«C'est le mouvement syndical et associatif qui est visé dans le procès Clabecq» by roberto d'orazio Tuesday March 05, 2002 at 05:18 PM |
Roberto D'Orazio s'est adressé aux manifestants venus le soutenir au Palais de Justice de Bruxelles ce 4 mars. Extraits de son discours.
Roberto D'Orazio. «En temps que gens de gauche, nous avons toujours eu confiance dans l'évolution de la nature humaine. Mais alors que nous sommes confrontés aux magistrats depuis quatre ans, je pense que ce n'est pas d'application pour eux. Dans ce procès, ils se basent sur une loi votée en 1887, après une révolte de la classe ouvrière qui mourait de faim et n'était pas encore organisée comme aujourd'hui. Il y a eu 34 morts et les leaders de cette révolte ont été condamnés à 20 ans de prison! Aujourd'hui, cent ans après ces événements, ils veulent faire la même chose et nous condamner sur base de la même loi, nous qu'ils traitent de chefs de bande et de provocateurs.»
Roberto D'Orazio. «Si je dénonce le fonctionnement de la Justice, par exemple, que je vous dis d'occuper le ministère (ne le faites pas, je précise tout de suite!) et que vous décidez de passer à l'action, je peux être condamné à 20 ans de prison! Au tribunal, j'ai appris que même si je ne le criais pas haut et fort mais que je le disais simplement à l'oreille de mon voisin et qu'il le faisait, je pourrais également être condamné!
Vous pouvez être condamnés pour avoir parlé à l'oreille de votre voisin!
(...) Quatre ans après notre combat, nous avons pu voir qu'ils ont fermé la phase liquide des Forges de Clabecq. Nous avions dit qu'ils traînaient les délégués devant le tribunal, afin de pouvoir démanteler l'usine les mains libres. A quoi a servi la lutte des travailleurs, pourrait-on se demander? L'usine a continué à tourner durant quatre ans avec des travailleurs surexploités. Mais le plus important est que la classe ouvrière apris conscience que lorsqu'on est bien organisé, on peut les faire reculer. Et si nous n'avons pu le faire jusqu'au bout, c'est que nous avions trop d'adversaires: les patrons, les banques, les pouvoirs politiques et ce que j'appellerai «l'incompréhension syndicale». Le syndicat n'a pas compris que les gens en ont marre des restructurations et qu'il faut laisser les délégations de base diriger la lutte. Ils ont cru que je voulais prendre la présidence de la FGTB nationale. Mais le fond est ailleurs. Aujourd'hui, on constate que quand une entreprise est en difficulté, on n'empêche pas la fermeture, on la gère. A la Sabena, ils ont tout fait pour empêcher même l'embryon d'une lutte.»
Dans les manifs anti-globalisation, il faudra aussi combattre les restructurations
Roberto D'Orazio. «J'ai participé aussi aux manifestations anti-globalisation. Au début, je croyais que ces gens voulaient que la terre ne soit plus ronde, mais carrée! (Rires). Les délocalisations, l'exploitation du tiers-monde existaient déjà quand j'étais plus jeune. Et les choses se passeront encore moins tranquillement à l'avenir. Si on manifeste contre ces injustices, on devra également se battre contre les fermetures d'entreprises, comme nous l'avons fait à Clabecq, comme d'autres l'ont fait avant nous et comme d'autres le feront encore. Ce procès n'est pas une attaque contre D'Orazio ou Marra, c'est le mouvement syndical et associatif qui est visé. Chaque représentant des travailleurs, mais aussi chaque responsable d'une association qui décide de s'organiser et de s'opposer à un point de la logique de ce système risque d'être à son tour condamné. Personne n'est à l'abri de l'article 66§4.»
Roberto D'Orazio. «Depuis le début du procès, nous nous sommes retrouvés devant de nouvelles personnes. D'abord devant le procureur, maintenant c'est l'avocat général et, parfois, ils parlent même de ministère public. Mais toutes ces personnes représentent la gendarmerie puisqu'elles peuvent donner des ordres aux gendarmes présents dans la salle. J'ai essayé de le faire aussi, mais ça n'a pas marché!(Rires)
Ils multiplient les moyens pour s'attaquer au monde syndical. Ils veulent nous faire croire qu'ils investissent dans la police pour empêcher les car-jacking. Mais comment on attrape un voleur de voiture avec des autopompes, des matraques et des gaz lacrymogènes? En fait, ils veulent combattre les les révoltes des travailleurs. Et pour ça, ils ne manquent pas de moyens. (...)
Quand nous avons proposé d'entendre des témoins de la région, qui nous ont bien connu et qui pouvaient replacer les événements dans leur contexte, le juge a refusé et a dit: «Je n'ai pas compte à vous rendre». Tout est dans cette phrase. Le problème de la justice, c'est qu'elle n'a pas de comptes à rendre à la population. Et c'est le problème auquel ont été confrontés, même si c'est dans un autre contexte, les parents d'enfants disparus, à qui la justice n'avait pas de comptes à rendre non plus. Il faudra aussi se mobiliser pour cette affaire car on est aussi en train d'accuser les parents de s'occuper de choses dont ils ne devraient pas se mêler.»
Prochaine audience: lundi 11 mars, 9h, Palais de Justice, Bxl.