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Oubliez la Flandre unilingue. L'avenir est à Bruxelles polyglotte (DIOGENE(S) 5)
by jp everaerts Friday April 19, 2002 at 11:06 AM
mediadoc.diva@skynet.be

Le 700e anniversaire de la Bataille des Eperons d'Or approche. Les média flamands nous inondent d'histoires édifiantes à propos des événements qui se sont déroulés en 1302. Les historiens se bousculent pour partager leurs interprétations de notre passé glorieux. Yves Desmet démolit les critiques des fêtes populaires que Bert Anciaux & Co veulent organiser à l'occasion de la Fête de la Communauté Flamande, le 11 juillet.

"Les flamands, même ceux qui s'estiment cosmopolites, multiculturels et larges d'esprit, sont devenus des vieilles scies". C'est ainsi que Desmet lance son attaque contre Kurt Van Eeghem, qui avait osé faire une satyre des fêtes populaires flamandes du 11 juillet. Desmet montre ainsi qu'il est bien le vassal de Patrick Dewael, Ministre-Président de la Communauté Flamande, qui déclara : "Nous devons nous demander pourquoi les gens n'ont encore jamais eu la vie aussi facile, alors qu'ils ne nous l'ont encore jamais autant reproché."

Dewael raisonne comme si c'était lui qui avait offert tout ce bien-être aux flamands. Toutes sortes de gens peuvent voyager gratuitement en Flandre, mais est-ce Dewael qui paie tout ça de sa poche ? Ou est-ce plutôt la population, qui peut travailler toujours plus, avec des conditions de travail toujours plus précaires (même dans les administrations) ?

Les problèmes liés à notre environnement dopé au purin et aux gaz d'échappement – « Les Flamands se plaignent toujours plus de leur environnement » (De Morgen, 28/03) –, additionnés au coût économique et social de la mondialisation néo-libérale (stress, insécurité de l'emploi…) semblent échapper à Dewael et Desmet, qui tous deux bénéficient d'un salaire plus que moyen.

Il ne faut pourtant pas être communiste pour voir ces problèmes en face. Dans le Knack du 27/03, Rik Van Cauwelaert disait que "le désespoir politique n'a jamais été aussi profond, non seulement chez nous, mais aussi ailleurs en Europe (…). Ce désespoir est lié au constat que le gouvernement, l'état, abonne de plus en plus les contrats qu'il avait établis avec ses citoyens ; des contrats concernant la justice, la sécurité, l'enseignement, les soins de santé, les services publics."

De Standaard titrait le 28/03: "Le gouvernement sous-estime l'irritation qu'il suscite auprès du citoyen." Cet abandon ne concerne pas seulement ‘les gens des quartiers pauvres', il touche de plus en plus leurs voisins plus aisés. Et alors ces gens votent toujours plus nombreux pour Pim Fortuyn & Filip Dewinter…

Alors que le gouvernement se retire du jeu (cf. les restrictions budgétaires tant au niveau fédéral qu'au niveau de communautés ; pourquoi ne pas percevoir les taxes de manière plus efficace?), le gouvernement flamand reste prétentieux. Prétextant le principe «ce qu'on fait soi-même, on le fait mieux», ils continuent à dépouiller l'état belge pour faire gober le ‘discours flamand' aux citoyens. Car malgré des décennies de propagande flamande dans les média, la plupart des Belges néerlandophones se sentent encore belges avant tout. Comment déclarer cela ?

Permettez-moi de donner ma propre interprétation de ce phénomène (vous trouverez bien votre propre variante…). Je viens de Zoutleeuw, tout près de ce qui aujourd'hui s'appelle la ‘frontière linguistique', aux antipodes du Limbourg et tout près de Liège. Là-bas, les gens ne comprennent pas un mot de la langue que parlent les ‘Vlaaindereers' (Flamands Occidentaux et Orientaux). Mais par contre, de nombreux habitants comprennent leurs voisins francophones. Et ce, depuis des générations. Mon grand-père ne savait lire ni écrire, mais il travaillait dans les mines de charbon à Liège. Encore une expérience personnelle : lorsque j'habitais à Gand, j'étais considéré comme un étranger à cause de mon accent limbourgeois. Pour ne par mentionner les blagues flamandes à propos des Limbourgeois (NDT : les ‘flamands' considèrent les limbourgeois comme un peu simple d'esprit et lents)… Pour moi, c'est simple : si la Flandre doit être indépendante, alors il faut aussi un Limbourg indépendant (réunifiant le Limbourg Belge et Néerlandais, bien entendu).

Les lignes de démarcation à l'intérieur de la Flandre peuvent être appuyées historiquement : le Duché du Brabant était rattaché durant des siècles au Saint Empire Romain, le comté de Flandre était rattaché à la France, et le Limbourg faisait partie de la Principauté de Liège…

La Belgique néerlandophone n'est donc pas synonyme de la Flandre. Par ailleurs, les tentatives pour faire coïncider ces termes sont très récentes. En 1964, on publiait encore un A.R. «pour soutenir la culture cinématographique néerlandophone»…

Entre-temps, un gouvernement et un parlement flamands furent mis en place. Mais les politiciens qui y travaillent quotidiennement doivent enfin comprendre qu'on ne changera pas le sentiment d'appartenance nationale de six millions de personnes.

Dans quelques décennies, se ne sera d'ailleurs plus nécessaire. La fiction d'une ‘région flamande' unilingue ne pourra pas être maintenue dans un monde multiculturel (à moins d'utiliser les méthodes du Vlaams Blok). Le ‘principe de territorialité' (le territoire détermine la langue du gouvernement) sur lequel est basé notre état fédéral, implique que les minorités parlant d'autres langues ne sont pas reconnues. A l'étranger, on considère cela comme une ineptie. Car lorsqu'il s'agit des francophones habitant près de Bruxelles, la ‘Flandre' voudrait que ça change. Ce qui maintenant est remis en cause par l'Europe.

De plus, grâce aux logiciels de traduction (qui prendront un peu de retard après l'effondrement de Flanders Language Valley – nom qui montre bien la place proéminente qu'a pris l'anglais en Flandre), les langues seront de moins en moins considérées comme des barrières.

Par ailleurs, la Flandre ne pourra jamais se faire sa place sur la scène internationale. Lorsque la Belgique disparaît, c'est en effet Bruxelles qui prend le pas. On l'a déjà vu pour notre compagnie aérienne nationale. Et puis, c'est Bruxelles qui est mentionnée parmi les ‘global cities'. Sur les chaînes étrangères telles que CNN, c'est de ‘Bruxelles' qu'on parle, et pas de ‘la Flandre'.

Le processus d'étatisation de la Flandre inclut Bruxelles comme capitale, même si la ville n'en fait pas vraiment partie (voyez par exemple les avantages fiscaux dont bénéficient les ‘Flamands', mais pas les Bruxellois qu'ils soient francophones, néerlandophones ou autres). Cette construction sera dépassée avant d'être bel et bien mise en place. On ferait mieux de ne plus y investir autant de temps et d'énergie. Arrêtons de tolérer cette quête néfaste et rebellons-nous en désertant ce mirage Flamand et en favorisant un polyglottisme multiethnique.

Vive la joie de vivre Belge !

Jan-Pieter/Jean-Pierre Everaerts

P.S. Si on laisse faire les nationalistes, les Bruxellois se trouveront face à un choix déchirant. Le ministre de la culture flamand Bert Anciaux veut (à l'opposé de son père Vic) imposer la ‘subnationalité' à Bruxelles, obligeant les Bruxellois à choisir entre les Communautés Française et Flamande (cf. ‘Brussel Deze Week' du 28/03). Si ça passe, on peut sortir de nos greniers le film ‘Le Mur' d'Alain Berliner, car comment pourrons-nous séparer les Belges francophones des néerlandophones ? Ou jouerons-nous à nouveau une partie de ‘scilt en vrind' (NDT : lors des Matines de Bruges en 1301, les francophones étaient ‘démasqués' parce qu'ils ne parvenaient pas à prononcer les mots ‘scilt en vrind') ?

Ce texte sera publié dans le numéro 5 de DIOGENE(S). Voici le contenu de ce numéro 5:

INHOUD/CONTENU DIOGENE(S) 5

Column
Anders talen leren / Enseigner autrement les langues, Marc Cools

MEDIA & ANTIGLOBALISTS
Discrétion des médias officiels face à la manifestation gigantesque de Barcelona, LTy
Woodstock' van antiglobalisten door media doodgezwegen / Dieter Lesage: een ander vezet is mogelijk / JP Everaerts
De antwoorden van het antiglobalisme volgens Dirk Barrez, JP Everaerts
Noam Chomsky: Une nouvelle 'Internationale' ?
Porto Alegre II, Gesprek met Stefaan Declercq (Oxfam), Georges Spriet

NO MORE HEROES ?
Inleiding / Introduction
'Rotten', Didi De Paris
A propos de Karl Krauss et du journalisme, Pierre Bourdieu
No more heroes ? - Heldendossier, Van Zorro tot Che, JP Everaerts

MEDIA(S) & DEMOCRATIE
Inleiding / Introduction
Italie: La botte à la botte, Gilles Martin
Mensen zijn geen varkens ! Linkerzijde kan heel wat leren van de 'Leefbaren', JPE
Misdaad.nl, Elisa Breuer
De suprematie van het Westen, Willy Courteaux
Vrijheid, gelijkheid, solidariteit - 'Hoezo democratie ?' JPE
Enkele bedenkingen over democratie in België en Europa, Jos Verhulst
Het publiek praat ook (publieksparticipatie op televisie), Nico Carpentier
Hoe kritisch kijken jongeren televisie ?, JPE
'Derde Wereld te vaak bron van slecht nieuws', Studenten Katho Kortrijk
L'info et les jeunes ados, Martha Reguiero
"La proletarisation du journalisme française"

FEMMES & MEDIA(S) & VROUWEN
Inleiding: Gelijkaardige strijd voor gelijkwaardigheid en vrijheid / Introduction: Une lutte semblable pour l'équivalence et la liberté
Franse vrouwensites, Kristien Vermoesen / Sacha Kullberg
Vrouwenfilms scoren hoog in 'Sundance', Kaat Cleenewerck
Britney & de grote vrouwentruuk van De Morgen, JPE + reactie vrouwelijke redacteurs van De Morgen
"Schaarbeekse 'Sex Bom' tegen extreem-rechts ?, recensie van Miel Van Hoogenbemts documentaire "Miss in Dreams"; JPE
Action du R.A.P. contre reclame sexiste, Philippe Mazy
Le Pub dans les lieux publics est antidémocratique, Arty

VERS GEDRUKT / NOUVELLES PUBLICATIONS
Michael Parenti's 'Zwarthemden en roden', Jacques Pauwels
Wallonie Flandre, Des regards croisés, Dave Sinardet

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