arch/ive/ief (2000 - 2005)

Le crime d'être Israélien et la mort d'une certaine idée de l'université
by Annette Paquot Friday August 16, 2002 at 09:31 PM

Annette Paquot Professeur titulaire à l'Université Laval et directrice du département de langues, linguistique et traduction vendredi 12 juillet 2002

Le 6 avril dernier paraît dans le journal britannique The Guardian un texte signé par plus d'une centaine de professeurs d'université appelant à un boycottage des liens avec Israël en matière de recherche et de culture. Un appel analogue à un boycottage des institutions israéliennes est publié quelques jours plus tard dans Libération.
Le 25 mai, Mona Baker, professeur à l'Institut des sciences et technologies à l'université de Manchester (UMIST), directrice de la revue The Translator - Studies In Intercultural Communication (publiée par St. Jerome Publishing, dont elle est propriétaire) et signataire de plusieurs pétitions de ce genre, écrit à Miriam Shlesinger, de l'université Bar-Ilan, lui demandant de démissionner du comité de rédaction de The Translator. Sur son refus, peu après, elle l'informe d'autorité qu'elle ne fait désormais plus partie des instances la revue : "Je ne peux supporter plus longtemps, lui écrit-elle, l'idée de coopérer avec des Israéliens en tant que tels, à moins que ce ne soit explicitement dans le contexte d'une lutte pour les droits de l'homme en Palestine."

Le 8 juin, Mme Baker signifie officiellement à Gideon Toury, titulaire de la chaire Bernstein de théorie de la traduction à l'université de Tel-Aviv, qu'il doit faire le même choix : démissionner ou être démis de ses fonctions de consulting editor de la revue Translation Studies Abstracts, qui appartient aussi à St. Jerome Publishing. Elle ajoute : "Ma décision est politique, non personnelle. En ce qui me concerne, je vous considérerai et vous traiterai toujours comme des amis, sur un plan personnel. Mais je ne souhaite plus maintenir une association officielle avec quelque Israélien que ce soit dans les circonstances actuelles."

Il faut savoir que jusqu'alors, la collaboration entre Mona Baker et ses collègues israéliens avait toujours été fructueuse, leurs relations, cordiales, et qu'ils jouissent tous les trois d'une réputation enviable.


Science et politique

Comme Miriam Shlesinger, Gideon Toury n'accepte pas de démissionner. S'ils refusent de mêler science et politique, les deux universitaires ne contestent pas à la propriétaire de ces revues scientifiques le pouvoir de les démettre de leurs fonctions.

La nouvelle de ces mises à l'écart pour cause de nationalité se répand comme une traînée de poudre dans les milieux de la traductologie (étude scientifique de la traduction) et de la linguistique, dans le monde universitaire et dans la presse générale. Le bulletin de l'European Society for Translation Studies (EST) du mois de juin publie une déclaration de son président, qui s'inquiète du traitement subi par deux membres éminents de son association et demande à Mme Baker de revenir sur sa décision. La déclaration du président est citée en partie par le quotidien Haaretz du 16 juin (en hébreu et en anglais). La nouvelle est reprise le 18 juin par une revue américaine, Chronicle of Higher Education. Ici, au Canada, The National Post consacre à cette affaire un article en première page dans son édition du 8 juillet.

Parallèlement, un intense débat s'engage par la voie du courrier électronique. Les messages de sympathie ou de condamnation se multiplient. Adressés à Mona Baker, aux deux Israéliens ou aux institutions scientifiques et universitaires, ils invoquent tantôt des arguments politiques, tantôt -- le plus souvent semble-t-il -- des arguments plus généraux, mettant en cause des principes universitaires et moraux.

Et, en effet, cette affaire n'est pas anodine et dépasse de beaucoup le monde universitaire. En fait, elle pose des questions importantes qui forcent chacun d'entre nous à réfléchir sur les notions d'université et de liberté universitaire, sur l'appartenance et sur le respect des droits fondamentaux des individus.

C'est sur la base de leur réputation scientifique et professionnelle que les deux collègues israéliens se sont fait confier les responsabilités qu'ils ont exercées pour ces revues. Comment justifier qu'elles leur soient retirées uniquement à cause de leur citoyenneté, seul motif qu'invoque, très explicitement, Mme Baker ? L'appartenance à une nation serait-elle devenue un critère de compétence ? On sait bien que non. Si Mme Baker a agi de la sorte, c'est pour des raisons politiques. Et cela, aucun universitaire sérieux ne peut l'accepter.

Comme le demande le professeur Michaël Marrus, de l'université de Toronto, qui, désormais, "va respecter l'indépendance académique de ces publications ?" Le professeur Daniel Gile, de l'Université de Lyon 2, pose lui aussi des questions embarrassantes pour Mme Baker : "Jusqu'où ira ce boycott : va-t-elle interdire la publication de comptes rendus des publications de Gideon Toury et de Miriam Shlesinger dans sa revue ? Va-t-elle interdire à ses étudiants de les citer ?" Ne nous y trompons pas : de la réponse à ces questions dépend le sort de la vie intellectuelle, et cet épisode sonne peut-être la fin de l'université libre.

Un déséquilibre dans la réprobation

Dans l'une des pétitions, il est question de boycottage des institutions et précisé que les individus ne sont pas visés. Mais cette distinction n'est pas reprise par tous et certains estiment que par leur seule appartenance à une université, les professeurs la représentent en tant qu'institution. Posons donc la question : qu'est-ce, pour un universitaire, que représenter une institution ? Suis-je le représentant de mon université quand, en tant que professeur, je donne une communication à un congrès scientifique ? Ne suis-je pas là pour présenter mes réflexions et le résultat de mon travail ? Cette objection est valable -- a fortiori -- en ce qui concerne le gouvernement : des universitaires dans l'exercice de leur travail ne représentent pas plus leur gouvernement que leur institution. Par sa nature même, leur travail doit ignorer les frontières nationales ou étatiques, car la vérité scientifique les ignore aussi : il n'y a pas de science russe ni américaine ni israélienne. Seule une idéologie totalitaire et périmée affirme le contraire. On sait où cela a mené.

L'une des pétitions invoquées dans ce débat mentionne explicitement les droits de l'homme. Il est pour le moins ironique (mais, hélas, ce n'est pas la première fois !) qu'en leur nom, ceux de personnes bien réelles soient bafoués si ouvertement !

On ne peut ignorer non plus que le boycottage vise exclusivement Israël, et il faut se demander pourquoi il ignore tant de comportements condamnables lorsqu'ils sont le fait d'autres pays, à commencer par les attentats suicide commis par les terroristes palestiniens. Par exemple, il n'y a pas de boycottage universitaire de la Russie pour ce qu'elle fait en Tchétchénie ni de la Chine pour son occupation du Tibet. Cette sévérité implacable contre le seul État juif, cette indignation sélective, ce déséquilibre dans la réprobation, tout cela devrait paraître suspect à tout esprit non prévenu et l'amener à s'interroger honnêtement sur la tendance actuelle, si forte dans certains milieux intellectuels, à la démonisation d'Israël.

Au nom des valeurs qui doivent être non seulement celles de tout intellectuel mais aussi celles de toute personne soucieuse du respect des droits fondamentaux, les universitaires devraient exprimer leur solidarité et leur soutien à leurs deux collègues israéliens, si injustement traités. En tant que citoyens d'un pays libre et démocratique, comme l'est l'État d'Israël, nous devons tous protester aussi contre toutes les manoeuvres politiques qui tendent à faire mettre ce pays au ban des nations. Elles sont la négation des principes qu'elles prétendent défendre.

Les valeurs des intellectuels
by R.B. Saturday August 17, 2002 at 08:55 AM

Au nom des valeurs des intellectuels, les intellectuels israéliens voire tous les intellectuels juifs, doivent se solidariser avec la politique écoeurante d'Israël.
Je voudrais savoir si le discours aurait été le même si des intellectuels s'étaient, en leur temps, insurgés contre la politique nazie ?
Le monde juif n'arrête pas de réclamer des repentances, de reprocher leur immobilisme ou leur collaboration active ou passive aux citoyens de 1940, mais ne voit pas ce qui se passe dans sa sphère à lui ?!
Si les intellectuels juifs sont aveugles on peut essayer de les réveiller, bien que ça soit un travail difficile.
Ce qui me choque, c'est qu'on me parle " valeurs" au moment où Israël tire sur tout ce qui bouge, enfant ou non, plus de douze ans ou moins de douze ans et même sur ss propres journalistes, continue l'occupation, la colonisation, les exactions, etc...au nom des "valeurs" sans doute ?

RB : dangereuses généralisations !
by K Saturday August 17, 2002 at 12:33 PM

RB, je suis d'accord sur le fond de ce que tu dis. Mais, une fois de plus, tes ecarts de langages sont fatals.

Tu dis : "Le monde juif ", "les intellectuels juifs"

Ce sont des généralisations dangereuses et fausses. Le "monde juif" ca n'existe pas. Pas plus que "le monde Francais", "le monde belge", "le monde arabe"...
Parmi les Juifs, il existe des courants, milieux et classes très divergents, antagonistes, voire opposés.

Et parmi ls intellectuels Juifs, il existe de nombreux opposants actifs à la politique israélienne (Warshawsky, Leibovitz, Rodinson, Avnery...).

Afin que les choses soient claires, pourrais-tu nous préciser que ta parole a dépassé ta pensée. Et revenir sur tes généralisations abusives ?

Précision
by R.B. Saturday August 17, 2002 at 01:11 PM

contrairement à ce que certains croient, il existe un monde juif. Et j'en fais partie.
Pourquoi ? Non seulement parce que je m'inscris dans l'abomination de l'Extermination - mes parents ont été exterminés l'un et l'autre par les nazis, j'ai été un enfant caché - mais parce qu'aussi j'ai hérité une certaine culture, en même temps que cette culture française qui est ma culture maternelle, et que j'admire même si je sais être critique.
Ce monde juif possède, précisément, une vocation morale : on apprend ça très jeune et les textes juifs ne manquent pas à ce propos. Ah ! les dix commandements, c'est tellement beau qu'on a a fait des films. Et c'est précisément parce qu'Israël, monde juif s'il en est, qui se prétend l'héritier moral des morts de l'Extermination - dont les miens - trahit ces valeurs juives que je me sens, personnellement, trahie.
On n'est pas antisémite quand on parle de monde juif, ou de monde musulman ; on indique seulement une histoire qui a ses particularités, même quand elle se fond dans une historie plus générale

contradictions
by K Saturday August 17, 2002 at 01:26 PM

RB,

S'il existe un "monde juif",

Si tu prétends appartenir au "monde juif", et dénoncer en même temps la politique israélienne,

Comment peux-tu dire : "Le monde juif (...) ne voit pas ce qui se passe dans sa sphère à lui."


1) Il y a une contradiction interne dans ton raisonnement

2) Tu fais porter la responsabilité de certains (peut-être majoritaires) sur toute une communauté !

3) C'est une pensée "culturaliste" tout à fait équivalente à celle du "choc des cultures" développée par Bush et Sharon.

organisations juives contre Sharon
by K Saturday August 17, 2002 at 02:49 PM

Une partie du "monde juif" oublié par RB :

Rabbis For Human Rights
http://www.rhr.israel.net/overview.shtml

Jews Against the Occupation
http://www.jewsagainsttheoccupation.org/

Yesh Gvul (Groupe israélien pour la paix dont l'objectif est de soutenir les soldats qui refusent les missions de répression ou d'agression)
http://www.yesh-gvul.org/french.htm

ce que j'en est compris
by .... Saturday August 17, 2002 at 04:23 PM

j'ai juste comprit que des hommes étaient empéché de faire leur travail a cause de leur religion et de leur nationalité..comme s'il y avait une généralisation et ça c'est raciste
pourquoi pas punir tout les belges pour se qui c'est passé au Congo...il y a tellement d'innocent
le boycott d'un pays entier est RACISTE