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Campagne contre les crimes de guerre en Israël
by K Wednesday August 28, 2002 at 04:49 PM

La question des crimes de guerre est désormais bien ancrée dans l'agenda national et militaire, et ne pourra plus en être éliminée...

Uri Avnery : " Pratiques de voisinage "
17 août 2002

La question des crimes de guerre est désormais bien ancrée dans l'agenda national et militaire, et ne pourra plus en être éliminée...

Cette semaine, un tollé s'est élevé contre la mort de Nidal Abu Muhsein dans le village de Tubas en Cisjordanie. Le jeune homme de 19 ans avait été tiré de sa maison par des soldats qui avaient pénétré dans le village en vue d'arrêter (ou de tuer) son voisin, Nasser Jerar, un activiste du Hamas. Nidal a été contraint de s'approcher de la porte de Nasser et de l'appeler pour qu'il sorte. Nasser, qui devait s'attendre à l'arrivée des soldats, a ouvert le feu et l'a tué. Ensuite, un bulldozer est intervenu, et a démoli la maison, ensevelissant Nasser vivant sous les décombres.

L'utilisation d'habitants comme "boucliers humains" est un crime de guerre. Cela a été confirmé en direct à la télévision par un officier supérieur de réserve, ancien président de la Haute Cour militaire. La Quatrième Convention de Genève interdit expressément l'utilisation de "personnes protégées" (c'est ainsi que la convention qualifie les habitants d'un territoire occupé) à de telles fins. Cette pratique, de même que celle qui consiste à contraindre des voisins palestiniens à parcourir un immeuble suspecté d'avoir été piégé, est similaire au meurtre d'otages en représailles à des actes de résistance.

Dans le passé, un tel fait n'aurait entraîné absolument aucune réaction. Cela fait partie de la routine quotidienne de l'occupation. Mais dans le sillage d'une sensibilisation nouvelle à propos des crimes de guerre (à la suite de l'action entreprise - non sans risque pour elle-même - par Gush Shalom, qui a brisé le tabou qui entourait ce sujet), un débat public a pris naissance. Il est apparu qu'il s'agissait d'une méthode largement utilisée, qui avait même reçu une appellation militaire usuelle: "pratiques de voisinage". Il n'y a pas si longtemps, l'armée a promis à la Cour Suprême d'abandonner cette pratique, sans avoir la moindre intention de remplir sa promesse.

Au cours du même programme télévisé en direct, un brigadier-général de réserve, qui a servi dans le passé en tant que commandant adjoint de division dans les Territoires occupés, a déclaré que cette méthode avait été utilisée des "milliers de fois". Le général, portant kippa, soutint que c'était "moral", puisque cela sauvait la vie de soldats. L'hypothèse est qu'un combattant palestinien n'ouvrira pas le feu sur un voisin arabe, de sorte qu'il sera possible de le capturer (ou de la tuer) sans prendre aucun risque. (Je mentionne le fait qu'il portait une kippa afin de mettre l'accent sur une triste évidence: quand quelqu'un apparaît en public pour justifier les crimes de guerre, il s'agit invariablement d'un religieux. Voilà qui jette une lumière - ou une obscurité - sur la mutation qu'est en train de subir en Israël la religion juive).

Les porte-parole de l'armée déguisés en journalistes ont annoncé fièrement que Marwan Barghouti, le dirigeant du Fatah, avait lui aussi été capturé avec l'aide de la "pratique de voisinage". (Rendant ainsi possible un procès spectacle qui fera de lui un Nelson Mandela palestinien).

Afin de justifier ces actes, le général-religieux prétendit que la "pratique de voisinage" est plus humaine que la méthode alternative, qui consiste à larguer une bombe d'une tonne sur la maison de l'activiste du Hamas Salah Shehadeh, dans un quartier résidentiel très peuplé, en tuant dix-sept voisins, dont neuf enfants.

Le largage de cette bombe était un crime de guerre, lui aussi. Un de ces jours, il pourrait conduire à La Haye toute la chaîne de commandement - le Premier Ministre, le Ministre de la Défense, le Chef de l'État-major, le Commandant des Forces aériennes, et le pilote anonyme. Selon l'article d'un quotidien, cette possibilité a entraîné quelques remous au sein des forces aériennes, en particulier après que quelques personnes anonymes aient inscrit les mots "criminel de guerre" sur les voitures de plusieurs officiers.

Ces pilotes, et leurs camarades, sont en colère. Ils profèrent tous les slogans qui courent les rues: ils ne font qu'obéir aux ordres. Ils agissent en accord avec les instructions de la majorité politique élue. Ils défendent leur patrie. Et aussi: ce sont d'excellents techniciens. Et, plus important encore, ils sont loyaux envers leurs camarades.

On peut les envier. Selon l'article, ce ne sont pas les scrupules de conscience qui les inquiètent le moins du monde. Ils n'ont pas écouté leur collègue, le colonel de réserve Yig'al Shohat, le héros de guerre abattu au-dessus de l'Égypte, qui a appelé les pilotes à refuser justement de tels ordres. De toute évidence, ils n'ont pas entendu parler du pilote américain qui a lancé la bombe atomique sur Hiroshima, et qui a sombré ensuite dans une profonde dépression, est devenu alcoolique et en est mort.

Je suis sûr que l'article ne brosse pas un tableau complet. Il y a - il doit y avoir - des pilotes, qui se sentent profondément concernés par le dilemme à propos des crimes de guerre. Je suis sûr qu'au sein de chacune des sections des Forces de Défense Israéliennes, il y a des officiers et des soldats qui s'en soucient. J'espère que de plus en plus nombreux seront ceux d'entre eux qui arriveront à la conclusion qu'il n'existe qu'une seule "pratique de voisinage" qui aboutira à la sécurité d'Israël et de ses citoyens: une politique de paix qui fera du peuple palestinien un bon voisin.

Traduit de l'anglais par Giorgio Basile.
Le texte anglais de cet article, Neighbor Practice,
peut être consulté sur le site de Gush Shalom :
http://www.gush-shalom.org/