arch/ive/ief (2000 - 2005)

Pérou: état d'urgence et couvre-feu décrétés
by www.yahoo.fr Tuesday June 18, 2002 at 03:46 PM

L'état d'urgence assorti d'un couvre-feu a été décrété dimanche dans le département d'Arequipa, à 1.000 km au sud de Lima, théâtre depuis trois jours d'émeutes. De violentes protestations se déroulent depuis vendredi à Arequipa, seconde ville du pays, contre la privatisation de deux sociétés électriques régionales, acquises par le groupe belge Tractebel, filiale de Suez-Lyonnaise des Eaux.

Le président péruvien Alejandro Toledo a décrété l'état d'urgence d'une durée de 30 jours, au terme d'une réunion extraordinaire du conseil des ministres qui se tenait depuis la veille.

Dans la soirée, le commandement militaire sous l'autorité duquel a été placé le département prenait à son tour la décision d'imposer un couvre-feu, de 22h00 locales (03h00 GMT) à 05h00 locales (10H00 GMT), peu après que le chef de l'Etat, dans un message télévisé à la nation, eut justifié la suspension des libertés fondamentales, souligant que cette mesure "était la plus appropriée pour rétablir la sécurité et l'ordre".

Les protestations violentes, qui se poursuivent dans cette ville depuis vendredi dernier, ont fait une centaine de blessés et d'importants dégâts, estimés officiellement à 100 millions de dollars.

Après avoir rappelé ses convictions démocratiques, le président Toledo a expliqué dans son message que l'état d'urgence décrété quatre heures auparavant était destiné à mettre un terme à ces violences qu'il a qualifiées "d'intolérables et d'inacceptables."

"Rien ne justifie la violence et la destruction", a-t-il répété après avoir lancé un appel "à la sérénité, au calme et à la responsabilité".

Conformément à la Constitution, les libertés fondamentales ont été suspendues dans tout le département et la responsabilité du maintien de l'ordre confiée à l'armée.

Les premiers incidents violents, qui ont très vite pris la tournure d'une émeute, ont éclaté vendredi en début d'après-midi après l'annonce de l'acquisition par Tractebel des deux sociétés électriques, Egasa et Egesur, dont la production alimente tout le grand sud du pays.

Seul postulant à l'appel d'offre, Tractebel a acquis ces deux sociétés pour la somme de 167,4 millions de dollars.

Depuis, les violences n'ont pas cessé, atteignant samedi leur point culminant quand des manifestants ont pris pendant plus d'une heure le contrôle de l'aéroport de la ville, interrompant tout trafic. Il n'avait toujours pas été rétabli dimanche soir à cause des graves dégâts qu'ont subis les installations, notamment les balises radio et lumineuses.

Barricades, édifices publics pris d'assaut, rues du centre dépavées, boutiques saccagées, le centre d'Arequipa offrait dimanche le spectacle d'une ville dévastée.

Les syndicats et des organisations de défense des intérêts locaux, hostiles à la politique de privatisation qu'a engagée le gouvernement du président Alejandro Toledo, avaient appelé à manifester.

Malgré les actes de violence quasi-ininterrompus depuis trois jours, provoqués, selon lui, par "ceux qui veulent semer la panique dans le poulailler", le chef de l'Etat a réaffirmé sa détermination à poursuivre les privatisations "avec fermeté, sans ambiguïtés et détermination".

De leur côté, les manifestants réclament sa démission, estimant que ce dernier a trahi ses promesses électorales.

Lors de la campagne présidentielle d'il y a un an, le président Toledo avait signé avec les organisations qui ont appelé à ces protestations, un document dans lequel il s'engageait "solennellement à ne jamais privatiser" ces deux sociétés.

Par ailleurs, depuis la semaine dernière, 22 maires du département, auxquels s'est joint le maire d'Arequipa Juan Manuel Guillen, ont entamé une grève de la faim, qu'ils entendent conduire "s'il le faut jusqu'aux ultimes conséquences", dans le but de contraindre le gouvernement à renoncer à son plan de privatisations.