« Transformer les armes nucléaires en combustible

« Transformer les armes nucléaires en combustible » : c'est ainsi que le porte-parole du ministre Louis Michel a présenté le plan américain visant à transformer le plutonium provenant du démantèlement des armes nucléaires des USA en MOX. La formule est alléchante car elle se réfère au mot d'ordre des pacifistes : « transformer les armes en charrues ». Qui aurait à y redire?

De quoi s'agit-il exactement? Les Etats-Unis et la Russie ont convenu de démanteler partiellement leurs arsenaux nucléaires. Non pas que Washington subisse soudainement des accès de pacifisme - il suffit de se référer au budget de la défense que Bush augmente de 289 milliards en 2000 à 470 milliards en 2007. En réalité, les anciens missiles nucléaires de longue distance ne conviennent plus pour les attaques rapides, multiples et préventives que les Etats-Unis prévoient actuellement contre les « terroristes » potentiels et contre les « Etats voyous ». Les Etats-Unis et l'Otan ont décidé de restructurer et d'accélérer la modernisation de leur industrie d'armement et de leur armement. Un obstacle à cette modernisation est la concentration de compétences et de capitaux sur un armement nucléaire lourd et vieux qui avait été mis sur pied pour menacer la superpuissance soviétique. Il convient aujourd'hui d'avoir des armes nucléaires plus petites, plus flexibles, avec un potentiel de destruction plus grand sur une cible précise, prenant en compte les derniers développements technologiques. Ceci permettrait aux Etats-Unis de garder leur supériorité écrasante sur les autres puissances nucléaires et de mener leurs guerres de terreur contre les pays sans armes nucléaires.

Le plutonium radioactif libéré lors du démantèlement de ces armes nucléaires peut soit être rendu inoffensif en le vitrifiant comme on le fait pour les déchets nucléaires, soit être retraité en MOX, c'est-à-dire des tablettes contenant un mélange de plutonium et d'uranium sous forme de poudre. Ce retraitement peut être réalisé à Chooz en France ou chez Belgonucléaire à Dessel en Belgique. Les deux usines sont la propriété des sociétés Tractebel et Electrabel, appartenant au groupe Suez.
Une bonne partie de l'uranium qui a fait la richesse de l'industrie nucléaire provenait du Congo. Grâce aux bons offices de l'Union Minière (devenue Umicore qui répond, soi-disant, à des normes « éthiques »), les Etats-Unis ont pu obtenir l'uranium congolais avec lequel ils ont développé la bombe atomique qui a détruit Nagasaki.

Le Premier ministre Verhofstadt et le ministre des Affaires étrangères Michel sont favorables au deal avec les Américains pour faire retraiter le plutonium dans l'usine de Dessel. Selon les verts, ce plan est contraire à la décision de principe d'abandonner le nucléaire. Verhofstadt affirme, quant à lui, que ce plan « permettrait d'accélérer de quatre ans le processus de démantèlement des armes nucléaires ». (1) Mais les pacifistes contestent que le MOX rendrait le plutonium inoffensif. Selon eux, il ne serait pas difficile d'utiliser du MOX comme matière fissible pour des armes nucléaires. (2) Par ailleurs, si nos excellences belges sont tellement opposées à l'armement nucléaire, pourquoi autorisent-elles les Américains à stocker illégalement leurs armes nucléaires à Kleine Brogel?

Un point important n'a pas été évoqué par les verts et les pacifistes, à savoir le fait que la demande de retraitement du plutonium d'armes nucléaires émane directement de l'armée américaine. Dans le deal, l'armée américaine – qui est aujourd'hui en train d'assassiner la population en Afghanistan, et qui demain attaquera l'Irak – est donneur d'ordre, client et propriétaire de la matière fissible. Si la Belgique répond positivement à la demande américaine, elle deviendra en fait sous-traitant du Pentagone et complice de tout usage ultérieur d'armes nucléaires par les Etats-Unis. Il ne s'agit nullement d'une éventualité imaginaire : les Etats-Unis ont revu récemment leur stratégie de guerre et ils n'excluent nullement l'usage d'armes nucléaires contre les « Etats voyous », ni même contre la Chine.

arch/ive/ief (2000 - 2005)