Interview de Léa Mathy, de retour d'un voyage en Palestine by Michel Barile Thursday August 08, 2002 at 01:03 PM |
Médecine pour le Tiers Monde a effectué un voyage en Palestine du 15 au 31 juillet dernier. Léa Mathy a fait partie du voyage. Solidaire l'a interviewé pour prendre le pouls de la rue palestinienne sur des questions d'actualités. Le rapport de l'ONU sur les massacres de Jénine a été publié après son retour.
Les Israéliens et les Américains cherchent à remplacer le président Arafat, qu'en pense la rue palestinienne?
Lea Mathy : "Tous les Palestiniens nous disent que le vrai problème est l'occupation. Qu'ils savent se débrouiller entre eux pour régler les problèmes internes. Les réformes, les Palestiniens les ont toujours demandées comme la séparation claire entre le législatif et l'exécutif ou encore la signature de la constitution par Arafat. Ils ont demandé ces réformes depuis le début. Aujourd'hui, ce sont les Américains qui les demandent. Quoi qu'il en soit, ces réformes, visant la démocratisation des institutions palestiniennes doivent être menées à l'avenir par quelqu'un qui soit élu. Et pour que de nouvelles élections aient lieu, il faut que les occupants quittent les territoires. Les Palestiniens que nous avons rencontré -et ils furent nombreux- nous ont dit que les Américains ne trouveront personne pour remplacer Arafat. Il n'existe aucune personnalité palestinienne capable de le faire. Ceux du Fatah (parti d'Arafat) disent même qu'il n'y a pas meilleur qu'Arafat pour connaître et comprendre les Israéliens. Qu'il est donc nécessaire qu'il reste en place pour reprendre les négociations qui seront un jour ou l'autre de nouveau d'actualité et un passage obligé. Pour certains comme le FPLP et le Hamas, elles ne pourront avoir lieu qu'après l'évacuation des territoires occupés par l'armée israélienne. Pour le Fatah, elles pourraient éventuellement se dérouler simultanément.
Des organisations palestiniennes viennent d'être mise sur la liste des organisations terroristes par l'Union Européenne, qu'en disent les Palestiniens?
Ils ne nous en ont pas parlé. Ce dont ils discutent beaucoup, c'est au sujet des kamikazes. Ils revendiquent le droit de résister à l'occupation. Celle-ci a, par ailleurs, un point faible. Elle est basée sur la notion prônée par Sharon de "sécurité totale". L'objectif est donc de démontrer que la sécurité totale n'existe pas sans que les Palestiniens ne recouvrent leurs droits.
Toutes les organisations sont unies contre l'occupation. Dans la tactique, il existe des divergences. Toutefois, une chose est sûre en ce qui concerne le terrorisme : c'est celui de l'occupant qui est à la racine des actes des kamikazes. Ils considèrent que les objectifs doivent être toujours militaires sans oublier que les colons, depuis toujours, sont des occupants armés jusqu'aux dents.
Bush est impatient d'attaquer l'Irak, qu'elle est leur point de vue?
Pour les Palestiniens, l'occupation israélienne est partie intégrante du projet de domination américaine dans l'ensemble de la région. Casser la résistance palestinienne, c'est asseoir l'hégémonie américaine par Israël interposé. Ils ont pleinement conscience que leur résistance a une influence sur les populations des pays avoisinants, l'Egypte notamment. La résistance palestinienne renforce la résistance des opposants à ces régimes arabes corrompus et favorables aux Etats-Unis. La rue arabe intensifie les pressions contre et l'agression israélienne et la guerre contre l'Irak. Ces pays arabes dictatoriaux sont donc obligés de demander à Bush de ralentir ses préparatifs de guerre contre l'Irak et de chercher une issue pour la fin de l'occupation israélienne.