arch/ive/ief (2000 - 2005)

Arrêt des privatisations au Pérou
by SERPAL (trad: Manu) Saturday June 22, 2002 at 08:32 PM

Les habitants d'Arequipa et du Sud péruvien fêtent dans les rues ce qu'ils considèrent comme une victoire de leur mobilisation contre la privatisation des entreprises électriques.

La mobilisation du peuple péruvien parvient à arrêter la privatisation des entreprises d'électricité

A moins d'une semaine de l'annonce de la privatisation (c'était vendredi dernier), le peuple d'Arequipa a obtenu que le gouvernement du président Alejandro Toledo suspende la vente et accepte d'attendre une résolution judiciaire sur la question. Les derniers jours, de nombreux maires de localités du Sud s'étaient joints à la protestation et les incidents s'étaient étendus à Tacna, Puno et d'autres régions… La première décision du zigzaguant Toledo fut de réprimer. Un étudiant en est mort, atteint d'une grenade lacrymogène tirée par la police. Il y a eu plus de cent blessés. Devant ce panorama, le gouvernement a choisi d'ordonner la militarisation d'Arequipa, déclaré l'état d'urgence et nommé un général pour qu'il prenne la situation en mains. Mais les habitants d'Arequipa ont défié le couvre-feu et ont annoncé leur décision de radicaliser et étendre la protestation. Le maire d'Arequipa, Juan Manuel Guillén, s'est posé en leader du mouvement de protestation, et dès le début s'est mis à la tête de l'appel populaire. Cependant, il a accepté de recevoir une délégation du gouvernement, sous conditions. Finalement, on est arrivé à un accord défini comme la Déclaration d'Arequipa, reçue comme un triomphe par la population. Plus de 20.000 personnes ont envahi la Plaza de Armas de la ville pour fêter la non-application de la privatisation. A quelques jours près, s'est répété le processus que le peuple paraguayan avait vécu: par d'importantes mobilisations et marches paysannes et de mouvements sociaux, il a obtenu que le président González Macchi suspende les privatisations des entreprises d'énergie.

Pour sa part, le ministre péruvien de l'Intérieur, Fernando Rospigliosi, a démissionné de manière irrévocable, en désaccord avec la déclaration signée par le président. Il s'est éloigné sans présenter les excuses qu'exigeait le peuple d'Arequipa, qui le considère comme responsable de la répression et des victimes provoquées par la police durant les manifestations populaires. Le débat entre les représentants gouvernementaux et ceux de la société civile d'Arequipa s'est prolongé plus de 15 heures, jusqu'à ce que finalement les journalistes soient convoqués pour entendre l'annonce de l'accord. L'entreprise belge Tractebel, qui avait acheté Egasa et Egesur, paraît vouloir respecter la décision du gouvernement d'attendre la sentence du pouvoir judiciaire.

Les détonateurs de la protestation

Trois éléments ont contribué à allumer la révolte populaire: un, que durant sa campagne électorale, il y a un peu plus d'un an, Toledo a signé une déclaration selon laquelle il s'engageait à ne pas privatiser ces entreprises. Deux, que l'entreprise étrangère aurait payé des pots-de-vin pendant l'ère Fuijmori-Montesinos. Trois, que le prix de vente que devait payer Tractebel est considéré comme très inférieur à la valeur réelle des entreprises.
La Déclaration d'Arequipa compte cinq points. Le premier est une expression de dédommagement des représentants de Toledo pour les délarations offensantes contre le peuple d'Arequipa formulées par des fonctionnaires du gouvernement. Cette allusion directe au ministre de l'Intérieur fut une des causes déterminantes de la démission immédiate de ce ministre. Dans son cinquième point, le plus conflictuel au moment de l'accord, la Déclaration d'Arequipa reprend une "déclaration unilatérale" qui faisait preuve de la position de l'assemblée de maires et du Frente Amplio Cívico de Arequipa en faveur de la nullité de la privatisation de Egasa et Egersur. En réalité, la divergence subsiste, mais les deux parties se sont mises d'accord pour attendre la sentence judiciaire.
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Suite
by SERPAL (trad: Manu) Saturday June 22, 2002 at 10:24 PM

Le texte de "La Déclaration d'Arequipa"

… Les soussignés, réunis dans la ville d'Arequipa les 18 et 19 juin 2002, sont arrivés aux accords et expressions de positions suivants:

PREMIEREMENT: Les représentants du gouvernement expriment leurs regrets pour les termes ou phrases proférées par des fonctionnaires du gouvernement et les titulaires de la Justice et de l'Intérieur à travers les moyens de communication, que le peuple d'Arequipa ou ses dirigeants ont considéré comme offensants. Les représentants du gouvernement et du peuple d'Arequipa déplorent et condamnent conjointement le dommage causé aux personnes et à la propriété publique et privée dans la ville d'Arequipa.

DEUXIEMEMENT: En ce qui concerne le processus de privatisation de Egasa et Egesur, tenant compte qu'une action de protection se trouve devant le pouvoir judiciaire, les parties conviennent d'établir que la résolution résultant de cette action de garantie sera respectée, ainsi que sera pleinement respectée l'autonomie du pouvoir judiciaire et des organismes de juridiction, se soumettant à ses résolutions sans aucune interférence.
La représentation du gouvernement, avec l'accord - comme mesure immédiate - des représentants de l'assemblée des maires et du front civique d'Arequipa, exprime formellement sa décision de suspendre tous les actes du processus de privatisation de Egasa et Egesur, y compris ceux qui conduisent à la signature du contrat, en attendant la sentence définitive du pouvoir judiciaire et des organismes juridictionnels. Les représentants du gouvernement reconnaissent que le sentiment et l'opinion de la communauté d'Arequipa sont visiblement opposés au processus de privatisation.

TROISIEMEMENT: Les deux parties s'accordent sur l'urgence d'un rétablissement immédiat de l'ordre public qui permet de récupérer le fonctionnement normal des activités. Après 48 heures de signature de cette Déclaration et le rétablissement de l'ordre public, le gouvernement lèvera l'état d'urgence qui est en vigueur.

QUATRIEMEMENT: Les deux parties font une invocation au pays pour que cessent immédiatement tous les actes de violence qui obstruent le chemin vers la paix sociale, la stabilité démocratique du pays et le développement national souhaité.

DECLARATION UNILATERALE:

CINQUIEMEMENT: Les représentants de l'Assemblée des Maires et du Front Civique d'Arequipa gardent leur propre position en ce sens que le processus de privatisation des entreprises Agasa et Egesur doit être annulé et que l'avenir de ces entreprises doit être soumis à une consultation populaire. Il devrait être procédé de la même façon pour le cas des entreprises électriques du Sud du pays.

Signé en trois exemplaires dans la ville d'Arequipa, dans le local du collège San José, le mercredi 19 juin 2002 à 15 heures.

Une étape contre les privatisations, mais pas la dernière.

Le maire d'Arequipa, Juan Manuel Guillén a dit à son peuple: "nous avons gagné le respect du gouvernement". Il a aussi prévenu qu'il n'avait pas d'aspirations politiques et qu'il ne pensait pas se présenter à une réélection. Interrogé sur ses expectatives dans la sentence judiciaire, Guillén a affirmé qu'il resterait la possibilité de faire appel au Tribunal constititionnel et en dernière instance ils sont disposés à recourir à un referendum, comme il est mentionné dans le cinquième point de l'accord.

Tout indique qu'une étape est terminée, mais il y aura plus. La pression du FMI et l'intention du gouvernement n'ont pas changé de signe. Il existe une intention de privatiser. Mais comme c'est arrivé au Paraguay il y a quelques jours, la mobilisation populaire, large, conséquente, a réussi pour le moment à freiner le processus. Lamentablement, cela a coûté des vies humaines, des blessés et des pertes que le propre peuple péruvien devra payer. Mais ce qui s'est passé et les résultats marquent un chemin. Celui de la participation, l'implication citoyenne, le rejet, la mobilisation, l'organisation populaire. Un chemin qui doit inclure la construction de nouvelles alternatives, qui déplacent les plans vieux et réitérés qui condamnent à la pauvreté et à l'exclusion la majorité de la société péruvienne.

Rédaction de SERPAL, Service de Presse Alternative, 21 juin 2002, Catalunya, España.

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