Créons la pénurie pour éradiquer la pléthore! by Marc Franckh Friday May 31, 2002 at 01:25 AM |
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En Europe, de nombreux pays ont limités l'accès aux études de médecine. La pléthore de médecins semblait être le mal à combattre. En Belgique, les étudiants en médecine et en dentisterie (et bientot les kinés) subissent en silence le Numerus Clausus. Mais la lutte contre la pléthore ne risquet-t-elle pas d'engendrer la pénurie. Les exemples dans différents pays européens semblent confirmer cette crainte et l'Europe devra faire venir des médecins de l'étranger. N'est-il pas immoral de profiter de la fuite des cerveaux alors que notre jeunesse se retrouve au chômage faute de qualification.
La "pléthore", ce mot grec introduit dans le français médical du XVIème siècle désigne un ancien mal que les médecins veulent à tout prix combattre: la "surabondance" de confrères avec lesquels ils doivent se partager la clientèle (ou patientèle) et qui les forcent à réduire leurs tarifs. Depuis peu, une solution miracle est enfin appliquée pour l'éradiquer. S'agit-il de la pré-pension, de la réduction du temps de travail ou d'une autre méthode classiquement proposée dans de telles circonstances? Non, ici la panacée s'appelle Numerus Clausus. Ses vertus sont tellement nombreuses que l'on en oublierait presque ses effets néfastes et ses dangers. Son principal danger, lorsqu'elle est utilisée longtemps et à forte dose, c'est la "pénurie". La peur de la "pléthore" nous l'avait fait oublier car on nous répétait que nous avions plus de médecins, kinés, dentistes et autres malheureux que dans tout autre pays et que nous étions le dernier pays du monde moderne à ne pas avoir de limitation d'accès aux études. On avait oublié nos belles communes de la province du Luxembourg dans lesquelles les gardes de médecine générale n'étaient pas assurées (faute de médecins généralistes), les mois de délais avant d'avoir une entrevue chez l'ophtalmologue et les heures dans la salle d'attente. On avait oublié aussi les besoins d'une population à laquelle les professionnels de la santé rendent de nombreux et précieux services.
La pénurie nous menace-t-elle?
La France qui depuis longtemps limite son accès aux études supérieures la connaît déjà: médecins, kinés et infirmières font défaut dans les zones rurales et auprès des populations défavorisées. Le passage aux 35 heures dans les hôpitaux publics a rendu le problème encore plus aigu. La Norvège connaît elle aussi une grave crise dans son système de santé et les délais d'attente pour les opérations chirurgicales est tel que de nombreux patients sont invités à faire du "tourisme médical" en se faisant soigner en Allemagne où la situation est encore un peu meilleure.
Il y a un an, M. Rebscher, président de l'association des mutuelles, réclamait des mesures radicales pour endiguer l'augmentation catastrophique du nombre de médecins en Allemagne. Aujourd'hui la situation a changé et l'ordre des médecins s'associe aux mutuelles pour réclamer des mesures pour lutter contre la pénurie: il n'y a plus assez d'assistants, de nombreux cabinets médicaux sont vides et les délais d'attente s'allongent pour les patients. La situation est particulièrement préoccupante dans l'est du pays où, d'après la Frankfurter Allgemeine Zeitung, les médecins voient 15% de patients en plus que leur confrères de l'ouest et où 35 à 40% des généralistes prendront leur retraite d'ici dix ans.
Comment résoudre les problèmes de pénurie?
Mais n'ayez crainte, contre la pénurie, il y a aussi un remède: favoriser l'immigration de médecins et autres professionnels. La mondialisation et l'ouverture de l'Union Européenne aux pays d'Europe centrale permettra aux pays d'Europe de l'ouest de trouver une main d'oeuvre qualifiée sans avoir à investir dans sa formation. Le besoin de 75 000 informaticiens a déjà poussé le gouvernement allemand à importer massivement des informaticiens d'Inde, de Pologne et de Russie. Il est en effet plus facile d'apprendre l'allemand à un informaticien indien que l'informatique à un chômeur allemand. Face au problème de la dénatalité et au manque de diplômés parmi les chômeurs, l'Allemagne s'apprête à organiser une immigration de jeunes diplômés en fonction des besoins du marché, privant les pays en voie de développement de leur main d'oeuvre qualifiée.
Préparer une pénurie puis importer des diplômés étrangers ne peut être présenté comme une politique viable. Nos gouvernements ne peuvent donc faire l'économie d'un enseignement de qualité et le risque de pléthore dans certains secteurs ne peut servir d'alibi à une politique de contingentement. Les "pléthores" que nous observons actuellement sont des phénomènes locaux et temporaires qui sont d'autant plus visibles que la conjoncture économique est mauvaise. Cependant, un redémarrage économique dans nos pays n'est imaginable que si nous disposons d'une main d'oeuvre qualifiée. Face à un besoin de professionnels qualifiés, il serait totalement immoral de profiter de la fuite des cerveaux alors que notre jeunesse se retrouve au chômage faute de qualification.
Marc Franckh
Etudiant en Médecine à l'Université de Liège.
Elu à l'A.G. de la Fédération des Etudiants de l'ULg.
Pour avoir une idée de l'importance de la fuite des cerveaux dans le domaine médical, je vous conseille la lecture de l'article de Dominique Frommel: "Quand le Nord débauche les médecins du Sud" (Le Monde Diplomatique avril 2002 p.28-29) ou sur intenet:
http://www.monde-diplomatique.fr/2002/04/FROMMEL/16333
www.monde-diplomatique.fr/2002/04/FROMMEL/16333
Où est la pléthore? by Manu Friday May 31, 2002 at 09:26 PM |
En tant que médecin, je peux témoigner du fait qu'il n'y a pas de pléthore.
On a un mal fou à trouver des médecins pour faire des gardes, des remplacements pendant les vacances... à Bruxelles.
Ce numerus clausus a été organisé par des croulants accrochés à leurs privilèges, qui n'ont pas vu que la société changeait, et que les médecins ne travaillaient plus comme il y a deux générations, 60h/semaine et pas de vie privée...