La litanie des questions du 11 septembre 2001 (1) by Patrick Gillard Tuesday September 10, 2002 at 09:01 AM |
« Les prochaines et inévitables évocations des attentats du 11 septembre 2001 posent en termes aigus le problème du journalisme de commémoration ou de rituel. Qu'auront à dire les médias sur le sujet de nouveau le 11 septembre ? Sauf imprévu d'ici là, rien. » (2)
Que diront-ils alors ?
Les médias, diront-ils que « les attentats du 11 septembre n'en finissent plus d'apparaître comme un terrible mais simple prétexte à la guerre en Afghanistan, verrou de l'Asie Centrale et de ses fabuleux gisements » qui intéressent les États-Unis (lobbies pétroliers en tête) depuis déjà une dizaine d'années ? (3)
Diront-ils que « de nombreux éléments tendent à accréditer la thèse selon laquelle une partie au moins des Services secrets [étasuniens] «savait» ce qui allait se passer [le 11/9/2001], mais a « laissé faire » sans s'attendre, peut-être, à un carnage d'une telle ampleur » ? (3)
Parleront-ils de « ces avertissements répétés des services égyptiens, en juin [2001] déjà, puis jordaniens, israéliens et français (fin août, début septembre), faisant état de risques imminents d'attentats contre les intérêts » étasuniens, même sur leur propre territoire ? (3)
Bien que « l'idée d'Américains frappant des Américains [ait] d'emblée quelque chose de contre nature, d'outrageant pour les citoyens de démocratie que nous sommes », diront-ils quand même que « dans "Body of Secrets", [James Bamford] révèle qu'en 1962, ..., la National Security Agency (NSA) avait projeté des attentats antiaméricains, qui auraient été attribués à Castro, pour fournir [aux États-Unis] le prétexte d'envahir Cuba. Cette Northwood Operation prévoyait ... des détournements d'avion, des bombes à Miami ou Washington ... de sorte que la "publication de la liste des victimes dans les journaux américains provoque une vague d'indignation instrumentalisable". (Le Monde diplomatique, novembre 2001) » ? (3)
Parleront-ils des « nombreuses sources [qui] attestent qu'Américains et talibans n'ont en fait jamais cessé de négocier [parfois secrètement] depuis [1994] jusqu'à la rupture, sur-venue l'été dernier [juste avant les attentats de septembre] » ?
Diront-ils que « le ‘Time of India' du 11 octobre 2001 ... [affirme] que l'été dernier, le général [Mahmud Ahmad], chef des Services secrets pakistanais (ISI) et principal intermédiaire de la CIA vis-à-vis des talibans, a versé une somme de 100 000 dollars à Mohammed Atta, le kamikaze [N°1] » ? (3)
Qu'ils n'oublient pas de dire les « révélations de l'émission Newsnight de la BBC (fondée sur un document secret du FBI ...) [qui] relatent ... que, avant les attentats, "l'administration Bush avait freiné des enquêtes du FBI sur deux membres de la famille de ... Ben Laden, soupçonnés de liens avec des organisations suspectes" ». (3)
Diront-ils « cette histoire de spéculations boursières sur les compagnies aériennes et les assureurs [juste] avant les attentats, et dont plus personne n'entend d'ailleurs parler » ? (3)
S'agissant des attentats eux-mêmes, parleront-ils des « cafouillages inexplicables de la Défense américaine durant l'attaque du 11 septembre [qui] semblent non seulement confirmer le laisser-faire, mais suggèrent [aussi] que le "laisser-faire" en question a été, en quelque sorte, "accompagné" malgré l'ampleur [de l'attaque aérienne] » ? (3)
Et que diront-ils « de la quasi disparition de (George W.] Bush toute la journée du 11 septembre, entre la Louisiane et le Nebraska » ? (3)
Diront-ils « pourquoi les autorités américaines n'arrêtent-elles pas [le prétendu responsable] des attaques à l'anthrax perpétrées sur le territoire américain aux lendemains du 11 septembre [alors qu'] il est admis aujourd'hui aux Etats-Unis que l'auteur des envois de lettres à l'anthrax serait un chercheur impliqué dans le programme militaire de guerre biologique de l'US Army » ? (4)
Qu'ils n'oublient surtout ni de dire qu' « une enquête internationale s'impose » à propos de « ces charniers afghans si discrets... » (5), ni de dire que « Washington doit respecter les Conventions de Genève » au sujet des prisonniers détenus dans la base de Guantanamo dont on entend presque plus parler. (6)
Patrick Gillard,
Historien
NOTES
(1) J'emprunte le début du titre ainsi que la forme générale de cet article à la troisième partie de la "pièce" Rwanda 94 (Groupov, Rwanda 94. Une tentative de réparation symbolique envers les morts, à l'usage des vivants, Paris, Éditions théâtrales, 2002, p. 49-73).
(2) Jacques Mouriquand, Les commémorations étouffent le journalisme, dans Le Monde, mercredi 4/9/02.
(3) Cf. le site du journaliste suisse Pierre Vaudan à l'adresse suivante : http://www.entrefilets.com/Questions_911.htm
(4) Cf. http://www.infoguerre.com/article.php?sid=348&mode=threaded&order=0
(5) Jamie Doran, Ces charniers afghans si discrets..., et Une enquête internationale s'impose, dans Le Monde diplomatique, septembre 2002, p. 1 et 16.
(6) Pierre Hazan, Washington doit respecter les Conventions de Genève, dans Le Temps, mardi 26/3/02.