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Brésil - 3000 familles menacées d'expulsion
by jorge Saturday July 13, 2002 at 01:48 AM
eljorge@free.fr paris - france

Le 19 mai 2001, le Mouvement des Travailleurs Sans Toit (MTST) et près de 400 familles occupaient un terrain dans la banlieue de Guarulhos, près de l'aéroport de São Paulo, créant le campement "Anita Garibaldi", la plus grosse occupation urbaine d'Amérique Latine. Aujourd'hui, près de 3000 familles sont menacées d'expulsion.

Brésil - 3000 familles menacées d'expulsion
Campement "Anita Garibaldi": Histoire de la plus grosse occupation urbaine d'Amérique Latine

Le 19 mai 2001, le Mouvement des Travailleurs Sans Toit (MTST) et près de 400 familles occupaient un terrain dans la banlieue de Guarulhos, près de l'aéroport de São Paulo, créant le campement "Anita Garibaldi", la plus grosse occupation urbaine d'Amérique Latine.
Aujourd'hui, près de 3000 familles sont menacées d'expulsion.

Il y a 50 ans, ce terrain de 1.139.000 m² était occupé par une plantation de canne à sucre, jusqu'à ce qu'il soit acheté par l'actuel propriétaire, Cláudio Malva Valente, responsable du registre immobilier de Guarulhos... Depuis, il servait de décharge de voitures, de dépôt de cadavres et était devenu un endroit apprécié des violeurs et autres dealers.

Et l'année dernière...

L'occupation avait été préparée pendant 4 mois. Le quatrième jour, le propriétaire fait une "demande de réintégration" en justice. Le 28 mai, les sans-toit manifestent pendant 25km, du campement au centre de Guarulhos. Ils obtiennent le report de la réintégration et, enfin, un entretien avec le maire de la ville où des possibilités de désapropriation du terrain par l'état sont évoquées. Ensuite ils font un recours en justice, aidés par des avocats, invoquant les Droits de l'Homme et ceux de l'Enfant, en particulier le droit au logement.
Les premiers jours de l'occupation, après la première incursion de la police suite à la demande de réintégration du propriétaire, la moitié des occupants, effrayés, partent. Après 10 jours d'occupation il y a quand même 12000 occupants enregistrés, le problème du logement affectant des milliers de familles.
Après 3 semaines, le campement Anita Garibaldi est une des plus importantes occupations du pays: 9000 familles enregistrées et 1500 en attente. Le processus d'adhésion donne la priorité aux familles qui ont été expulsées de leur logement et qui n'ont aucun endroit où habiter.
Après un mois d'occupation, de nouveaux problèmes apparaissent. L'un deux étant l'état des baraques en plastique, qui n'aide pas à résoudre les problèmes respiratoires, principalement chez les enfants, liés à la poussière du campement. Les médias en rajoutent, publiant des reportages tendancieux, insinuant par exemple que le campement fonctionne comme centre de prostitution. Le campement apparaît ainsi comme la cause de tous les maux de la ville. La population locale se positionne contre l'occupation, malgré l'organisation d'une journée festive publique le 17 juin 2001 et la venue de soutiens de tout le pays: individus, syndicats, députés, etc.
Le campement souffre, en plus de l'incessante pression policière, de manque de ressources. Malgré cela beaucoup de familles résistent et restent. Tout est basé sur la lutte et la solidarité vu le manque de nourriture, de couvertures (il fait froid en hiver) et d'eau (apportée par des camions, il faut aller la chercher avec des saux et des bouteilles).
Le campement est divisé en 6 "brigades" (Zumbi dos Palmares, Terra e Liberdade, Antônio Conselheiro, Paulo Freire, Chico Mendes e Nossa Terra) de 50 groupes, chacun étant composé de 30 familles. Chaque groupe a un coordinateur et 4 responsables de secteur (santé, infrastructures, sécurité et secrétariat). Des débats sont réalisés pour discuter des projets futurs, en particulier le Projet Hidroponia, projet d'agriculture urbaine, qui prévoit la construction d'une communauté oú tous les besoins de base seraient pourvus par elle-même: habitat, travail, alimentation, éducation et santé. Il y a régulièrement des assemblées générales de brigade et, périodiquement, il y a une assemblée de tous les occupants, oú sont discutées les décisions importantes à prendre.
Chacune des 6 brigades possède une salle pour les réunions, débats, activités culturelles, pratique de sports, etc. Il y a des projets de travail avec les femmes du campement liés à la prévention des maladies, aux méthodes contraceptives, etc.
Chaque groupe possède une cuisine collective et des toilettes, mais il existe aussi une cuisine générale et une pharmacie communautaire oú sont déposées et distribuées les donations en médicaments, insuffisantes. La plupart des enfants du campement fréquentent les écoles publiques du quartier.

Aujourd'hui

Le 28 juin dernier la justice a ordonné la réintégration du terrain par son "propriétaire".
L'occupation a 14 mois d'existence, et y résident actuellement plus de 3000 familles.
Ce que ces familles ont réussi à faire avec un terrain laissé à l'abandon et au trafic de drogues a de quoi faire peur aux maires de la région: le campement est divisé en rues, un petit commerce existe à l'entrée pour vendre les productions des habitants, une école voisine a été ouverte plus tôt que prévu grâce à la pression et à l'aide des occupants, au centre du campement existe un grand bâtiment qui sert de salle de jeux pour les enfants, de salle de réunions, des cours d'alphabétisation pour adultes sont donnés, etc.
Tout ça en 14 mois.
La decision de justice prononçant la réintégration a été prise le 28 juin, mais le campement ne l'a su que le 5 juillet...
Depuis la réaction s'organise. Une assemblée s'est déroulée la semaine dernière, oú il a été décidé qu'une lettre-contrat va être proposée par les avocats du MTST à ceux du propriétaire et à la mairie, engageant les signataires à respecter un délai de 3 mois avant toute expulsion, ce qui laisserait un peu plus de temps pour trouver des alternatives et une possible solution de légalisation de l'occupation.
En attendant, le risque d'expulsion existe.

Jorge

(Traduction et synthèse de divers articles de Indymedia Brésil)