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Les attentats-suicides, arme du désespoir des Palestiniens
by Pauline Monday June 17, 2002 at 06:19 PM

"Lorsque les Britanniques et les Américains bombardaient des villes pendant la deuxième guerre mondiale, ils ne tuaient pas que des militaires que je sache. Nous n'avons que deux solutions, nous rendre ou nous battre."

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Les attentats-suicides, arme du désespoir des Palestiniens
Un nouveau kamikaze s'est fait exploser, mardi soir, à l'entrée d'un restaurant d'Herzliya, à proximité de Tel-Aviv, provoquant la mort d'une adolescente de quinze ans. Cette action illustre l'incapacité de l'armée israélienne à prévenir cette forme de terrorisme
Jérusalem de notre correspondant

La recrudescence des attentats-suicides en Israël, plus d'un mois après la fin de la plus grande opération militaire israélienne menée depuis 1967 en Cisjordanie, a confirmé les plus sombres pronostics de la plupart de commentateurs israéliens et palestiniens, pour une fois à l'unisson.

Le déploiement de force n'a pas mis fin à une vague qui avait frappé durement Israël en février et en mars.


Bien au contraire. La réoccupation brutale des principales agglomérations palestiniennes lui a donné une nouvelle impulsion. Le nombre des candidats prêts à semer la mort dans les territoires occupés et en Israël semble être en constante augmentation.

Longtemps arme exclusive des groupes militaires islamistes, la pratique s'est étendue au début de l'année aux groupuscules des principales composantes de l'OLP, tout d'abord le Fatah mais également le Front populaire de libération de la Palestine, soit une rupture considérable dans les règles tacites d'engagement qui y étaient en vigueur jusqu'à présent. Enfin, elle n'est plus l'apanage des hommes.

Inaudible désormais par l'opinion publique israélienne comme par des autorités qui instruisent chaque jour son procès, le chef de l'Autorité palestinienne s'est pourtant prononcé sans ambages contre les attentats-suicides perpétrés en Israël contre des civils. Pendant longtemps, les Palestiniens ont établi une distinction entre les opérations dans les territoires contre les colons et les militaires, considérés comme des cibles légitimes, et celles qui ont lieu en Israël. Pour la première fois, la direction palestinienne a qualifié ces dernières de "terroristes".

"ÊTRE LUCIDE"

Rompant avec un consensus qui a longtemps interdit la critique au nom du combat contre Israël tout comme avec le silence des autorités religieuses, des voix commencent à s'élever au sein de la société palestinienne. Connu pour ses prises de positions souvent iconoclastes, le responsable de l'OLP pour le dossier de Jérusalem, Sari Nusseibeh, a critiqué les attentats-suicides commis en Israël. Ancien responsable militaire de l'OLP, Mamdouh Nofal, par ailleurs proche de M. Arafat, s'est également exprimé sur le sujet dans la presse arabe. "Il faut être lucide, dans les circonstances présentes, il n'est pas question de gagner quoi que ce soit. L'objectif que je nous fixe est simplement de ne plus perdre sur tous les tableaux comme nous le faisons avec ces opérations, vis-à-vis du pouvoir israélien en lui donnant des arguments, mais aussi vis-à-vis de ceux qui nous soutenaient lors de la première Intifada", nous expliquait-il récemment à Ramallah.

A Gaza, le secrétaire général adjoint de la Chebiba, le mouvement de jeunesse du Fatah, Ismaïl Samir Sommad, assure être lucide. "On perd beaucoup avec ces opérations en Israël, je le sais, et j'ai deux messages. Le premier est à l'intention de la communauté internationale, je lui demande de se poser la question du pourquoi, de voir enfin qu'elles sont la conséquence de l'occupation. Le deuxième message est pour les jeunes Palestiniens. Il faut qu'ils comprennent qu'il y a toujours un espoir et qu'on peut lutter autrement pour son pays sans céder au découragement." Le jeune militant n'est d'ailleurs pas sans contradictions : "Je suis contre ces opérations d'un point de vue moral, mais pourtant je crois qu'elles sont légitimes dans des cas précis. Pendant l'attaque du camp de réfugiés de Jénine, par exemple."

Ces nuances ne sont pas goûtées par Abdel Aziz Al-Rantissi, qui incarne à Gaza l'aile dure au sein du Mouvement de la résistance islamique (Hamas), dont il est un fondateur. "Nous sommes dans une guerre de libération. Ce qui se passe ici n'a rien à voir avec le 11 septembre aux Etats-Unis. Nous ne sommes pas des terroristes. Les jeunes martyrs palestiniens ne se sacrifient pas pour un quelconque paradis ou pour retrouver je ne sais combien de jeunes vierges. Ils se battent pour libérer leur territoire avec les moyens qu'ils ont à leur disposition." "Si nous avions des F-16, nous les utiliserions à la place des martyrs, mais nous n'en avons pas", poursuit le responsable islamiste, qui moque "l'hypocrisie" des pays occidentaux à propos des attaques contre les civils. "Lorsque les Britanniques et les Américains bombardaient des villes pendant la deuxième guerre mondiale, ils ne tuaient pas que des militaires que je sache. Nous n'avons que deux solutions, nous rendre ou nous battre."

Interrogé sur l'absence manifeste de résultats obtenus également par la violence, Abdel Aziz Al-Rantissi n'en démord pas. "On ne mesure pas pour l'instant les effets de cette lutte parce qu'ils sont brouillés par l'Autorité palestinienne, mais vous verrez..."


Gilles Paris