arch/ive/ief (2000 - 2005)

Procès Clabecq : ne pas attendre le verdict les bras croisés
by Jo Cottenier Wednesday April 03, 2002 at 03:14 PM

Nadia Moscufo est déléguée syndicale chez Aldi. Elle est aussi conseillère communale pour le PTB+ à Herstal. Fille de mineur italien, elle n'accepte pas que la «Justice» condamne des délégués et des travailleurs qui ont défendu l'emploi. A quelques semaines du verdict, elle appelle à manifester tous les vendredis devant le Palais de Justice de Liège. Solidaire l'a rencontrée.

Vous lancez un appel à manifester devant le Palais de Justice de Liège. Pourquoi à Liège et pas à Bruxelles?
Nadia Moscufo. Il y a différentes raisons. D'abord, parce que notre action va tomber après la fin du réquisitoire et des plaidoyers et qu'il n'y aura donc plus d'audience avant le verdict (voir aussi pp 8 et 9). Nous pensons qu'il ne faut pas attendre le verdict les bras croisés. C'est une période où il faut préparer les travailleurs et les syndicalistes à réagir vigoureusement à toute condamnation. Nous le voyons également comme une préparation pour aller tous à Bruxelles le jour du jugement. Mais nous savons qu'il y a un paquet de travailleurs et délégués qui vont venir plus facilement à une action régionale. De toute façon, la justice ou l'injustice est la même à Liège qu'à Bruxelles. Il s'agit surtout de susciter un mouvement pour exiger l'acquittement.

Depuis le début du procès des Treize de Clabecq, Nadia Moscufo, déléguée syndicale chez Aldi et conseillère communale pour le PTB+ à Herstal, fait tout pour qu'ils ne soient pas condamnés. Photo: le 4 mars 2002, manifestation devant le Palais de Justice de Bruxelles
(Photo Solidaire, Roland Teirlinck)
Quel écho a reçu votre appel jusqu'à présent? Suscite-t-il beaucoup de soutien?
Nadia Moscufo. J'en ai pris l'initiative, car je suis depuis longtemps ce procès et la lutte de Clabecq. Nous avons toujours été très nombreux au procès et nous avons souvent organisé des bus au départ de Liège. Je suis convaincue que la majorité des travailleurs ne veut aucune condamnation. Mais la presse n'a plus vraiment relayé cette persécution à laquelle les treize prévenus sont soumis depuis bientôt trois ans. Je voulais avertir les gens qu'on arrive à la fin et qu'il faut faire quelque chose. C'est un appel qui veut rassembler le plus largement possible dans le but de l'acquittement. Il y a pour l'instant une quinzaine de délégués de Cockerill, de Chertal, des cheminots et du CPAS de Liège qui ont rejoint l'appel, mais ils seront certainement suivis par d'autres.
Que voulez-vous dire aux magistrats?
Nadia Moscufo. Que dans cette affaire, il est impossible de juger sans voir qu'il s'agit d'un conflit social. Ceux de Clabecq n'ont commis aucun crime ou délit. Ils se sont mobilisés pour sauver leur entreprise et leur emploi. L'histoire sociale de Liège a montré qu'un combat social peut engendrer la violence, mais c'est toujours en réaction à la violence du système contre les travailleurs. Dans le cas de Clabecq, on ferait mieux de condamner ceux qui ont mené l'usine à la faillite et laissé l'outil à l'abandon. La Justice ferait mieux de s'occuper des vrais bandes, comme celle du Brabant wallon, qu'elle est en train de classer sans suite. A Liège, nous avons été confrontés à l'affaire de Julie et Melissa, à l'affaire Cools. Là, on ne cherche pas les commanditaires. Mais dans le procès de Clabecq on vise les «instigateurs», les «meneurs».
Quel lien voyez-vous entre le procès de Clabecq et les discussions sur les tribunaux et les droits syndicaux?
Nadia Moscufo. Tout ce qu'on leur reproche aujourd'hui, ils l'ont fait en tant que délégués. On ne peut défendre les droits syndicaux et laisser condamner tranquillement les délégués de Clabecq. L'accord conclu avec les syndicats sur le droit de grève soulève beaucoup de contradictions dans le syndicat. La majorité n'accepte pas qu'on vende le droit de grève pour quelques miettes. Dans une lutte sociale, nous avons besoin de la goutte qui fait déborder le vase, car c'est ça qui fait notre rapport de force. Mais tous ceux qui appliquent sérieusement la devise syndicale de défense de l'emploi risquent d'être confrontés à la gendarmerie et aux interventions des tribunaux. Ce que subissent aujourd'hui les gens de Clabecq, on veut le généraliser avec la proposition Onkelinx.
La FGTB nationale garde le silence pour l'instant. Quel message lui adressez-vous?
Nadia Moscufo. Elle ne s'est pas toujours tue. Nollet disait dans le temps qu'il fallait arrêter cette mascarade. Mais il n'a jamais été conséquent avec ses paroles. Car si on veut vraiment l'arrêter, il faut mobiliser. La Justice veut donner un signal fort à tous ceux qui veulent lever la tête. Les syndicats devraient donner un signal fort pour montrer qu'ils ne vont pas le tolérer. D'autre part, je pense que la direction nationale n'est pas en-dehors du monde. Chaque délégué ­ où qu'il soit ­ a maintenant le devoir de mettre cette question sur la table. C'est comme ça qu'on parviendra à imposer la mobilisation.
* A partir du 12 avril à 18h, et tous les vendredis, jusqu'au verdict · Manifestation devant le Palais de Justice de Liège. Info: 0486/79.70.94 ou nadia.luca@swing.be.
Agenda de solidarité avec les Treize de Clabecq

Jeudi 4 avril, 20h, Bruxelles
Café-concert - Daniel Hélin
20h · Enjeu du procès, avec Silvio Marra, Roberto D'Orazio et Jan Fermon (avocat)
20h45 · «Textes en résistance» avec Henri Mortier, Sandrine Bergot, Ben Hamidou, Anne-Marie Loop, Françoise Thirionet
21h30 · Francisco et Claude (Chili)
22h · Chorale de La Braise
22h30 · concert avec Daniel Hélin
23h · Andrea et Oscar (Chili)
23h25 · Matthieu Ha
Dès minuit · dj Protesta, dj Raoul et Bébert.
Centre International, Bd M.Lemonnier 171. Info: 02/504.01.61 ou http://www.internationale.be.
Org.: Comité Culturel pour les 13 de Clabecq.
Mardi 9 avril, 8h45, Bruxelles
Dernière audience
du procès Clabecq
Plaidoieries des avocats de la défense.
Rendez-vous à 8h45 devant le Palais de Justice, Bruxelles
Vendredi 12 avril, 18h, Liège
Manifestation
devant le Palais de Justice
Acquittement pour les Treize de Clabecq! La justice doit s'occuper des vrais criminels!
A partir du 12 avril à 18h, et tous les vendredis, jusqu'au verdict · Manifestation devant le Palais de Justice de Liège. Info: 0486/79 70 94 ou nadia.luca@swing.be.
Vendredi 12 avril, 19h30 · charleroi

Rencontre
avec les inculpés de Clabecq
Roberto d'Orazio, Silvio Marra, Lorenzo Butera et Fernand Fyon. Projection d'un film sur les moments forts de la lutte à Clabecq. A La Braise, rue Zénobe Gramme 21. Infos: 071/35.79.30
Vendredi 19 avril, 19h30 · Liège
Rencontre
avec les inculpés de Clabecq
Roberto d'Orazio, Silvio Marra, Lorenzo Butera et Fernand Fyon. Projection d'un film sur les moments forts de la lutte à Clabecq. A La Braise, rue Mathieu Laensberg 20. Infos: 04/227.73.50
Commémoration à Roux
du massacre de 1886
A l'initiative de la Centrale générale (FGTB-Charleroi), une centaine de syndicalistes et de travailleurs ont commémoré, le 27 mars, à Roux (Charleroi), la fusillade de 1886.
Des verriers, des travailleurs de la construction et du nettoyage, rejoints par les métallos de Caterpillar, de la Sonaca, des anciens mineurs, des représentants de la CGSP et une délégation de l'Acod (CGSP) du Limbourg, ont commémoré la fusillade des 26-27 avril 1886.
Ce jour-là à Roux, à la Place Wauters, 19 ouvriers verriers, sidérurgistes et mineurs furent assassinés par la Garde civique (la gendarmerie de l'époque). A l'exception d'un ouvrier de 53 ans, tous étaient de jeunes travailleurs. Certains n'avaient que 17 ou 18 ans. Les dirigeants syndicaux du mouvement, Falleur et Schmidt furent condamnés à 20 ans de prison.
En 1887, un an après cette révolte, la bourgeoisie vota une loi pour criminaliser les dirigeants ouvriers qui oseraient inciter les travailleurs à se révolter contre les méfaits du système capitaliste. Le fameux article 66 § 4, sur base duquel Roberto D'Orazio, Sylvio Marra, et leurs 11 camarades de Clabecq, sont poursuivis actuellement au Palais de Justice de Bruxelles pour leur lutte exemplaire contre la fermeture des Forges en 1996-1997. (MM)