ils sont les VICTIMES, MAIS, ce jour là à Venise, les médias annonçaient l’offensive militaire imminente des américains en Irak.
c.f. la proposition ci-jointe de Zaha Hadid (des tours de chiffres),conceptrice d’origine irakienne, travaillant depuis Londres.
Elle est l’auteur de la scénographie de l’exposition de textiles berbères “Borderline” qui eut lieu au Palais des Beaux Arts de Bruxelles en début d’année 2000. Et est plus internationalemnt connue pour ses espaces déconstructivistes, ainsi la caserne de pompiers du site Vitra à Weil-sur-le-Rhin (1993).


Un projet a retenu mon attention pour sa valeur métaphorique: une maquette de Manhattan où le quartier démoli est complètement creusé en une immense forme ovoïde. La base disparue des tours jumelles se situerait au centre de cet “oeuf”. On ne peut plus explicite sur l’ORIGINE du monde nouveau qui est train de naître.


“Thanks to”... Notez pour le plaisir que l’installation américaine à la Biennale de Venise est subventionnée par Philip Morris Companies (cigarettier-mécène) =http://www.philipmorris.com/media


*c.f. l’appel diffusé au pavillon pour alimenter le World Trade Center Archive


=avec le vol A/R sur Rayanair à partir de 50€ ,l’accès illimité au vaporetto pendant 72h pour 18€ , l’entrée de la Biennale à environ 10€ , et la nuit à l’auberge de jeunesse Ostello (arrêt “Zitelle” du vaporetto) dans les 13€ , vous pouvez vous en sortir avec 120€ et faire les trois jours nécessaires pour apprécier la ville et la Biennale.
=http://www.labiennale.org
A la prochaine...

 

* Annexe 01 * La proposition ci-jointe de Zaha Hadid (des tours de chiffres)



* Annexe 02 * L’appel diffusé au pavillon pour alimenter le World Trade Center Archive