arch/ive/ief (2000 - 2005)

Propre et plat, parvenu presque à la plus haute expression de l'ordre, à tel point qu'aucun brin d'herbe n'avait plus envie d'y pousser plus de travers, il mariait puritanisme et permissivité selon une recette originale qui possédait la réputation de désamorcer toute violence. Grâce à cette potion d'inspiration protestante, il pouvait même se faire le champion de l'austérité budgétaire façon OCDE et démontrer au reste du monde que l'ordre et les exclusions néolibérales faisaient définitivement bon ménage. Il n'y avait que nous, les endoctrinés de gauche de la gauche, marxiens et marxistes de concert, qui commencions à nous demander jusqu'où ces contorsions idéologiques allaient tenir par-dessus l'infrastructure en débâcle ; mais à peine nous en étions-nous posé la question, que la météo hollandaise changea d'un coup. Climat marin, influence atlantique. De noirs cumuli s'amoncelèrent sous le regard ébahi des habitants et des voisins. De nulle part émergea l'extrême-droite. La fortune financière et le succès kitch de Pim Fortuyn, ses discours pour l'immigration zéro et la supériorité de la culture occidentale sur l'Islam, voilà qui fit 30% à Rotterdam, ce chiffre convoité par Le Pen.

Soudain, au lendemain de l'échec électoral du Pen, le Pim est assassiné en pleine campagne électorale. Comme un chien! Les Hollandais, qui disent, quand ils se font faire les poches au cours d'un shopping bon marché à l'étranger: « Eh oui, on n'est pas en Hollande ici ! », s'exclament ce matin : « Un assassinat d'un candidat aux élections chez nous! Aux Etats-Unis, passe encore, mais chez nous ! In-cro-ya-ble ! »

La déflagration de cette nouvelle résonne bizarrement à gauche. L'extrême-droite rencontrait justement des obstacles pacifiques. Les électeurs ne travaillaient pas pour l'extrême-droite, c'était le message issu des événements français de la veille. Maintenant, la preuve en sera impossible en Hollande. Pim devient le Kennedy et le Che de la droite populiste. A propos : l'expression « droite populiste » est un oxymore lancé par les médias, et comme dans les publicités, le mot « droite » rapetisse d'un spot à l'autre tandis que le mot « populiste » devient de plus en plus grand et gros et lisible même par les presbytes astigmates. Orange devient base, mettez-vous bien cela dans le crâne ! Pim Fortuyn était donc populiste, et c'est ce populisme qu'on a assassiné. C'est la sensibilité intime de la population et sa volonté immédiate qu'on a décapité. Pim ! Quel est l'antidémocrate qui a fait ça ? Première réponse des autorités : c'est un Keeskop d'appellation d'origine contrôlée. Par là, on veut que les vengeurs de Pim se tiennent dignes et n'entachent pas d'un pogrom la réputation gentiment populiste que les médias sont en train de faire à leur parti. Deuxième réponse : silence. On en va pas faire la même bourde que les Américains pour Ben Laden : une enquête, ça prend un peu de temps pour paraître vraisemblable. Le suspect a-t-il été pris en flagrant délit ou arrêté sur la base d'indices ? A-t-il avoué ou nie-t-il ? Question brûlante : est-ce un amant délaissé ou un militant éberlué ? Et si c'est un militant, de quel bord dit-il venir ? A-t-il des complices ? Y a-t-il une organisation derrière son discours, que, d'un seul geste, il aura transformé en organisation criminelle en vertu de lois européennes existant depuis peu ? Le fichier d'Europol va-t-il nous sortir les noms des membres de l'organisation à la vitesse à laquelle Google nous répond aux questions les plus improvisées qu'on lui pose ? Tel une pythie, Do, sur Indymedia, venait de dire juste après la défaite du Pen : « Il y a comme une ambiance d'incendie du Reichstag… il va y avoir un incendie du Reichstag ! » Eh bien, le voici, notre incendie du Reichstag.

tu es chouette cecily