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Les hypocrisies de l'Europe Forteresse
by Shutdown Fortress Europe Thursday May 30, 2002 at 08:19 PM
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Depuis quelques jours, la presse, tant belge qu'internationale, déborde d'articles plus ou moins sensationnalistes consacrés à la politique d'asile en Europe.

Depuis quelques jours, la presse, tant belge qu'internationale, déborde d'articles plus ou moins sensationnalistes consacrés à la politique d'asile en Europe. Fermeture possible du centre d'accueil de Sangatte (près du tunnel sous la Manche) par les autorités françaises, renforcement de la « chasse aux clandestins » par le gouvernement britannique, proposition de création d'un corps spécial pour la surveillance des frontières extérieures de l'Union, craintes belges d'une nouvelle « invasion » de demandeurs d'asile suite aux mesures prises dans les pays voisins, l'Europe Forteresse et ses contradictions sont de nouveau à la pointe de l'actualité.

Jusqu'il y a peu, le terme d'Europe Forteresse était absent du vocabulaire officiel, même s'il correspondait à une réalité bien concrète pour toute personne tentant de pénétrer dans l'espace Schengen. Mais aujourd'hui, conséquence du basculement vers la droite d'un certain nombre de pays européens, les gouvernements des 15 enfoncent le clou et se départissent de leur fausse pudeur. S'ils considèrent l'immigration et le droit d'asile comme "un des problèmes les plus urgents de notre époque", ils n'envisagent cette problématique que dans le cadre d'une politique toujours plus restrictive et se replient sur leur position de défense d'une Europe soit disant assiégée, qu'il est nécessaire de cadenasser et de fermer au monde extérieur.

Pourtant, il suffit d'examiner les propositions mises sur la table par les différents gouvernements pour découvrir des failles et des contradictions. Ainsi, le gouvernement britannique serait prêt à supprimer l'aide au développement accordée à certains pays si ceux-ci ne redoublent pas d'effort pour briser l'immigration clandestine « à la source ». Étant donné que c'est uniquement en favorisant le développement économique et social équitable de ces pays que leurs habitants ne voudront plus par tous les moyens trouver une vie meilleure dans un improbable eldorado européen, le gouvernement britannique ne fera qu'aggraver la situation actuelle en prenant de telles mesures.
Autre exemple, les autorités françaises et britanniques se trompent lourdement si elles pensent régler un problème en fermant le Centre d'accueil de Sangatte. Cela ne fera que déplacer ou replacer dans l'ombre un problème qui nécessite une approche beaucoup plus vaste, moins restrictive et plus ouverte, mais évidemment moins porteuse au niveau électoral en ces temps de folie sécuritaire.

Ces deux exemples sont autant d'illustrations des incohérences des gouvernements européens et de leur vision à court terme purement électoraliste de la gestion des flux migratoires. En jouant sur la corde sensible sécuritaire d'une partie de la population, en limitant à de simples statistiques les errances de ceux qu'ils appellent les « illégaux » même s'ils n'ont pas enfreint la moindre loi, en criminalisant les mouvements de soutien aux victimes de l'Europe Forteresse, les gouvernements européens et leurs administrations scient la branche sur laquelle ils sont assis.

Bien au-delà des arguments « utilitaires » de l'Europe patronale qui voit dans une réouverture contrôlée de l'immigration la solution idéale à ses problèmes de main d'œuvre, une autre vision de l'immigration existe, audacieuse mais réaliste.

Cette vision réfute les arguments faciles selon lesquels nos pays seraient « menacés d'invasion » alors qu'au contraire, les flux migratoires traversant l'espace européen sont, si on les compare aux flux qui traversent le tiers-monde, parmi les plus faibles. Selon les prévisions démographiques sur le vieillissement de la population, les flux migratoires actuels seraient même bien insuffisants pour que la population active puisse continuer à financer les systèmes de protection sociale des plus âgés.

Cette vision se veut beaucoup plus ouverte sur le monde extérieur, avec tous les échanges que cela implique, loin d'une Europe repliée sur elle-même et ses privilèges.

Cette vision se veut également beaucoup plus solidaire, une solidarité concrète, qui se traduit en actes clairs et tient compte du contexte historique : annulation de la dette contractée par les pays les plus pauvres au grand bénéfice de nos banques et de nos trésors publics ; modification radicale des relations économiques entre le Nord et le Sud (et aujourd'hui de plus en plus entre l'Ouest et l'Est) afin de supprimer le déséquilibre honteux résultant de l'exploitation acharnée des richesses du monde entier par quelques pays occidentaux et leurs grandes entreprises.

Enfin, au-delà de ces aspects économiques, cette vision se base sur une conception de la citoyenneté indépendante du mythe de la nation indissolublement liée au territoire. La dénonciation de ce mythe --dont la version la plus dure, le nationalisme, est à l'origine des principaux conflits intra-européens-- se double d'une lutte contre toutes les formes de racisme et de xénophobie et d'un refus du phantasme nationaliste de la solidarité face à un ennemi commun, l'étranger non-européen.

Dans ce cadre, les centres fermés, les expulsions, les vexations multiples et l'ensemble des mesures ultra-sécuritaires préconisées de plus en plus ouvertement par les gouvernements européens à l'encontre de toute personne d'origine extra-européenne constituent autant d'abus de droit.

Collectif de Résistance aux Centres fermés et aux Expulsions (Bruxelles)
Vluchtelingen Aktie Komitee (Gand)
Collectif de Résistance Aux Centres Pour Etrangers (Liège)