arch/ive/ief (2000 - 2005)

Présidentielles: les médias nous mentent... le 5 mai vote NUL
by journal Partisan Friday May 03, 2002 at 12:15 AM
vp.partisan@caramail.com BP 48, 93802 Epinay sur seine cedex

L'intox médiatique; la décomposition du système parlementaire; la confusion des dirigeants politiques; il n'y a ps de défaite du mouvement populaire; il n'y pas de danger fasciste; il y a au contraire une radicalistion d'un vote populaire progressiste.

Présidentielles :

Les médias nous mentent !

Rouleau compresseur depuis cette soirée du 21 avril. Une intoxication médiatique sans précédent, à l'image de celle de la Guerre du Golfe ou des attentats du 11 septembre. De plus en plus, le monde des médias fait la preuve qu'il est complètement intégré au système de domination de nos ennemis, pour entretenir la confusion, nous réduire à l'impuissance, nous mettre à la remorque de tel ou tel appareil ou prétendu sauveur politicien.
Mais la vérité éclate toujours. Il est toujours possible de trouver les contre-informations, de réfléchir par nous mêmes, d'analyser les faits. Notre journal " Partisan " est là pour cela, en refusant absolument le consensus politico-médiatique !

L'intoxication médiatique

Depuis le premier tour, une seule information, un seul mot d'ordre en trois volets : Le Pen fait un score sans précédent, le danger fasciste est à nos portes, il faut tout faire pour empêcher sa victoire. Tout ceci est faux.
Tout d'abord, les commentateurs s'obstinent à nous parler en pourcentage et pas en nombre de voix. L'analyse la plus rapide montre alors que la progression de l'extrême-droite (Le Pen + Mégret, bien entendu) n'est pas du tout spectaculaire et en tous les cas très différenciée. Personne pour dire qu'elle diminue dans les banlieues des grands centres industriels (Paris, Lyon, Rouen…). En Seine Saint-Denis elle passe de 92294 voix (19,0%) en 1995 à 80005 voix (20,2%) en 2002. Si l'on se rappelle qu'elle récoltait 107 692 (19,8%) en 1988 on constate que Le Pen a perdu 13% de ses voix sur le 93 depuis 1995, et 26% depuis 1988 ! Qui en parle ? Dans un certain nombre de communes symboliques, non seulement Le Pen (+ Mégret) diminue en nombre de voix, mais également en pourcentage : Dreux, Vaulx en Velin, Mantes la Jolie, Gennevilliers etc.
L'analyse véritable, qui mériterait d'être approfondie, c'est qu'il y a une nette diminution dans des secteurs populaires de tradition ouvrière, et un progrès incontestable dans d'autres régions. Mais déjà, présenter les choses comme cela c'est aller à contre-courant et forcer une réflexion différente.
L'intoxication est partie de la peur panique de la petite-bourgeoisie intellectuelle. Elle a ensuite été entretenue consciemment, quelques exemples : un article du Monde du 28 avril décrit le drame des électeurs FN au Val Fourré (Yvelines) sans préciser une seconde que l'extrême-droite y diminue en voix et en pourcentage (commune de Mantes la Jolie, 2071 voix et 20,5% contre 2888 voix et 22,9% en 1995). Un prétendu sondage des RG fait des ravages sur Internet en affirmant que Le Pen est crédité d'un score de 42% (faux monté de toutes pièces). Artistes, intellectuels se succèdent en rafale sur les écrans et aux micros pour nous traiter de tous les noms si nous osions une seule seconde envisager de ne pas voter Chirac… Pas une voix contradictoire, pas un doute, pas une question : c'est le rouleau intoxicateur du système politico-médiatique qui est en marche…

Les raisons ? Elémentaire mon cher Watson ! Un tel matraquage a pour intérêt à la fois de masquer le désastre de Jospin, les progrès de l'extrême-gauche et de rassembler autour de Chirac. Tout le monde (du point de vue politiciens…) y trouve son compte et les journalistes sont aux bottes.


La décomposition du système parlementaire

Seize candidats, un éparpillement incroyable, un président sortant à moins de 20%, Jospin balayé, des abstentions massives voilà la vraie carte électorale, c'est à dire le désaveu flagrant de la bourgeoisie au pouvoir. Quelle que soit la face de la pièce (droite classique, ou social-démocrate), les vingt ans de socialo-gaullisme ont provoqué un gigantesque rejet, non seulement dans les secteurs les plus défavorisés, mais aussi dans de larges secteurs de la petite-bourgeoisie.
Pourquoi y a-t-il eu six candidats dans la droite classique (Chirac, Bayrou, Madelin, Saint-Josse, Lepage et Boutin) ? Pourquoi y en a-t-il eu cinq dans la gauche classique (Jospin, Taubira, Chevènement, Hue, Mamère) ? Tout simplement parce que chaque fraction a bien senti qu'il y avait un malaise à défendre tel quel le bilan du couple infernal Jospin-Chirac, et espérait conserver une influence en présentant une image un peu différente, moins compromise.
Le résultat du premier tour a accentué cette décomposition : il n'y a strictement plus aucun débat sur le fond, seulement une discussion en termes de désistement, de jeu politicien, de vote utile ou pas. Et on peut être certain que les législatives aboutiront une nouvelle fois à renforcer cette tendance avec les triangulaires ou quadrangulaires que l'on peut imaginer (qui profiteront évidemment à la social-démocratie, comme en 1997 !)
Une nouvelle fois, nous voyons tous (pour qui veut bien enlever ses lunettes de soleil) que cette démocratie n'a rien à voir avec celle des travailleurs et des secteurs populaires. Plus que jamais, les élections apparaissent, jusqu'à la caricature, comme le lieu de règlements de compte entre divers courants bourgeois. Plus que jamais, il apparaît que notre terrain est celui de l'organisation, dans les entreprises, les quartiers, les associations pour construire notre camp et affirmer notre présence.


La confusion de nos dirigeants politiques

La domination des gouvernants n'est pas en cause, tout va (encore) bien pour eux de ce côté là. Les résistances sont éclatées, souvent le dos au mur, l'influence des partis ou syndicats réformistes reste forte.
Mais il faut comprendre ce qui se passe avec cette décomposition.
Il n'y a pas de vrai désaccord sur les mesures économiques. Au contraire, l'accord est général et profond. C'est le PS qui a été le fer de lance de la financiarisation avec la relance de la Bourse et des stocks options. C'est le PS qui a été le fer de lance du libéralisme avec les privatisations. C'est le PS qui a été le champion de la flexibilité avec les 35 heures. C'est le PS qui prépare les fonds de pension, et vient de signer à Barcelone la retraite à 63 ans et la privatisation de EDF. C'est encore lui qui se fait le champion des liens entre l'école et l'entreprise. Tous, de Hue à Boutin sont d'accord à ce propos (nota en passant : la CGT Energie est d'accord avec la privatisation partielle d'EDF).

L'enjeu est autre. Les bourgeois n'arrivent pas à accoucher d'un nouveau projet consensuel sur les plans politique et idéologique, pour construire le ciment, le système d'idées capable d'unifier autour d'eux la société dans un projet commun.
Il y a un décalage entre la société moderne : le capitalisme mondialisé, précaire, flexible et individualiste et les valeurs idéologiques encore bien ancrées que sont Travail, Famille, Patrie et Collectivité qui font les choux gras de Le Pen. L'idéologie bourgeoise est en retard sur la réalité et ses transformations depuis vingt ans !
La droite classique est ringarde. La droite moderne (social-démocrate) est mal calée entre libéralisme et un discours social qui apparaît comme factice. D'où la multiplicité des candidatures et des discours dans la bourgeoisie, les projets de recomposition partidaires (la nouvelle " UMP "). D'où les projets de VIème République qui fleurissent ça et là.
Jospin paye sa politique, mais la droite aurait tort de se réjouir, c'est autant sa défaite que la sienne. La confusion a encore quelques beaux jours devant elle, qui sont pour nous un puissant terrain d'appui.


Il n'y a pas de défaite du mouvement ouvrier et populaire

" La nouvelle percée du Front National constitue une défaite pour tout le mouvement ouvrier et démocratique " (déclaration du BP de la LCR). C'est doublement faux : d'une part il n'y a pas percée du FN, mais progression différenciée. D'autre part il n'y a pas de défaite.
Quelles tendances peut-on dégager des résultats ?
1) Dans les zones ouvrières et populaires, l'abstention est massive, entre 35% et 40%. Si l'on compte les non-inscrits (8 à 10%) et la fraction immigrée qui ne vote pas, c'est la majorité des adultes qui ne s'est pas prononcée.
2) Ces secteurs ont massivement déserté Jospin, le laissant en troisième position à 16%, alors que le total des voix de gauche et d'extrême-gauche est souvent supérieur à celui de 1995.
3) Le PC s'effondre, au profit de l'extrême-gauche.
4) Les nouvelles voix populaires de l'extrême-droite traditionnelle viennent de la droite classique, qui perd massivement des voix. D'ailleurs, il est important de préciser quand on parle du vote " ouvrier " de Le Pen, qu'il ne s'agit pas de n'importe quels ouvriers : contremaîtres, chefs d'équipes, professionnels qualifiés formant ce que nous appelons l'aristocratie ouvrière et bien connus dans toutes les usines en particulier pour leur racisme. Enfin, les transferts de votes ouvriers traditionnels vers l'extrême-droite sont globalement faibles et le fait de secteurs qui se sentent totalement abandonnés et méprisés par les gouvernements successifs…

Il y a désaveu massif de la bourgeoisie au pouvoir, quelle que soit sa couleur, rose ou bleue. Et radicalisation politique tant des franges progressistes qu'arriérées du mouvement populaire. C'est le signe d'une politisation croissante, liée au renouveau du mouvement des luttes que nous constatons depuis quelques années.


Il n'y a pas de danger fasciste

Le Pen est présent au deuxième tour non pas du fait d'une quelconque percée, mais à cause de l'effondrement de Jospin et de son désaveu.
Revenons sur sa progression que nous disons " différenciée ". Nous avons déjà donné quelques exemples (Seine Saint-Denis, les villes où il diminue en pourcentage). Nous pourrions faire une longue liste des villes ouvrières où l'extrême-droite a diminué en nombre de voix (alors qu'elle augmente de 900 000 voix au plan national, rappelons-le) : outre la Seine Saint-Denis, on peut citer Nanterre, Vitry, Argenteuil, Sartrouville, Les Mureaux, Creil, Vénissieux, Saint-Priest, Le Havre, Saint-Etienne, Le Petit-Quevilly, Saint-Etienne du Rouvray, Rive de Gier etc.…
En parallèle, Le Pen a progressé dans le Sud-Est, et dans de nombreuses régions de l'Est, parmi une population abandonnée, souvent les ouvriers des petites boîtes, les paysans hostiles à l'Europe et bien sûr le fond permanent d'artisans, commerçants et retraités qui sont le socle de l'électorat lepéniste.

En gros, le score de l'extrême droite depuis 1995, c'est une bulle qui dégonfle et s'élargit. C'est un courant idéologique réactionnaire, non organisé, assez désespéré et à la recherche de boucs émissaires expliquant ses difficultés : les immigrés qui piquent le travail, les jeunes qui créent l'insécurité et Bruxelles qui ruine les paysans ou écrase les artisans de réglementations.

Danger fasciste ? Certainement pas. Pas d'appareil organisé et efficace, hormis peut-être dans le sud-est, Mégret l'a mis en pièces. Pas d'influence syndicale ou associative notable. Encore moins de bandes armées pour faire régner l'ordre… Même les skins ont disparu ! Quant à la base économique, c'est une plaisanterie : Le Pen propose un capitalisme artisanal, autarcique et nationaliste, parfaitement à l'opposé de toutes les tendances à la mondialisation et à l'internationalisation. Quand il propose la disparition des impôts, il montre sa fibre ultra-libérale.
La peur panique de la petite-bourgeoisie

« Abstention pièges à cons », « Votez escroc, pas facho », « ceux qui s'abstiennent ou votent nul font le jeu de Le Pen », « ce sont des lâches », les petits bourgeois intellectuels sont complètement paniqués.
Eux qui ont une vie un peu plus correcte que d'autres, le sentiment de la liberté et d'avoir choisi leur destin, les voilà qui s'affolent à l'idée même que leurs petites libertés individuelles soient en danger. Ils ne prennent même plus le temps de réfléchir, brandissent l'insulte à défaut de la réflexion dès qu'on les conteste, pourtant faits à l'appui !
Les voilà aussi en train de donner des leçons de démocratie à tous les ouvriers qui subissent depuis des années les attaques des gouvernements successifs, pour lesquels ils n'ont souvent pas bougé le petit doigt ni eu la moindre pensée.
Les ouvriers progressistes sont souvent voté extrême-gauche, c'est une excellente nouvelle.
Aujourd'hui, malgré le rouleau compresseur médiatique, ils ne voteront pas Chirac.
C'est la preuve de leur maturité !
La bourgeoisie, dans ses quartiers comme Paris 7ème, Aix en Provence, Neuilly ou Saint-Cloud a fait son choix : c'est dans ces communes que le score de l'extrême-droite est le plus faible. Le MEDEF a aussi choisi, c'est le sens de l'intervention de Seillères.

Il n'y a pas élargissement, mais radicalisation d'un vote populaire progressiste

Le phénomène est double : d'une part l'effondrement du PC, que nous ne pleurerons pas, c'est lui qui a creusé sa tombe. D'autre part la percée (le mot est alors là exact) de l'extrême gauche : 10,5% au plan national, jusqu'à 18,3% dans les villes ouvrières (Le Petit Quevilly en Seine Maritime). Dans de nombreuses communes, le total dépasse 14% : Hérouville Saint-Clair, Saint-Etienne du Rouvray, Sotteville lès Rouen, Saint-Nazaire, Rezé, Clermont-Ferrand…
Si l'on se rappelle qu'en 1995, la candidature de Arlette Laguiller était soutenue par toute l'extrême gauche, on peut dire qu'il y a la progression à la fois de Lutte Ouvrière, plus dans la classe ouvrière, et de la LCR, plus dans la petite-bourgeoisie et chez les jeunes.
Le bilan de Jospin est là dévastateur : c'est l'effet des 35 heures et des milliers de grèves à son propos, de la politique d'éducation avec Allègre, la grève des lycées professionnels, les mouvements d'instituteurs à Paris, dans l'Hérault, la Loire Atlantique, les licenciements maintenus (Danone, Moulinex, Cellatex, Vilvoorde…) et la politique sécuritaire de Jospin (la Loi sur la Sécurité Quotidienne récemment votée) qui ont provoqué cette radicalisation, qui est véritablement le phénomène marquant de ces élections, quoi qu'en disent les médias.

Cette radicalisation ne se double pas vraiment d'un élargissement : le total des voix du PC et de l'extrême-gauche est relativement stable d'une élection à l'autre, y compris si l'on prend commune par commune. C'est le signe que pour l'instant, ce secteur combatif se politise mais n'est pas encore capable d'entraîner les larges masses derrière lui.
On peut imaginer que ce résultat va temporairement diminuer sous l'effet du rouleau intoxicateur " antifasciste ", du style " quelle connerie j'ai faite de voter extrême-gauche ". Mais la base restera, et renforcera ceux qui de plus en plus nombreux ouvrent les yeux. Le renouveau militant est flagrant, qu'il s'agisse d'anciens militants un peu sur la touche ou des jeunes qui en quelques jours ont surgi à la politique à la faveur des manifestations anti Le Pen.

L'heure est venue de se décider : continuer à être spectateur,
ou s'engager à nos côtés !

Notre adresse e-mail : vp-partisan@caramail.com
(Encadré à mettre de manière la plus visible possible en page 3, c'est très important. En effet, le journal arrivera après le deuxième tour, et la problématique comme les questions politiques ne seront pas les mêmes. Cela ne remet pour autant pas en cause le contenu, surtout si on prévoit un supplément réalisé après le deuxième tour et diffusé en même temps.)

" Ces articles de bilan des élections ont été rédigés entre les deux tours des élections. Ils ne tiennent donc pas compte de l'élection de Chirac, comme de l'analyse détaillée du scrutin. Un supplément joint à ce journal fait ce travail d'actualisation.
Néanmoins, toutes les questions soulevées par le premier tour restent valables, pour les législatives comme pour après. Nous vivons une période d'intensité du débat politique qui n'avait pas eu lieu depuis longtemps, et il faut savoir en tirer toutes les leçons ".


Présidentielles :

Les médias nous mentent !

Rouleau compresseur depuis cette soirée du 21 avril. Une intoxication médiatique sans précédent, à l'image de celle de la Guerre du Golfe ou des attentats du 11 septembre. De plus en plus, le monde des médias fait la preuve qu'il est complètement intégré au système de domination de nos ennemis, pour entretenir la confusion, nous réduire à l'impuissance, nous mettre à la remorque de tel ou tel appareil ou prétendu sauveur politicien.
Mais la vérité éclate toujours. Il est toujours possible de trouver les contre-informations, de réfléchir par nous mêmes, d'analyser les faits. Notre journal " Partisan " est là pour cela, en refusant absolument le consensus politico-médiatique !

L'intoxication médiatique

Depuis le premier tour, une seule information, un seul mot d'ordre en trois volets : Le Pen fait un score sans précédent, le danger fasciste est à nos portes, il faut tout faire pour empêcher sa victoire. Tout ceci est faux.
Tout d'abord, les commentateurs s'obstinent à nous parler en pourcentage et pas en nombre de voix. L'analyse la plus rapide montre alors que la progression de l'extrême-droite (Le Pen + Mégret, bien entendu) n'est pas du tout spectaculaire et en tous les cas très différenciée. Personne pour dire qu'elle diminue dans les banlieues des grands centres industriels (Paris, Lyon, Rouen…). En Seine Saint-Denis elle passe de 92294 voix (19,0%) en 1995 à 80005 voix (20,2%) en 2002. Si l'on se rappelle qu'elle récoltait 107 692 (19,8%) en 1988 on constate que Le Pen a perdu 13% de ses voix sur le 93 depuis 1995, et 26% depuis 1988 ! Qui en parle ? Dans un certain nombre de communes symboliques, non seulement Le Pen (+ Mégret) diminue en nombre de voix, mais également en pourcentage : Dreux, Vaulx en Velin, Mantes la Jolie, Gennevilliers etc.
L'analyse véritable, qui mériterait d'être approfondie, c'est qu'il y a une nette diminution dans des secteurs populaires de tradition ouvrière, et un progrès incontestable dans d'autres régions. Mais déjà, présenter les choses comme cela c'est aller à contre-courant et forcer une réflexion différente.
L'intoxication est partie de la peur panique de la petite-bourgeoisie intellectuelle. Elle a ensuite été entretenue consciemment, quelques exemples : un article du Monde du 28 avril décrit le drame des électeurs FN au Val Fourré (Yvelines) sans préciser une seconde que l'extrême-droite y diminue en voix et en pourcentage (commune de Mantes la Jolie, 2071 voix et 20,5% contre 2888 voix et 22,9% en 1995). Un prétendu sondage des RG fait des ravages sur Internet en affirmant que Le Pen est crédité d'un score de 42% (faux monté de toutes pièces). Artistes, intellectuels se succèdent en rafale sur les écrans et aux micros pour nous traiter de tous les noms si nous osions une seule seconde envisager de ne pas voter Chirac… Pas une voix contradictoire, pas un doute, pas une question : c'est le rouleau intoxicateur du système politico-médiatique qui est en marche…

Les raisons ? Elémentaire mon cher Watson ! Un tel matraquage a pour intérêt à la fois de masquer le désastre de Jospin, les progrès de l'extrême-gauche et de rassembler autour de Chirac. Tout le monde (du point de vue politiciens…) y trouve son compte et les journalistes sont aux bottes.


La décomposition du système parlementaire

Seize candidats, un éparpillement incroyable, un président sortant à moins de 20%, Jospin balayé, des abstentions massives voilà la vraie carte électorale, c'est à dire le désaveu flagrant de la bourgeoisie au pouvoir. Quelle que soit la face de la pièce (droite classique, ou social-démocrate), les vingt ans de socialo-gaullisme ont provoqué un gigantesque rejet, non seulement dans les secteurs les plus défavorisés, mais aussi dans de larges secteurs de la petite-bourgeoisie.
Pourquoi y a-t-il eu six candidats dans la droite classique (Chirac, Bayrou, Madelin, Saint-Josse, Lepage et Boutin) ? Pourquoi y en a-t-il eu cinq dans la gauche classique (Jospin, Taubira, Chevènement, Hue, Mamère) ? Tout simplement parce que chaque fraction a bien senti qu'il y avait un malaise à défendre tel quel le bilan du couple infernal Jospin-Chirac, et espérait conserver une influence en présentant une image un peu différente, moins compromise.
Le résultat du premier tour a accentué cette décomposition : il n'y a strictement plus aucun débat sur le fond, seulement une discussion en termes de désistement, de jeu politicien, de vote utile ou pas. Et on peut être certain que les législatives aboutiront une nouvelle fois à renforcer cette tendance avec les triangulaires ou quadrangulaires que l'on peut imaginer (qui profiteront évidemment à la social-démocratie, comme en 1997 !)
Une nouvelle fois, nous voyons tous (pour qui veut bien enlever ses lunettes de soleil) que cette démocratie n'a rien à voir avec celle des travailleurs et des secteurs populaires. Plus que jamais, les élections apparaissent, jusqu'à la caricature, comme le lieu de règlements de compte entre divers courants bourgeois. Plus que jamais, il apparaît que notre terrain est celui de l'organisation, dans les entreprises, les quartiers, les associations pour construire notre camp et affirmer notre présence.


La confusion de nos dirigeants politiques

La domination des gouvernants n'est pas en cause, tout va (encore) bien pour eux de ce côté là. Les résistances sont éclatées, souvent le dos au mur, l'influence des partis ou syndicats réformistes reste forte.
Mais il faut comprendre ce qui se passe avec cette décomposition.
Il n'y a pas de vrai désaccord sur les mesures économiques. Au contraire, l'accord est général et profond. C'est le PS qui a été le fer de lance de la financiarisation avec la relance de la Bourse et des stocks options. C'est le PS qui a été le fer de lance du libéralisme avec les privatisations. C'est le PS qui a été le champion de la flexibilité avec les 35 heures. C'est le PS qui prépare les fonds de pension, et vient de signer à Barcelone la retraite à 63 ans et la privatisation de EDF. C'est encore lui qui se fait le champion des liens entre l'école et l'entreprise. Tous, de Hue à Boutin sont d'accord à ce propos (nota en passant : la CGT Energie est d'accord avec la privatisation partielle d'EDF).

L'enjeu est autre. Les bourgeois n'arrivent pas à accoucher d'un nouveau projet consensuel sur les plans politique et idéologique, pour construire le ciment, le système d'idées capable d'unifier autour d'eux la société dans un projet commun.
Il y a un décalage entre la société moderne : le capitalisme mondialisé, précaire, flexible et individualiste et les valeurs idéologiques encore bien ancrées que sont Travail, Famille, Patrie et Collectivité qui font les choux gras de Le Pen. L'idéologie bourgeoise est en retard sur la réalité et ses transformations depuis vingt ans !
La droite classique est ringarde. La droite moderne (social-démocrate) est mal calée entre libéralisme et un discours social qui apparaît comme factice. D'où la multiplicité des candidatures et des discours dans la bourgeoisie, les projets de recomposition partidaires (la nouvelle " UMP "). D'où les projets de VIème République qui fleurissent ça et là.
Jospin paye sa politique, mais la droite aurait tort de se réjouir, c'est autant sa défaite que la sienne. La confusion a encore quelques beaux jours devant elle, qui sont pour nous un puissant terrain d'appui.


Il n'y a pas de défaite du mouvement ouvrier et populaire

" La nouvelle percée du Front National constitue une défaite pour tout le mouvement ouvrier et démocratique " (déclaration du BP de la LCR). C'est doublement faux : d'une part il n'y a pas percée du FN, mais progression différenciée. D'autre part il n'y a pas de défaite.
Quelles tendances peut-on dégager des résultats ?
1) Dans les zones ouvrières et populaires, l'abstention est massive, entre 35% et 40%. Si l'on compte les non-inscrits (8 à 10%) et la fraction immigrée qui ne vote pas, c'est la majorité des adultes qui ne s'est pas prononcée.
2) Ces secteurs ont massivement déserté Jospin, le laissant en troisième position à 16%, alors que le total des voix de gauche et d'extrême-gauche est souvent supérieur à celui de 1995.
3) Le PC s'effondre, au profit de l'extrême-gauche.
4) Les nouvelles voix populaires de l'extrême-droite traditionnelle viennent de la droite classique, qui perd massivement des voix. D'ailleurs, il est important de préciser quand on parle du vote " ouvrier " de Le Pen, qu'il ne s'agit pas de n'importe quels ouvriers : contremaîtres, chefs d'équipes, professionnels qualifiés formant ce que nous appelons l'aristocratie ouvrière et bien connus dans toutes les usines en particulier pour leur racisme. Enfin, les transferts de votes ouvriers traditionnels vers l'extrême-droite sont globalement faibles et le fait de secteurs qui se sentent totalement abandonnés et méprisés par les gouvernements successifs…

Il y a désaveu massif de la bourgeoisie au pouvoir, quelle que soit sa couleur, rose ou bleue. Et radicalisation politique tant des franges progressistes qu'arriérées du mouvement populaire. C'est le signe d'une politisation croissante, liée au renouveau du mouvement des luttes que nous constatons depuis quelques années.


Il n'y a pas de danger fasciste

Le Pen est présent au deuxième tour non pas du fait d'une quelconque percée, mais à cause de l'effondrement de Jospin et de son désaveu.
Revenons sur sa progression que nous disons " différenciée ". Nous avons déjà donné quelques exemples (Seine Saint-Denis, les villes où il diminue en pourcentage). Nous pourrions faire une longue liste des villes ouvrières où l'extrême-droite a diminué en nombre de voix (alors qu'elle augmente de 900 000 voix au plan national, rappelons-le) : outre la Seine Saint-Denis, on peut citer Nanterre, Vitry, Argenteuil, Sartrouville, Les Mureaux, Creil, Vénissieux, Saint-Priest, Le Havre, Saint-Etienne, Le Petit-Quevilly, Saint-Etienne du Rouvray, Rive de Gier etc.…
En parallèle, Le Pen a progressé dans le Sud-Est, et dans de nombreuses régions de l'Est, parmi une population abandonnée, souvent les ouvriers des petites boîtes, les paysans hostiles à l'Europe et bien sûr le fond permanent d'artisans, commerçants et retraités qui sont le socle de l'électorat lepéniste.

En gros, le score de l'extrême droite depuis 1995, c'est une bulle qui dégonfle et s'élargit. C'est un courant idéologique réactionnaire, non organisé, assez désespéré et à la recherche de boucs émissaires expliquant ses difficultés : les immigrés qui piquent le travail, les jeunes qui créent l'insécurité et Bruxelles qui ruine les paysans ou écrase les artisans de réglementations.

Danger fasciste ? Certainement pas. Pas d'appareil organisé et efficace, hormis peut-être dans le sud-est, Mégret l'a mis en pièces. Pas d'influence syndicale ou associative notable. Encore moins de bandes armées pour faire régner l'ordre… Même les skins ont disparu ! Quant à la base économique, c'est une plaisanterie : Le Pen propose un capitalisme artisanal, autarcique et nationaliste, parfaitement à l'opposé de toutes les tendances à la mondialisation et à l'internationalisation. Quand il propose la disparition des impôts, il montre sa fibre ultra-libérale.
La peur panique de la petite-bourgeoisie

« Abstention pièges à cons », « Votez escroc, pas facho », « ceux qui s'abstiennent ou votent nul font le jeu de Le Pen », « ce sont des lâches », les petits bourgeois intellectuels sont complètement paniqués.
Eux qui ont une vie un peu plus correcte que d'autres, le sentiment de la liberté et d'avoir choisi leur destin, les voilà qui s'affolent à l'idée même que leurs petites libertés individuelles soient en danger. Ils ne prennent même plus le temps de réfléchir, brandissent l'insulte à défaut de la réflexion dès qu'on les conteste, pourtant faits à l'appui !
Les voilà aussi en train de donner des leçons de démocratie à tous les ouvriers qui subissent depuis des années les attaques des gouvernements successifs, pour lesquels ils n'ont souvent pas bougé le petit doigt ni eu la moindre pensée.
Les ouvriers progressistes sont souvent voté extrême-gauche, c'est une excellente nouvelle.
Aujourd'hui, malgré le rouleau compresseur médiatique, ils ne voteront pas Chirac.
C'est la preuve de leur maturité !
La bourgeoisie, dans ses quartiers comme Paris 7ème, Aix en Provence, Neuilly ou Saint-Cloud a fait son choix : c'est dans ces communes que le score de l'extrême-droite est le plus faible. Le MEDEF a aussi choisi, c'est le sens de l'intervention de Seillères.

Il n'y a pas élargissement, mais radicalisation d'un vote populaire progressiste

Le phénomène est double : d'une part l'effondrement du PC, que nous ne pleurerons pas, c'est lui qui a creusé sa tombe. D'autre part la percée (le mot est alors là exact) de l'extrême gauche : 10,5% au plan national, jusqu'à 18,3% dans les villes ouvrières (Le Petit Quevilly en Seine Maritime). Dans de nombreuses communes, le total dépasse 14% : Hérouville Saint-Clair, Saint-Etienne du Rouvray, Sotteville lès Rouen, Saint-Nazaire, Rezé, Clermont-Ferrand…
Si l'on se rappelle qu'en 1995, la candidature de Arlette Laguiller était soutenue par toute l'extrême gauche, on peut dire qu'il y a la progression à la fois de Lutte Ouvrière, plus dans la classe ouvrière, et de la LCR, plus dans la petite-bourgeoisie et chez les jeunes.
Le bilan de Jospin est là dévastateur : c'est l'effet des 35 heures et des milliers de grèves à son propos, de la politique d'éducation avec Allègre, la grève des lycées professionnels, les mouvements d'instituteurs à Paris, dans l'Hérault, la Loire Atlantique, les licenciements maintenus (Danone, Moulinex, Cellatex, Vilvoorde…) et la politique sécuritaire de Jospin (la Loi sur la Sécurité Quotidienne récemment votée) qui ont provoqué cette radicalisation, qui est véritablement le phénomène marquant de ces élections, quoi qu'en disent les médias.

Cette radicalisation ne se double pas vraiment d'un élargissement : le total des voix du PC et de l'extrême-gauche est relativement stable d'une élection à l'autre, y compris si l'on prend commune par commune. C'est le signe que pour l'instant, ce secteur combatif se politise mais n'est pas encore capable d'entraîner les larges masses derrière lui.
On peut imaginer que ce résultat va temporairement diminuer sous l'effet du rouleau intoxicateur " antifasciste ", du style " quelle connerie j'ai faite de voter extrême-gauche ". Mais la base restera, et renforcera ceux qui de plus en plus nombreux ouvrent les yeux. Le renouveau militant est flagrant, qu'il s'agisse d'anciens militants un peu sur la touche ou des jeunes qui en quelques jours ont surgi à la politique à la faveur des manifestations anti Le Pen.

L'heure est venue de se décider : continuer à être spectateur,
ou s'engager à nos côtés !

Notre adresse e-mail : vp-partisan@caramail.com