Procès Deutsche Bundesbahn contre Indymedia Hollande by yannindy Thursday June 20, 2002 at 07:47 PM |
yannindy@yahoo.fr |
Indymedia Hollande a perdu son procès contre la Deutsche Bundesbahn, pour avoir refusé de ne pas mettre des informations à disposition des internautes
1. Ce verdict a été prononcé sur base des faits suivants:
A. Deutsche Bundesbahn exploite le réseau ferroviaire en Allemagne
B. Indymedia est le propriétaire du site 'www.indymedia.nl'. Ce site
est utilisé par divers auteurs pour la publication de nouvelles. Les lecteurs de ce site peuvent y ajouter leurs commentaires.
C. En avril 2002, Deutsche Bundesbahn avait intenté un procès contre
Le fournisseur d'accès internet XS4ALL à propos de deux articles sur la page web d'un abonné XS4ALL (http://www.xs4all.nl/~tank/radikal/154/94.html et http://www.xs4all.nl/~tank/radikal/155/73.html).
Il s'agissait des articles de Radical intitulés "KLEINER LEITFADEN ZUR
BEHINDERUNG VON BAHNTRANSPORTEN ALLER ART" (qui contient de l'information à propos de la manière d'arrêter, retarder ou saboter le trafic de Deutsche Bundesbahn sur certains trajets) et "AEG Productinformation" (qui explique entre autres comment fabriquer un crochet pour détruire les câbles électriques du réseau ferroviaire).
Le juge a estimé que l'information contenue dans ces articles peut porter atteinte à Deutsche Bundesbahn.
XS4ALL a été condamné le 15 avril 2002 à bloquer l'accès à ces pages sur les sites en question.
D. Les articles de Radikal n'étaient pas seulement visibles sur le site de
l'abonné XS4ALL, ils étaient aussi consultables sur des 'mirror sites'.
E. Sur le site Indymedia, un article fut publié à propos de l'affaire entre Deutsche Bundesbahn et XS4ALL.
Des visiteurs du site ont réagi en publiant des liens vers le site de Radikal et les articles incriminés. De nombreuses réactions contenaient de plus des instructions pour permettre aux lecteurs de trouver les articles.
F. Deutsche Bundesbahn a sommé Indymedia par un courrier daté du 22 avril
2002 de bloquer toute publication donnant accès aux informations lui étant dommageables.
Indymedia a refusé d'y participer.
Deutsche Bundesbahn exige d'Indymedia qu'elle retire immédiatement tous les liens incriminés de son site.
Deutsche Bundesbahn estime qu'Indymedia peut être considérée comme fournisseur d'accès Internet Service, puisqu'elle offre à des tiers de publier de l'information sur internet. En tant que tel, Indymedia se doit de bloquer toute information nuisible au plaignant. D'autant plus que dans ce cas-ci, le lecteur est
incité explicitement à aller lire l'information.
Indymedia a apporté les arguments suivants.
Cette affaire n'est en aucun cas similaire à l'affaire entre Deutsche Bundesbahn et XS4ALL. La différence cruciale dans ce cas-ci, c'est qu'il s'agit de liens vers d'autres sites et pas d'information mise à disposition sur Indymedia ou par son intermédiaire. Un lien vers une source indirecte d'information doit pouvoir être permis. Les liens sont tellement présents sur internet, qu'une interdiction de placer des liens atteint directement à l'essence même d'internet.
Les liens incriminés ne permettaient pas de visualiser directement l'information à l'intérieur d'Indymedia (comme c'est le cas avec des 'deep links'), car se sont des 'surface links', qui ouvrent une nouvelle page. Ensuite, le lecteur doit chercher lui-même l'information, car la nouvelle page ne mène pas directement aux articles incriminés.
Le procès Scientology-XS4ALL ne forme pas un précédent. Tout d'abord parce que la cour suprême a jugé que le fait d'apporter un lien ne peut être jugé illégal par principe. De plus, le verdict dans le procès Scientology-XS4ALL était contraire à la ligne de conduite normale par rapport au commerce électronique.
Par ailleurs, il ne peut y avoir de comparaison avec ce procès, puisqu'il s'agissait de droits d'auteurs. De plus, dans le cas Scientology-XS4ALL il s'agissait d'un 'deep link', ou l'information incriminée était consultable directement.
Indymedia a encore plaidé qu'elle était un médium de presse, et que, de fait, elle ne peut bloquer des commentaires. Même si Indymedia retire les liens incriminés, l'information reste disponible.
Indymedia met aussi en avant la liberté d'expression et la liberté de la presse, garanties dans l'article 10 EVRM. Ici encore, Indymedia insiste sur le fait que l'information reste disponible ailleurs, par des 'mirror sites' et qu'elle ne reprend pas l'information en tant que telle.
Jugement
La cour part du principe que les deux articles nommés dans le point 1c sont dommageables pour Deutsche Bundesbahn.
La cour ne prend en compte que l'incrimination des liens cités par Deutsche Bundesbahn. Il ne s'agit donc pas de juger la justesse de l'information d'Indymedia.
La question est donc de juger si Indymedia doit retirer les liens incriminés de son site.
En principe, Indymedia peut être incitée à retirer les liens.
Comme Indymedia offre à ses
utilisateurs la possibilité de publier de l'information sur son site, elle peut être considérée responsable des publications faites par son intermédiaire, au même titre qu'un fournisseur de services internet ou la rédaction d'un journal.
Vu que Indymedia est au courant du fait que certains hyperlinks publiés sur son site mènent aux articles décrits sous 1c, Indymedia porte atteinte à Deutsche Bundesbahn en ne prenant pas de mesures pour arrêter la diffusion de l'information, au même titre qu'un
fournisseur de services internet ou un journal.
Indymedia, en tant qu'organe de presse, s'est approprié l'information incriminée. La question du type de lien utilisé n'est pas relevante. Ce qui est crucial, c'est qu'Indymedia permet techniquement de trouver l'information et laisse faire. De plus, le texte accompagnant le lien incite le lecteur à ouvrir le lien et lui donne des instructions pour trouver les articles.
Le fait que les articles soient toujours présents, n'empêche pas qu'Indymedia a agi de manière impropre.
L'admissibilité de liens en général n'est donc pas à l'ordre du jour. Il s'agit en effet du contenu des publications auxquelles ces liens donnent
accès.
L'argument d'Indymedia concernant la ligne de conduite européenne en matière de commerce électronique n'est pas
pertinent dans ce procès.
Finalement, Indymedia a indiqué qu'il lui est techniquement possible de retirer
des logiciels volés et des contributions fascistes, ce qui indique qu'il lui est possible de retirer les liens incriminés.
Vu que les 2 articles de Radikal en question sont dommageables pour la Deutsche Bundesbahn et peuvent mettre en danger des personnes et des marchandises, l'obligation imposée à Indymedia
de retirer les liens incriminés n'est pas contraire à la liberté d'expression et à la liberté de la presse.
Il n'est pas possible d'imposer le retrait total de toute documentation dommageable pour la Deutsche Bundesbahn.
Indymedia, en tant que partie perdante, devra porter la totalité des frais du procès.
DECISION
Le juge:
1. Impose à Indymedia de retirer immédiatement les liens se trouvant sur un ou plusieurs sites sous son contrôle, pour autant qu'ils mènent directement ou indirectement aux articles Radikal "KLEINER LEITFADEN ZUR BEHINDERUNG VON BAHNTRANSPORTEN ALLER ART" et "AEG Productinformation", qu'ils soient apportés ou non par des visiteurs, sous peine de devoir payer une somme de 5.000,- Euros par jour où elle ne se soumettra pas à ce verdict, avec un maximum de 200.000,- Euros.
2. Condamne Indymedia à payer les frais du procès, estimés à ce jour à 270,56 Euros par Deutsche Bundesbahn et à 703,- Euros pour le salaire du procureur.
3. Déclare ce verdict exécutable immédiatement.
4. Rejette les autres demandes.
Prononcé par Mr. R. Orobio de Castro, vice-président de la Cour d'Amsterdam, le 20 juin 2002.