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On peut être abattu/e en luttant pour un autre monde.
by Bert de Belder [posted by red kitten] Tuesday August 20, 2002 at 12:30 PM

Anne Konings, militante des droits de l'homme aux Philippines: On peut être abattu en luttant pour un autre monde (20.08.2002) Depuis le 11 septembre, mouvements de libération et organisations populaires sont confrontés aux prétendues mesures antiterroristes et à une répression croissante. Aux Philippines, la recrudescence des violations des droits de l'homme va de pair avec celle de l'intervention militaire des Etats-Unis. Anne Konings a travaillé un an comme coopérante de l'ONG Monde Libéré auprès de l'organisation philippine des droits de l'homme, Karapatan. Juste avant son retour, elle a participé à une mission de Solidarité Internationale contre l'intervention américaine. Elle témoigne de la répression atroce, mais aussi du courage de tout un peuple.

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Terreur et intervention américaine aux Philippines

Bert De Belder

Anne Konings, militante des droits de l'homme aux Philippines:

On peut être abattu en luttant pour un autre monde

Anne Konings est ingénieur industriel en agriculture. Elle a fait sa thèse sur la réforme agraire bidon des Philippines et s'est enthousiasmée pour le mouvement populaire. Elle est ensuite retournée dans ce pays comme coopérante de l'ONG Monde Libéré. Elle a travaillé un an dans le sud de Mindanao pour l'organisation des droits de l'homme Karapatan.

Anne Konings, de retour d'un voyage riche en enseignements mais particulièrement éprouvant aux Philippines, a trouvé au camp de vacances du PTB à Natoye un repos bien mérité. (Photo Solidaire, Sabien De Mont)

Anne Konings. Je rentre chez moi avec un double sentiment. Il m'est pénible de laisser là-bas mon travail et les camarades, mais le séjour a été des plus éprouvants. Surtout ces quatre ou cinq derniers mois, après l'assassinat de Beng Hernandez, vice-secrétaire générale de Karapatan au sud de Mindanao, et qui était également mon amie (voir article en annexe). Nous avons souvent été confrontés à la répression. Peu après, un capitaine de la police nationale a déclaré que Karapatan, l'organisation populaire Bayan et le parti progressiste populaire Bayan Muna constituaient l'organe de propagande de la Nouvelle Armée Populaire (NAP). Toutes nos activités ont alors été suivies de près. Régulièrement, nous voyions des voitures aux vitres blindées stationner devant notre bureau, sans plaque minéralogique, et d'où l'on prenait des photos.

Comment avez-vous réagi?

Anne Konings. J'essayais de faire semblant de rien mais parfois, je m'éloignais. Un jour, j'ai vu une voiture devant la maison où je résidais. J'ai pris mon courage à deux mains et je suis allée frapper à la vitre. Les gars ont grommelé qu'ils attendaient quelqu'un puis sont partis.

Pourquoi Karapatan attire-t-elle l'attention des militaires?

Anne Konings. Nous nous occupons de droits de l'homme. Nous interviewons des personnes qui ont été victimes ou témoins de violations sur ce plan, ou des membres de leur famille. Nous tentons alors de reconstituer les faits, puis nous établissons un rapport avec lequel nous allons trouver les médias. Nous donnons ainsi aux victimes la possibilité de se faire entendre.

Karapatan ne peut fonctionner que parce que les gens ont le courage de parler et d'entreprendre des actions. Le 15 avril, le dirigeant de la Farmers' Association de Davao City (FADC), Tatay Puloy, a été assassiné. Ce sont les paysans qui ont protesté en premier lieu, en manifestant et en organisant des piquets. C'a été pareil avec la mission d'enquête sur l'assassinat de Beng: nous sommes allés de village en village pour collecter des témoignages et, partout, les habitants se joignaient à nous, jusqu'à former un cortège impressionnant de plus de cent personnes. C'est ainsi que se forge la force de notre travail.

Y a-t-il un modèle récurrent dans les violations des droits de l'homme?

Anne Konings. La liste des violations ne cesse de s'allonger. Rien que pour Bayan Muna, 24 dirigeants et militants ont déjà été assassinés cette année. Ce parti s'appuie sur l'organisation populaire Bayan et, lors des élections de mai 2001, il a obtenu trois sièges au Parlement, avec Satur Ocampo, Liza Maza de l'organisation féminine Gabriela et Crispin Beltran du syndicat KMU. Vu le climat actuel, eux aussi sont menacés.

Mais la plupart des victimes sont de simples paysans et des indigènes, généralement membres d'organisations populaires et accusés de sympathie pour la Nouvelle Armée Populaire. On vise surtout les dirigeants de masse. Le premier dirigeant de la Farmers' Association of Davao City est en prison. Le second a été assassiné ­ c'était Tatay Puloy. Et, le 3 juillet, on a intenté un procès pour rébellion contre son successeur, Maximo Goc-hon.

Les militaires opèrent souvent avec la plus extrême bestialité. Comme avec Lalay, une jeune guérillera blessée par balle, le 25 novembre 2001, au cours d'une escarmouche à Davao City. L'officier de l'unité impliquée dans le combat a interdit toute aide médicale. Au grand dam des villageois se trouvant sur place, les soldats l'ont tout simplement laissée perdre tout son sang. Il arrive aussi souvent que les membres de la famille d'un membre de la NAP tué ne puissent venir chercher son corps.

Tu parles de la guérilla. Qu'en disent les gens?

Anne Konings. Là où les paysans, les travailleurs agricoles ou les indigènes sont confrontés à l'injustice, la Nouvelle Armée Populaire et le Parti communiste tentent souvent de donner à leur lutte une direction et plus d'efficacité. La NAP explique aux gens qu'ils sont pauvres et qu'ils ont faim alors que le pays est fertile, mais aux mains des grands propriétaires terriens. Que l'agriculture n'est pas orientée vers les besoins du peuple, mais vers l'exportation, via les multinationales. C'est une bonne chose que la NAP éclaire les gens simples, qui ne savent parfois ni lire ni écrire, sur ces questions. Les gens disent aussi que la guérilla tente de faire quelque chose pour leurs enfants qui ne peuvent aller à l'école ou qui sont malades, ou encore qu'elle les aide dans le travail de la terre. Pas étonnant, donc, que la NAP puisse compter sur tant de soutien.

Qu'est-ce qui t'a marquée le plus aux Philippines?

Anne Konings. J'avais déjà eu des formations sur le capitalisme et la révolution, mais ce n'est qu'aujourd'hui qu'elles font partie intégrante de moi. J'ai vu que l'impérialisme fonctionne sur des monceaux de morts. J'ai vu des gosses blessés par balles parce que des militaires leur ont tiré dans le dos! Mais j'ai aussi pu me rendre compte de la force d'un large mouvement populaire qui se bat pour un autre monde et auquel l'organisation des droits de l'homme Karapatan apporte sa petite pierre. La mort de Beng prouve que les militants des droits de l'homme sont une véritable épine dans le pied du régime.

Qu'est-ce qui t'a paru le plus pénible?

Anne Konings. La pression incessante, le stress. Trois jeunes combattants de la liberté ont «disparu» depuis six jours déjà, et la pression est grande pour qu'on aille jusqu'aux camps militaires les tirer de là. Il se peut aussi qu'ils aient déjà été abattus. Ensuite, il faut persévérer, aborder la confrontation avec les soldats. Ce stress, je parvenais à m'en débarrasser en rédigeant des bulletins par e-mail, ou en allant boire un verre de temps en temps. La séparation aussi m'a été pénible, car on ne sait jamais si on reverra ces gens. Deux personnes que je connais personnellement, Beng et Tatay Puloy, ont déjà été assassinées, vous comprenez

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Adieu à mon amie Beng

Dans son journal, Anne Konings relate ses expériences les plus pénibles aux Philippines. Comme celle des 6 et 7 avril, lorsque son amie et collègue Beng a été assassinée. Benjaline «Beng» Hernandez avait à peine 22 ans. Elle était vice-secrétaire générale de l'organisation des droits de l'homme Karapatan pour le sud de Mindanao.

Anne Konings

Samedi, nous avons reçu un SMS nous annonçant que Beng (photo) avait été abattue. Je ne puis le croire. Beng est ma camarade de cinéma: il y a quelques mois, nous avions sangloté ensemble devant Le journal de Bridget Jones Beng, qui m'avait emmenée dans sa petite chambre pour y lire ses poèmes Des poèmes sur la vie difficile des paysans et des ouvriers. Elle m'avait également montré les photos de son fiancé, Eric. Beng était vice-présidente de l'association des rédacteurs en chef des journaux de fac. Son journalisme l'avait entraînée dans les campagnes et dans les grèves ouvrières.

Beng se trouvait dans la vallée d'Arakan pour Karapatan. Elle devait y contacter les témoins du massacre de Tabababa, en août 2001. Trois paysans avaient été assassinés par la même unité de l'armée qui vient aujourd'hui de l'assassiner.

Dimanche matin, le corps de Beng revient pour être transféré à la morgue du Bureau national d'Investigations. Shalom, un médecin du peuple, assistera à l'autopsie en qualité de médecin indépendant. Che, Francis, Tyuron et moi-même établissons le rapport. A l'aide des témoignages, nous essayons de reconstituer ce qui s'est réellement passé. La vue des photos nous rend muets. Personne n'ose se les passer. Beng a été assassinée de façon particulièrement atroce. Notre Beng n'est plus qu'un petit pantin mort...

Beng, une amie et collègue d'Anne Konings, a été assassinée de façon atroce par un groupe de soldats philippins, parmi lesquels figurait également un Américain au moins.

Exécutée séance tenante par des soldats

Beng, Viviane (18), Crisanto (23) et Labaon (30) se préparaient à prendre leur repas de midi composé de riz, de sel et de goyaves, lorsque l'un d'eux a vu des militaires. Un garçon de 17 ans, qui était également chez eux, n'a eu que le temps de se cacher dans les hautes herbes. Sans sommation, les militaires ont ouvert le feu sur la cabane. Blessé, Labaon a hurlé à l'adresse des militaires: «Ne tirez pas! J'ai un petit gosse.» Mais les soldats ont à nouveau ouvert le feu, achevant Labaon. De la hutte, une des filles a crié: «Tama na kay magpa-doktor na mi! Ca suffit, nous avons besoin d'un médecin!»

Les villageois ont raconté que les membres de la milice s'étaient vantés après le massacre. «On les a tous liquidés. Déjà dans l'au-delà, tous! Le calme est revenu. Allez vite les chercher!» Beng et Viviane avaient supplié qu'on les laisse en vie car un autre paramilitaire a raconté en se pavanant que «les filles chialaient, et pas un peu!»

Les villageois accourus ont retrouvé les corps salement mutilés, sur le dos, les mains à hauteur du visage, comme s'ils avaient encore tenté de se protéger La tête de Beng a été éclatée à l'aide d'un objet lourd. Une balle dans la nuque lui a emporté la joue gauche, la bouche et toutes les dents. La cervelle de Viviane et Crisanto était répandue sur le sol. Les villageois ont tenté de tout remettre dans les boîtes crâniennes. Tous trois ont été exécutés sommairement. Beng était la plus amochée, mais nous ne saurons jamais ce qu'elle a encore pu dire ou faire. Peut-être a-t-elle eu le verbe trop haut et qu'on l'a fait taire d'une balle dans la nuque?

A 23 heures, je vais voir Beng avec Francis. Je la regarde, puis regarde la photo. Ce n'est pas elle. Son visage est tellement déformé qu'elle ressemble à une vieille femme, dans son cercueil Je signe le registre des invités. Cent-cinquante amis et parents sont déjà venus lui dire adieu. Cà et là, des jeunes jouent doucement de la guitare, d'autres dorment et bavardent. Six jours durant, nous mangerons, bavarderons et dormirons chez elle.

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Les troupes américaines tirent sur un citoyen désarmé

Une mission internationale de solidarité de 64 personnes a fourni la preuve que les militaires américains ont participé à des actions contre des citoyens philippins non armés.

Les participants venaient des Philippines, d'Australie, d'Autriche, de Belgique (des représentants de Médecine pour le Tiers Monde et des Groupes Philippines Belgique), du Canada, de Taïwan, du Japon, de la Corée du Sud, des Pays-Bas et des Etats-Unis. Ils ont prouvé que l'intervention américaine n'avait rien à voir avec de prétendus exercices militaires et que la présidente Gloria Macapagal-Arroyo renonçait à la souveraineté du pays pour laisser le champ libre aux Américains et à leur programme militaire.

Le 25 juillet, peu après minuit, trois militaires américains accompagnés d'une trentaine de soldats de l'armée philippine ont effectué un raid sur la maison de Buyong-Buyong Isnijal, à Tuburan,dans l'île de Basilan. Sa femme, Juraida, a vu comment un soldat américain a tiré à bout portant dans sa jambe. Juraida et sa mère se sont enfuies de la maison...

Deux jours plus tard, Juraida a pris contact avec la mission de solidarité. Une délégation, sous la direction des députés Satur Ocampo et Liza Maza du parti progressiste Bayan Muna, a collecté des témoignages de parents et voisins. Elle a également interviewé le docteur de l'hôpital où Buyong-Buyong s'était fait soigner. Ce dernier a identifié le soldat américain qui lui a tiré dessus: un certain Reggie. Sa description concorde avec celle de Juraida.

Ces révélations ont mis le gouvernement et les hautes instances militaires philippines et américaines dans leurs petits souliers. Les Américains ont commencé par nier qu'il y ait un certain Reggie Lane aux Philippines. Puis ils ont admis que ce même Reggie Lane avait été affecté dans l'unité qui avait mené le raid. Les militaires philippins ont d'abord nié catégoriquement l'incident et ont ensuite déclaré que Buyong-Buyong avait été arrêté à l'issue d'une rencontre avec le groupe d'extrémistes musulmans Abu Sayyaf. Finalement, ils allaient reconnaître la version de la mission de solidarité.

Les membres américains de la mission ont réclamé un entretien avec le général Wurster, chef des opérations américaines aux Philippines, mais celui-ci n'a pas répondu. La présidente Arroyo et le haut commandement de l'armée philippine ont traité les membres de la mission ­ parmi lesquels un avocat américain, une religieuse et un curé ­ de communistes, de partisans d'Abu Sayyaf, de singes et de personnes peu respectueuses des droits de l'homme. Quatre participants japonais ont même été promptement menacés d'expulsion.

Conclusion de la mission internationale d'enquête

Extrait du rapport de la mission: «Des militaires américains ont été directement impliqués dans le raid et la prise pour cible d'un civil sans armes à son domicile; les violations des droits de l'Homme se succèdent sans faiblir sous le régime de Gloria Macapagal-Arroyo et sont même encouragées par les soldats américains. L'armée américaine soutient des opérations qui enfreignent les droits des Moros et autres Philippins, y compris des femmes et des enfants.»

Sources: Groupes Philippines Belgique, Statement of the international solidarity mission

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Voir aussi:

La libération nationale, ce que les USA détestent par dessus tout

Le droit d’aspirer à sa libération

Sison: «Une mesure prise par peur»

Une nouvelle étape dans la guerre américaine contre les Philippines

Philippines: Encore plus d’intervention US — Encore plus de résistance populaire

Philippines · Dan Vizmanos, le ex-capitaine de l'armée, dévoile les vraies raisons de l'intervention US

Philippines - Encore plus de militaires US

Philippines: Manoeuvres conjointes sans conjoint

Philippines - Révolte contre l'intervention US

Les Forces spéciales US maintenant aux Philippines

Autres article

spam
by Philippe Tuesday August 20, 2002 at 09:29 PM

On est obligé de trouver sur le site indymedia tous les textes du PTB?????

Ceci n'est pas du spam ...
by red kitten Tuesday August 20, 2002 at 10:14 PM
redkitten@indymedia.be

... je fais juste parfois un copier/coller avec des articles qui me paraissent intéressants pour les lecteur/trice/s d'Indymedia.be.

Celà me parait être une source d'information alternative tout à fait valable, certainement plus que Libération ou The Guardian ...

C'est d'ailleurs le principe même d'Indymedia: regrouper des infos de siources alternatives sur un même site.

ben si tu spam red kiki
by David Wednesday August 21, 2002 at 11:46 PM

Ben si tu spam Red Kiki;
Tu te sers d'Indy pour promouvoir le PTB! Ton voyage au Vietnam c'est bien le PTB qui l'a organisé? La délégation en Irak comprenant un membre d'Indy, c'est pas le PTB qui l'a organisé non plus? Et Cuba c'est pas le PTB qui organise des voyages là-bas pour la jeunesse dorée d'Indymedia?
Alors bon moi ça m'est égal mais bon assume un peu ton appartenance politique! ça commence à être franchement énervant d'être pris pour une truffe! Moi je le dis clairement! Je suis du PTB!