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Les difficultes de l'autre camp de la paix
by Amira Hass Thursday August 15, 2002 at 09:09 AM

article paru dans le Haaretz du 14 aout Dans ce cas, l"autre camp" est celui des palestiniens qui ont choisi de comdamner le terrorisme.

Samedi dernier, a Bethleem, quelque 700 manifestants palestiniens ont attendu en vain les militants du mouvement Ta'ayush (Coexistence judeo-arabe) qui devaient se joindre a eux pour une manifestation dans la ville occupee. Quand il s'est avere que Tsahal ne permettrait pas aux deux
cotes de se rencontrer, ils ont decide d'utiliser leurs telephones portables et des haut-parleurs pour demontrer qu'"il y a quelqu'un a qui parler" de chaque cote.

Il y eut des Palestiniens pour trouver difficile a croire que les autorites israeliennes empecheraient vraiment qu'une manifestation pour la paix ait lieu. L'un d'entre eux dit qu'il avait entendu quelques jeunes siffler "s'ils ne veulent pas de manifestations pour la paix, ils auront des attentats". Phrase simpliste, peut-etre, mais qui en dit long sur les conditions de travail des mouvements comme des individus palestiniens qui pensent que les attentats terroristes sont mauvais, sur le plan moral comme sur celui de l'efficacite, et que, peut-etre, le fait d'avoir militarise la revolte avait ete une erreur.

Ces gens et ces groupes se trouvent pris au piege : ils sont a l'unisson avec le sentiment populaire selon lequel la domination d'Israel sur les territoires equivaut a un attentat quotidien et permanent contre 3 millions de Palestiniens. Et ainsi, il leur est difficile de diffuser leurs analyses rationnelles et leurs critiques des attentats suicides et du soutien dont ils jouissent, et de dire que la volonte de vengeance n'est pas le meilleur des guides pour mener un soulevement.

Depuis le debut, la direction palestinienne n'a pas su presenter une strategie de lutte claire. Israel, bien sur, est convaincu que l'Autorite palestinienne a pris l'initiative de l'intifada et l'a orchestree. Dans les
territoires, en revanche, on sait que l'Autorite palestinienne a plutot ete a la traine des evenements. Mais le style d'Arafat dans ses prises de decision solitaires, les efforts de hauts fonctionnaires pour survivre
politiquement, et la crainte que le soulevement se retourne contre l'Autorite palestinienne elle-meme, ont cree un vide dans la politique palestinienne. Ce vide a ete occupe par des initiatives militaires.

Du point de vue palestinien, les attentats en Israel sont une preuve de l'incapacite des mouvements palestiniens a organiser une campagne de guerilla classique dans les territoires, comme l'a fait le Hezbollah au Liban. Nombreux sont ceux qui pensent qu'il faut bien plus d'efforts pour
trouver un point faible dans le deploiement militaire israelien dans les territoires que de s'infiltrer au-dela de la Ligne Verte. De plus, aux yeux des Palestiniens, le choix de l'escalade meurtriere et le soutien populaire
en faveur de cette escalade decoulent de l'echec de la direction, non seulement a obtenir l'independance par la negociation, mais encore a utiliser des moyens politiques et diplomatiques pour stopper l'escalade militaire meurtriere d'Israel.

Depuis la naissance de l'OLP, le mouvement national palestinien a toujours sanctifie le principe de la lutte armee, au point que celle-ci est pratiquement devenue un but en soi. A partir de la, il n'y a qu'un pas pour
sanctifier qui que ce soit porteur d'une arme, meme si cette "arme" est un etre humain.

La reconnaissance de sa propre faiblesse militaire et politique a pave le chemin de l'escalade et d'un phenomene de masse qui devrait inquieter tout Palestinien : le fait, pour les jeunes gens, d'etre prets a utiliser leur propre suicide comme une arme. Du point de vue du kamikaze isole, il n'y a pas de grandes differences entre les mouvements islamiques et le Fatah ou les autres mouvements laics; le nombre de jeunes prets a mourir depasse de loin le nombre d'attentats planifiables.

Les mouvements islamiques ont un interet evident a lier le phenomene aux commandements de l'Islam. Peut-etre y a-t-il eu effectivement une augmentation de ceux qui croient au paradis eternel. Mais les observateurs palestiniens laics sont persuades qu'a la base se trouve le fait d'etre pret a mourir, et que ce n'est qu'ensuite que la foi religieuse intervient.

Les Palestiniens, les laics comme les religieux, sont convaincus que ceux qui sont prets a faire le sacrifice d'eux-memes agissent dans un contexte politico-militaire, ou Israel exerce une superiorite ecrasante et un controle absolu sur la vie des Palestiniens. Ceux qui choisissent de mourir (et de tuer) ne sont pas particulierement frustres dans leur vie personnelle. Mais ils se considerent - et sont percus - comme personnifiant la frustration et la colere generales en reaction a une vie indigne d'etre
qualifiee comme telle, que les Palestiniens pensent etre le resultat d'une politique israelienne deliberee : vie en cage, pauvrete et maladies, meutres quotidiens, interdictions de mouvement et humiliations. "Si nous mourons, au moins choisissons le moment et la maniere de notre vengeance". Voila l'etat d'esprit de l'opinion palestinienne.

Entre-temps, plus Israel intensifie ses operations militaires, et plus grandit le soutien d'une population palestinienne affaiblie pour les attentats (et pour les attentats suicides en particulier). La rhetorique a propos de leur brutalite ne les convainc pas. Ils proclament avoir le droit, en tant qu'individus, de repondre par la brutalite a la brutalite d'Etat d'Israel.

Au sein du Fatah, le processus de decision concernant les attentats a la bombe est local, pour ne pas dire individuel, et se situe dans le contexte d'une competition avec le Hamas pour gagner le soutien du peuple. Pour le
Hamas, il s'agit d'une stategie deliberee et centralisee, en rapport avec la lutte interne pour le controle du futur regime. Aussi longtemps que le Hamas sentira que le peuple soutient les attentats, il ne renoncera pas a cette
strategie.

Sous la surface, il existe de nombreux efforts pour ouvrir un debat public destine a reduire le soutien palestinien aux attentats a l'interieur d'Israel, sans attendre un changement de la politique israelienne. La manifestation commune prevue avec Ta'ayush en etait un exemple. Cet effort a echoue, du fait des autorites israeliennes.