Hommage à la Palestine by John Brown Monday April 01, 2002 at 07:43 PM |
johannesbrown@hotmail.com |
La main d'œuvre carcérale palestinienne est indispensable à l'économie coloniale israélienne : la preuve, Israël doit accepter des travailleurs palestiniens, même si parfois leur désespoir les fait exploser.
Hommage à la Palestine
Refusons la guerre, désertons le capitalisme
John Brown
1. La Palestine est le plus grand « centre fermé » de notre planète. Un centre fermé qui dénie à tout un peuple le droit à la terre. De la même façon que les états de la gouvernance impériale refusent tous les droits aux réfugiés qui fuient la catastrophe néolibérale, l'état israélien refuse aux prisonniers des bantoustans palestiniens la possibilité de disposer de leur terre et les transforme tous en réfugiés ou en prisonniers de guerre. Dans ces conditions, ils peuvent être expulsés ou tués à tout moment par un pouvoir que ne reconnaît pas leur droit à la vie et à la terre. Ils peuvent juste survivre en tant que main d'œuvre corvéable par l'économie israélienne alors qu'il leur est interdit de maintenir et de développer leur propre économie.
2.La division de la Palestine en un confetti de petits bantoustans permet au pouvoir israélien de transformer la vie des Palestiniens en vie nue : une vie sans économie, sans véritable politique, sans aucune des caractéristiques d'une Cité humaine. Les Palestiniens, comme jadis les Juifs soumis au nouvel ordre nazi, sont devenus tout simplement des humains : privés de communauté politique, c'est le droit d'avoir des droits qui leur est violemment arraché.
3.La main d'œuvre carcérale palestinienne est cependant indispensable à l'économie coloniale israélienne : la preuve, Israël doit accepter des travailleurs palestiniens, même si parfois leur désespoir les fait exploser. Les explosions de travailleurs font partie des coûts de transaction d'une économie sauvage qui doit maintenir en Palestine un état permanent de non droit pour pouvoir disposer de la force de travail qui lui est nécessaire.
Israël est la métaphore de l'Empire global : un pouvoir qui impose la guerre permanente comme moyen de déstabiliser les populations pour mieux pouvoir les exploiter. La guerre n'est pas un accident de parcours du capitalisme. Si Jaurès avait pu dire en 1914 que « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l'orage », aujourd'hui l'orage est constant et ne peut ne pas l'être. Le capitalisme actuel a besoin à la fois de la totalité de la vie des individus, de leur intelligence, de leur sociabilité, de leurs affects et de la plus complète soumission de ces mêmes individus. Il faut au capitalisme notre vie et notre liberté et SIMULTANEMENT notre oppression et notre exploitation.
4.Ce paradoxe conduit à la guerre permanente qui est une guerre de destruction du tissu social et de l'autonomie du social. Comme un vampire qui devrait maintenir en vie sa proie pour pouvoir se nourrir de son sang, le capitalisme globalisé maintient et promeut notre vie à tous, tout en la maintenant dans les limites strictes de sa gouvernance. Toute tentative d'autodétermination est sévèrement réprimée et le pouvoir qui garde la vie, devient sans solution de continuité bourreau et tortionnaire. La guerre permanente est ce moment de contrôle absolu, qui fait de la gouvernance néolibérale un pouvoir d'exception. Le droit, les valeurs humanitaires, la liberté sont proclamés haut et fort par le pouvoir, ce qui ne le prive pas d'exercer la violence la plus débridée et meurtrière au nom des ces mêmes valeurs.
5.Nous sommes tous Palestiniens. Nous sommes tous des membres d'une société qui cherche sa terre et son autodétermination face à un capitalisme qui, tout en ayant besoin de nous, ne peut que nous les refuser. Cela n'a rien à voir avec un nationalisme, quoique des idéologies nationalistes résiduelles soient encore présentes dans les luttes. Nous sommes tous à l'intérieur d'un système qui n'a pas d'extérieur, parce qu'il n'a pas de limites. C'est un système fragile où les travailleurs potentiellement explosifs sont aussi indispensables qu'insupportables. Cette maladie essentielle qu'est le terrorisme n'est nulle part mieux visible que dans ces terribles explosions.
6.Mais à l'intérieur, il y a aussi et surtout la vie, l'amour, l'intelligence, tout ce qui ne peut se transcrire en termes de capital et dont le capital a cependant essentiellement besoin. Pour libérer ce potentiel, pour nous libérer, nous nous devons de refuser la guerre et de déserter la logique meurtrière du capital. C'est ce que font avec un courage qui n'a pas le moindre réflet dans les média impériaux quelques centaines de frères et sœurs qui sont maintenant en Palestine pour y défendre la vie, notre vie à tous, en défendant le peuple palestinien. Ils dénoncent ainsi le langage hypocrite de nos vampires et placent ce système devant sa contradiction la plus flagrante.
7.La « diplomatie par en bas » reconstitue le tissu social détruit par la guerre et l'économie capitaliste. Elle le reconstitue contre les états et les armées, en appelant à une démocratie sans limites face à la rhétorique impuissante des droits de l'homme. Le courage de placer son corps devant les chars de l'occupant, de dénoncer les meurtres, d'exiger que les blessés soient soignés et que la dignité des personnes soit respectée, s'oppose au racisme monstrueux de la « démocratie » coloniale israélienne, pour qui nos frères et sœurs de Palestine sont de la vermine à exterminer. Le discours raciste, distingue entre les « occidentaux » et les « musulmans », mais aussi entre les citoyens paisibles et le black block ou l'entourage diffus du terrorisme. Il n'a rien à voir avec les « races » biologiques, mais avec le droit de tuer. C'est le seul discours qui permette à un régime qui dit promouvoir la vie et les valeurs humanitaires de s'imposer comme souverain et, pas conséquent d'ôter cette vie même dont il tire sa légitimité politique et son profit économique.
8. La présence en Palestine en ces mois de mars et d'avril 2002 des internationaux du mouvement représente un véritable tournant dans la politique mondiale. Non seulement la brutalité de l'Empire et de son satellite israélien se trouve dénoncée, mais un nouveau réseau militant peut commencer à se développer en Palestine/Israël où nos sœurs et frères arabes et juifs pourront s'unir pour déserter la guerre de l'Empire. La vie, l'amour, le rire, même dans les camps où on veut nous vouer à la mort auront raison comme dans le film « La vie est belle » de notre ami Benigni d'un Empire laid et méchant (brutto cattivo).