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Nous aidons tous les illégaux
by ccle@lists.collectifs.net Thursday June 27, 2002 at 07:04 PM

Le jeudi 6 juin 2002, Myriam et Jaffar ont été incarcérés au complexe pénitentiaire de Bruges. Myriam et Jaffar sont travailleurs sociaux.


     

Nous aidons tous les illégaux

Le jeudi 6 juin 2002, Myriam et Jaffar ont été incarcérés au complexe pénitentiaire de Bruges. Myriam et Jaffar sont travailleurs sociaux.

Myriam est également vice-présidente du CIRE et membre du bureau du mouvement national pour la régularisation des sans papiers. Myriam est engagée depuis plus de 15 ans dans l'aide aux réfugiés, aux sans-papiers et aux étrangers en général. Elle est connue et appréciée par tous les acteurs, ONG, institutions et autorités concernés par cette problématique.

Sa fine connaissance du public et des procédures, son dévouement, son engagement, sa pertinence dans les actions menées ont toujours été d'un apport essentiel pour nous tous. Myriam, comme nous tous, a toujours privilégié l'aide aux personnes et aux plus désespérées parmi celles-ci.

Comme nous, elle a dépanné et apporté une aide humaine et humanitaire aux familles, même en situation irrégulière. Aujourd'hui, Myriam et Jaffar sont accusés de « TRAFIC D'ETRES HUMAINS ».

Nous sommes profondément heurtés et scandalisés par cette accusation et cette arrestation.

L'accusation de trafic d'êtres humains concerne des mafieux qui organisent filières, travail au noir ou prostitution pour s'enrichir eux-mêmes sur le dos des malheureux qui cherchent ailleurs un avenir meilleur. Jeter ce soupçon sur les ONG et sur celle, Myriam, qui symbolise sans doute le mieux ce qu'est l'engagement social, la jeter en prison sans tenir compte des conséquences sur sa vie et sa profession, est un crime.

Où va-t-on si l'aide juridique, sociale et humanitaire devient un délit ?

Nous avons constitué un comité de soutien, tant pour aider Myriam et Jaffar que pour réclamer leur libération immédiate. Parce qu'en s'attaquant à Myriam et Jaffar, c'est à nous tous que la justice s'attaque. Parce que, comme Myriam et Jaffar, nous aidons tous les illégaux.

Lettre ouverte de Jaffar Nasser Gharaee et Myriam Vastmans et, travailleurs sociaux en prison pour aide aux sans-papiers.


Le 6 juin nous avons été arrêtés par la police fédérale de Courtrai suite à une plainte de personnes d'origine iranienne habitant la région de Roulers qui nous ont accusés ! La justice n'ayant pu localiser une troisième personne, un ancien collègue, qu'elle considère comme le suspect n° 1, s'acharne contre nous.

Les accusations à notre égard sont fausses et ne reposent sur rien.

Le dossier du Juge d'Instruction ne repose que sur des rumeurs et des amalgames dangereux :

Nous travaillons depuis de nombreuses années dans le travail de solidarité avec les réfugiés. Comme toute personne active dans ce secteur, nous avons rencontré de nombreux réfugiés qui avaient dû faire appel à des réseaux de passeurs pour pouvoir quitter leur pays, les possibilités de quitter légalement leur pays et d'avoir accès aux pays d'accueils étant de plus en plus réduites notamment à cause des politiques de fermeture des frontières menées par les pays industrialisés. Nous avons dénoncé les agissements des passeurs mais également la politique anti-réfugiés qui permet précisément aux réseaux de vivre.

Nous refusons tout amalgame entre les activités de ceux qui exploitent les réfugiés et nos activités de solidarité. Tout assistant social actif dans ce secteur, tout avocat, médecin etc. verrait son travail rendu impossible si la justice ne fait plus la distinction entre le trafic des êtres humains et le travail de solidarité indispensable avec les réfugiés.

L'instruction judiciaire menée contre nous ne fait pas la part des choses. L'amalgame est omniprésent. En tant que travailleurs sociaux d'une ONG oeuvrant pour les réfugiés, les demandeurs d'asile et les sans papiers, il nous a été reproché d'avoir aidé des personnes qui n'étaient pas en règle de séjour en Belgique. L'aide que nous leur avons apportée a toujours été humanitaire et n'a jamais fait l'objet de versements d'argent ou d'un quelconque bénéfice. Les enquêteurs chargés de l'affaire considèrent que nous n'avions pas à aider ces personnes même pour des raisons sociales, pire encore nous aurions dû les dénoncer auprès de l'Office des étrangers.

Cette position est inadmissible, contraire au code de déontologie des assistants sociaux. Ce refus de notre part de faire un travail de policier est alors mis en relation avec le fait que ces personnes auraient été victimes de trafic d'êtres humains avant de venir en Belgique et devient une "indication" de notre participation à une activité criminelle. Ce genre de raisonnement représente un réel danger pour de nombreuses dérives.

Nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que certains tentent de se cacher derrière un travail de solidarité pour exploiter en réalité les réfugiés.

Nous savons que parmi les nombreux réfugiés que nous avons aidés, certains sont effectivement victimes de traite d'êtres humains. Mais nous constatons :

Qu'aucun des plaignants qui appartiennent évidemment à la dernière catégorie, n'affirme que nous lui avons demandé de l'argent ou d'autres avantages en échange de conseils ou de services quelconques ;

Que les plaignants ne font état à notre égard que de rumeurs, de on-dits, de soi disantes "informations" obtenues auprès de tiers, du fait qu'ils nous ont rencontrés ensemble avec l'ancien collègue ce qui est logique puisqu'il s'agissait d'un collègue à l'époque.

Nous ne formulons pas de reproches à l'adresse des plaignants. Il s'agit de réfugiés définitivement déboutés. Tous déclarent dans leur déposition qu'ils souhaitent bénéficier du statut spécial de "victime de la traite des êtres humains" qui constitue la seule possibilité pour eux de bénéficier d'un droit de séjour légal. Nous comprenons que dans ce genre de situations des personnes sont tentées soit de faire une déclaration qui ne correspond pas du tout à la réalité, soit d'exagérer leur déclaration afin de donner l'impression aux autorités d'être sérieuses.

Par contre, nous comprenons très difficilement que la justice ne tienne pas compte d'un possible effet pervers de ce statut de victime quant elle constate qu'aucun des plaignants, tout en nous impliquant dans leurs déclarations, n'est capable de donner le moindre élément concret nous concernant.

Aujourd'hui, à partir de nos prisons respectives, nous dénonçons :

1. La légèreté avec laquelle notre dossier est traité, ainsi que l'absence de raisons valables pour prolonger notre détention. Il n'y a aucun élément concret qui permet de nous suspecter de trafic d'êtres humains. Le dossier est constitué de plaintes provenant de personnes dont certaines ne seraient plus en Belgique et de personnes qui se basent sur des rumeurs, des "on-dits "

2. La très forte pression de la part de certains membres de la police fédérale et de la justice afin de nous accuser mutuellement. Nous nous considérons aujourd'hui comme des otages entre les mains de la justice étant donné qu'on nous a promis une libération dès l'arrestation de notre ancien collègue.

3. Les dérives possibles d'une criminalisation rampante du travail de solidarité.

4. Le climat politique belge dans lequel se déroule l'enquête. En effet certains représentants de la justice ont ouvertement critiqué la politique en matière d'asile du ministre SP Vande Lanotte, permettant dans certains cas à des demandeurs d'asile d'encore bénéficier d'une aide sociale. De telles réflexions n'ont pas leur place dans une enquête judiciaire neutre et objective.

Nous considérons notre détention comme injuste et demandons une libération immédiate. Nous tenons à remercier pour leur soutien nos familles, nos amis, nos collègues et tous ceux et celles qui nous connaissent et qui défendent les valeurs que nous défendons. Merci.

Jafar Nasser Gharaee Elverdingestraat 72 8900 Ieper

Myriam Vastmans Lege Weg 200 8200 St. Andries Brugge