arch/ive/ief (2000 - 2005)

Mauvaises nouvelles des journalistes
by R.B. Saturday July 20, 2002 at 03:08 PM

L'art d'accommoder l'information...


« Calme relatif » au Proche-Orient
par James J. David

«Relative Calm» in the Middle East http://www.mediamonitors.net/jamesjdavid15.html

James J. David est un Brigadier Général retraité, diplômé de l'U.S. Army's Command and General Staff College, et du National Security Course, National Defense University, Washington DC. En 1969 et 1970, au Vietnam, il a servi en tant que commandant de compagnie au sein de la 101ème Division Aéroportée, et de 1967 à 1969 il a accompli diverses missions au Proche-Orient et dans les environs.

18 juillet 2002

L'embuscade d'aujourd'hui en Cisjordanie, qui a frappé un autobus israélien, tuant sept colons juifs, a mis fin officiellement à une période de trois semaines que les médias américains ont qualifiée de «calme relatif» au Proche-Orient. En d'autres termes, le citoyen américain moyen, qui ne suit pas aussi attentivement l'actualité du Proche-Orient que je ne le fais moi-même, peut naturellement en déduire qu'aucun meurtre n'a été commis au cours de ces trois semaines. Cette déduction serait correcte si les mots «calme relatif» étaient appliqués à n'importe quel autre conflit. Ce qui distingue le conflit du Proche-Orient est qu'il ne s'agit justement pas d'un conflit comme les autres. Il ne s'agit pas simplement d'un conflit entre Israéliens et Palestiniens, mais d'un conflit entre Israël et les médias. Quelles qu'en soient les raisons, il ne fait aucun doute que les journalistes estiment en général que des mots critiques à l'égard d'Israël peuvent compromettre leurs carrières. Et il n'y a pas que les journalistes pour ressentir cette menace, les réseaux d'informations eux aussi ont reçu le message.

Il fut un temps où nous pouvions au moins compter sur CNN pour obtenir un compte-rendu équilibré des événements du Proche-Orient mais, comme vous l'aurez noté dernièrement, CNN paraît ne plus se faire l'écho que des informations favorables à l'image publique des Israéliens. Tout cela a commencé il y a environ trois semaines, lorsque les Israéliens ont menacé CNN de les lâcher, à moins qu'ils ne renversent immédiatement la vapeur, en titrant sur les victimes israéliennes des attaques terroristes, et en cessant d'interviewer des victimes palestiniennes. CNN a immédiatement envoyé en Israël son vice-président pour résoudre le problème, pendant que le correspondant Wolf Blitzer passait une semaine à Jérusalem, ne diffusant des nouvelles que sur les victimes israéliennes. Depuis lors, CNN s'est donné beaucoup de mal pour s'assurer que seules des infos à propos des victimes israéliennes passaient sur les ondes.

Jusqu'à ce jour, et pendant ces trois dernières semaines de «calme relatif», pas un seul Israélien n'a été tué ou blessé, et pas un seul attentat-suicide n'a été commis. Par contre, 43 Palestiniens ont été tués, en majorité des civils non armés, parmi lesquels 9 enfants et deux jeunes mères palestiniennes. Il y a à peine trois jours, des tirs de mitrailleuse israéliens tuaient une mère innocente et son fils âgé de 2 ans, un garçon de 13 ans, et un photographe palestinien free-lance. Outre ces meurtres non précédés de provocation, des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants ont été blessés et estropiés par les forces d'occupation israéliennes, et des dizaines de maisons ont été démolies, en plus de la destruction complète des bureaux de l'Autorité Palestinienne à Hébron. De surcroît, plus de 3 millions de Palestiniens sont confinés dans leurs maisons et soumis à des couvre-feux prolongés depuis plus de trois semaines.

Avons-nous entendu la moindre critique ou condamnation émise par le Président Bush, ou le Secrétaire d'État Colin Powell? Avons-nous vu la Conseillère pour la Sécurité Nationale Condoleezza Rice monter à la tribune devant la Maison Blanche pour s'entretenir avec les journalistes de la violence israélienne? Avons-nous vu le député Tom Lantos présenter un document écrit demandant le refus de toute nouvelle aide économique à Israël tant que les violences n'auront pas pris fin? Bien sûr que non. Tout cela ne survient que lorsque la violence est une violence palestinienne. Et ne soyez pas étonnés si vous voyez aujourd'hui ces initiatives entreprises non à l'encontre d'Israël, mais à l'encontre de Yasser Arafat et des Palestiniens, suite à l'embuscade qui a fait sept victimes israéliennes.

Je voudrais aussi vous conseiller d'être préparé au matraquage dont va faire l'objet la couverture médiatique de la violence aujourd'hui au Proche-Orient. La période de trois semaines de «calme relatif» est révolue, et nos quotidiens régionaux et nationaux vont faire leurs gros titres sur l'attaque du bus au cours de laquelle sept innocents colons israéliens ont été piégés et tués. Aucune mention ne sera faite des troupes israéliennes tuant la mère palestinienne et son fils de deux ans, pas plus qu'il ne sera fait mention du garçon palestinien de 13 ans tombé sous les balles des mitrailleuses israéliennes. Et vous ne trouverez aucune mention non plus du journaliste de 35 ans, Imad Abu Zahra, qui a été tué par les balles des troupes israéliennes - si seulement on pouvait lui consacrer une fraction de la couverture dont a bénéficié Danny Pearl, journaliste du Wall Street Journal... [David Pearl a été kidnappé le 23 janvier 2002 à Karachi au Pakistan; son décès a été confirmé le 21 février par le Wall Street Journal. N.D.T.]

Depuis décembre 1999, le nombre d'innocentes maisons palestiniennes démolies a quasi doublé, passant à 4.700, faisant de plus de 30.000 hommes, femmes et, surtout, enfants, des sans abris pratiquement dénués de vêtements et de nourriture.

Le fait que les médias actuels ignorent systématiquement et délibérément ces dizaines de Palestiniens assassinés brutalement par Israël démontre, dans les termes les plus clairs, que seules les vies israéliennes ont de la valeur, et que seuls les intérêts et la sécurité d'Israël sont sérieusement pris en compte. Rarement, depuis la deuxième Guerre mondiale, un peuple aura été autant calomnié que les Palestiniens, et rarement un peuple aura été autant excusé et réconforté que les Israéliens.

James J. David
Traduit par Giorgio Basile.
(Solidarité-Palestine)