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Israël: dans le mur
by Michel Warschawski Thursday April 11, 2002 at 02:13 PM

Situation de plus en plus dramatique au Proche-Orient: le point de vue quasi désespéré de Michel Warschawski, figure de la gauche radicale israélienne.

Dans le mur

"Aujourd'hui, jeudi 4 avril, je viens d'apprendre que l'armée israélienne
est entrée dans la basilique de la Nativité à Bethléem, geste tabou. Qui
dit que demain ils ne seront pas prêts à monter un attentat contre la
mosquée d'al-Aqsa et à se mettre à dos un milliard de musulmans? Et ça, ça
ne serait jamais pardonné. Ce n'est pas une journée d'espoir. Je suis, je
ne veux pas dire désespéré, mais extrêmement angoissé de ce qui va se
passer dans les jours à venir.
Le bureau de Bethléem du Centre d'information alternative, que je préside,
a été saccagé avant-hier par l'armée. Tsahal saccage tout sur son passage,
écrabouille les voitures, renverse les poteaux électriques, et dans le
bâtiments qu'elle veut investir, elle place des explosifs sans même frapper
à la porte. Les exécutions sommaires de Palestiniens par l'armée sont
confirmées de part et d'autre, y compris par des sources fiables, mais il
est impossible d'avoir un chiffre exact. Des personnes ont été tuées à bout
portant, d'une balle dans la tempe. L'un des collègues de notre centre de
Bethléem m'a raconté avoir ainsi vu le corps du chef d'orchestre de la
police palestinienne. Pas le genre à se promener avec un bazooka. J'ai
aussi parlé avec le directeur de l'hôpital de Bethléem, qui m'a dit que
jamais son hôpital n'a été aussi calme, parce que les ambulances ne peuvent
pas y parvenir. Comme il a de l'humour, quand je lui ai demandé "Alors,
qu'est-ce que vous faites?", il m'a répondu "On joue aux cartes."
Depuis un an et demi, il y a un recul dramatique de l'opinion publique
israélienne en terme de mobilisation. Mais l'horreur de ce que les gens ont
vu et entendu est en train de recréer un sentiment d'urgence. Il y a des
rassemblements permanents devant le bureau du Premier ministre, des
manifestations devant le ministère de la Défense quasi tous les jours... Il
faut sortir de la routine de la protestation habituelle. De même que
l'armée a rappelé ses réservistes, il faut que nous rappelions les nôtres,
ceux qui sont d'accord mais qui sont fatigués, ceux qui disent "Je viendrai
la prochaine fois"... Il y a un nombre significatif d'Israéliens qui savent
que, s'ils ne réagissent pas, s'ils ne manifestent pas leur colère, leur
rejet de cette politique, ils deviennent complice.
Or, des crimes de guerre sont commis quotidiennement. Même le procureur de
l'armée, responsable du département juridique de l'armée, a envoyé, il y a
à peu près un mois, avant la dernière offensive, un rapport au chef du
secteur opérationnel en le mettant en garde contre les dangers collatéraux
résultant d'un usage disproportionné des moyens et de l'objectif. C'est
pourtant une des règles des conventions internationales qui régissent la
guerre. Ce qui est surprenant, c'est qu'on en parle plus en Israël que dans
les médias internationaux. Le mouvement des soldats a beaucoup fait pour
cela. Des tracts ont été distribués aux soldats et réservistes leur disant:
"Attention! Attention! Tel et tel acte sont des crimes de guerre, selon la
convention de Genève. Tu as non seulement le droit mais le devoir, d'après
la loi israélienne, de dire non."
Aujourd'hui, j'ai le sentiment qu'Israël est une machine folle, avec des
conducteurs ivres qui brûlent tous les feux rouges, en fonçant droit dans
le gouffre. La meilleure biographie d'Ariel Sharon s'appelle d'ailleurs "Il
ne s'arrête pas aux feux rouges". C'est exactement ce que nous sommes en
train de vivre. Si on ne met pas un mur devant lui, on n'arrivera pas à
l'arrêter. C'est nous, les Israéliens, qui sommes avec lui dans l'autobus,
qui devons le stopper. Ainsi que la communauté internationale. Les
militants pacifistes ne prétendent pas remplacer ce que devraient faire les
États, l'ONU, l'Europe. Ces missions ne s'appellent pas "missions de
protection du peuple palestinien", mais de façon, à mon avis très
pertinentes, "missions civiles pour la protection du peuple palestinien".
Ce qui motive ceux qui viennent à Ramallah, Bethléem ou Naplouse rejoint
les motivations des brigades internationales pendant la guerre d'Espagne,
mais il y a une différence fondamentale: les brigadistes étaient venus se
battre, armes à la main. Les missions civiles viennent protester,
témoigner, parfois s'interposer. Les Palestiniens n'ont pas demandé de
soutien militaire. Ils demandent une protection.
Il y a une semaine, je n'aurais pas imaginé, non pas que Sharon soit
capable de faire ce qu'il fait, ni que Shimon Peres soit assez lâche pour
le laisser faire, mais que la communauté internationale laisse les choses
parvenir là où elles en sont.
Les États-Unis ont encouragé Sharon, cela s'inscrit dans leur croisade
contre le Mal. La réalité américaine est bornée, rétrograde. Ils se voient
comme la force du bien, et le tiers-monde - et surtout le monde islamique -
comme un monde de sauvages, qu'il faut dans le meilleur des cas mater, et
dans le pire réprimer. Georges Bush est un cow-boy. Il est dans un western,
profondément. Ce n'est pas une tactique, c'est une philosophie, une façon
d'être.
La semaine prochaine, je repars en Israël. Je vais prendre la mesure des
dégâts. Prendre des nouvelles. Je vais consacrer beaucoup d'efforts au
mouvement des soldats réfractaires qui refusent de servir dans les
territoires occupés, mouvement dont j'ai été l'un des initiateurs pendant
la guerre du Liban. Je ne suis plus réserviste, j'ai passé l'âge, mais le
directeur du centre à Jérusalem est actuellement en prison, car lui-même
réserviste réfractaire. Il y a beaucoup à faire. C'est très important. Tout
au long des dix-huit derniers mois, des soldats se sont retrouvés en taule
pour refus d'obéir. Il y a eu un déclic il y a trois mois, un saut
qualitatif créé par la violence de la répression. De nouveaux soldats nous
rejoignent, qui n'avaient pas signé la pétition un an plus tôt. Confrontés
à la réalité, y compris de ce qu'eux-mêmes ont été amenés à faire, ils
disent maintenant que trop, c'est trop."

Propos recueillis par Jade Lindgaard

Président du centre d'information alternative de Jérusalem, militant
pacifiste et vieux compagnon de route de la lutte pour la création d'un
État palestinien, Michel Warschawski vient de publier "Sur la frontière"
(Stock).

Alternative Information Center: http://www.alternativenews.org

Pétition des soldats qui refusent de servir: http://www.seruv.org.il

Interview de M. Warshawski
by (posté par zumbi) Thursday April 11, 2002 at 05:09 PM

Michel Warshawski était l'invité de Daniel Mermet, de l'excellente émission "Là-bas si j'y suis", ce 8 avril sur France Inter ... Ecoutez son interview ...

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entretien avec Michel Warschawski, militant de la gauche israélienne et président du Centre d'Information Alternatif à Jérusalem (A.I.C.), à l'occasion de la parution de son livre, "Sur la frontière" (Stock).

Peace
by Mélanie Scozzi Thursday April 11, 2002 at 07:22 PM
melanie_scozz@caramail.com

Il faut absolument agir pour arrêter cette folie !!!!