Appel à l'Israël: faites la paix avec les Palestiniens, ou tout le monde est vu

Leonard Orntstein introduit l'interview en se demandant si depuis le 11 septembre, le nombre d'attentats perpétrés contre des bâtiments et individus juifs s'est accru. "Nous savions déjà que le monde musulman est agressif et xénophobe", rétorque le philosophe Alain Finkielkraut, "mais c'est seulement maintenant que nous nous rendons compte que nous avons de vais ennemis." Et il nous conseille de prendre garde du racisme des jeunes arabes.

Une intro qui en dit long. Mais qui est ce Finkielkraut pour lancer de telles affirmations?

** « Un penseur à contre-courant ? »

Ornstein plante le décor en décrivant la maison d'édition Gallimard. "Quand l'auteur y entre, tout le monde le salue comme s'il s'agissait de Dieu". Ce dieu est né en 1949 à Paris. Il est le fils unique d'un juif polonais qui a survécu Auschwitz. Mai 1968, il y était, mais plus tard il décrit les événements comme 'une absurde mascarade'.

Aujourd'hui Finkielkraut aime se décrire comme un 'penseur à contre-courant', c'est-à-dire qu'il ne pense pas 'à la française'. Par exemple, il est fort positif par rapport aux Etats-Unis, et pendant la guerre de Bosnie, il avait choisi le camp de la Croatie (alors que la France était pour les Serbes).

Finkielkraut gagne sa vie comme professeur de philosophie à la très élitaire Ecole Polytechnique à Paris. Il édite un magazine, et écrit des livres et des articles pour Le Monde.

Il résume le vingtième siècle, qui vit naître les camps nazis, comme "un siècle inutile".

** « Pourquoi nous haïssent-ils ? »

Lorsqu'on lui demande si le 11 septembre est synonyme du 'mal absolu', Finkielkraut répond que "nous devons nous réaliser que nous avons de véritables ennemis". La conférence de Durban sur le racisme (une semaine avant le 11/09) a, selon lui, "clairement démontré que le monde musulman est très agressif, xénophobe, haineux et très antisémite". Ensuite il en rajoute en expliquant que la conférence était terrible pour les juifs et en félicitant les Etats-Unis d'avoir quitté la conférence. "Les autre pays auraient dû quitter, eux aussi!" Comme vous le savez, c'est grâce à 'l'Europe', avec en tête notre Louis Michel, qu'un accord a pu être conclu.

Pour Finkielkraut, "c'est Durban est un tournant de l'histoire, bien plus que le 11 septembre." Et ce, parce que le sionisme était attaqué ouvertement à Durban.

Ce qui saute à l'oeil dans cette interview, c'est que Finkielkraut décrit les musulmans comme xénophobes et antisémites, sans jamais se poser la question du "pourquoi" de cette attitude. Le très savant Finkielkraut assumerait-il que le mal est inné chez les musulmans?

Finkielkraut est convaincu du fait que les coupables du 11/09 "ont derrière eux un énorme groupe. C'est un grave problème pour nous, en France. Nous sommes maintenant confrontés à un groupe d'immigrés, surtout des Algériens, qui haïssent la France. (...) C'est du jamais vu. Ces nouveaux-venus dans nos cités disent ouvertement qu'ils n'appartiennent pas à ce pays. Ils disent qu'ils détestent la France et qu'ils sont fous de Bin Laden." Ensuite il raconte comment lors d'un match entre la France et l'Algérie, le Onze de France ("la fierté de la France multiculturelle") fut hué par des dizaines de milliers d'immigrés, qui envahirent aussi le terrain. "Cet événement a semé la crainte chez beaucoup de monde."

Ici aussi, il ne cherche pas les "pourquoi".

Pourtant, Finkielkraut doit bien être au courant de la sale guerre qui se déroule en Algérie entre les fondamentalistes et l'armée, et qui prend en otage la population civile, qui ne peut que souffrit. Un peuple qui ne demande qu'à être débarrassé du régime corrompu qui le gouverne, mais qui reste au pouvoir grâce au soutien de l'ouest (où l'Algérie exporte son gaz).

Tout ça, les jeunes Algériens des cités le savent bien. En outre, ils sont encore souvent considérés comme des citoyens de second rang en France.

Mais le professeur Finkielkraut, qui gagne bien sa vie, en sait plus: "Ces gens [les immigrés] sont comme des enfants gâtés. Ils veulent avoir tout ce qu'ils n'ont pas et désirent toujours plus. Ils sont impatients et nihilistes. Pourtant, on leur a donné bien des chances. Ils vont à l'école où on leur offre une éducation. Ils ne doivent pas vivre dans des taudis, mais on leur donne des appartements. Et malgré tout ça, ils se considèrent comme des victimes et se comportent aussi en victime."

Finkielkraut semble oublier le fait, bien connu même au-delà des frontières françaises, que beaucoup de ces "cités" (pleines de blocs en béton gris) sont un désastre. La grisaille et le manque de perspectives déclarent beaucoup de frustrations.

** Y aller de main forte

Sur ce, Ornstein remarque que "en France, aussi, les intellectuels ne savent plus où donner de la tête face à de tels problèmes multiculturels". Finkielstein répond qu'"ils ont du mal à se faire à l'idée que les victimes du racisme peuvent être elle-mêmes des racistes. (...) Quelle position peuvent-ils bien prendre, maintenant qu'il s'avère que les immigrés détestent l'école en tant qu'institution, et avec elle, la France, les juifs, nos meilleures institutions, ... – tout cela, au nom de Bin Laden?"

Que faire? Finkielkraut: "Il faut tenir à nos principes. (...) Celui qui ne respecte pas les règles et les lois, doit être puni." La solution à tous les problèmes...

** Le mouvement contre les libertés

Pour terminer, Ornstein demande à Finkielkraut comment il réagirait si les gens lui disaient que tout ce qu'il raconte pourrait tout aussi bien venir de la bouche de Le Pen.

Finkielkraut: "Ce que je dis là n'a rien à voir avec le racisme".
Ca, c'est lui qui le pense...

Ensuite il parle des juifs qui sont attaqués par des jeunes maghrébins. "Ces immigrés-là dont les ennemis d'une société ouverte. Leur haine ne leur vient pas d'une attitude anti-impérialiste, non, il s'agit plutôt d'un mouvement contre les libertés. Ils ne font pas que désapprouver la liberté. Ils attaquent la civilisation dans son expression la plus élémentaire."

Pourquoi les Maghrébins s'en prennent-ils aux juifs? D'où leur vient cette haine contre les juifs? Finkielkraut pérore sans même se poser cette question. Il accuse ses opposants du pire crime: "une attaque contre la civilisation dans son expression la plus élémentaire". Et quoi si les Palestiniens -- dont les maisons sont rasées par les bulldozers des militaires israéliens, dont les dirigeants sont assassinés par des commandos de la mort israéliens, dont l'économie est bloquée depuis des années -- pensaient de la même manière à propos des Israéliens?

Clarifions le lien entre les Maghrébins et les Palestiniens: beaucoup d'habitants du monde arabe considèrent les humiliations portées aux palestiniens comme autant d'humiliations portées à tous. Ces humiliations leurs sont assénées par Israël, qui est technologiquement supérieur et qui bénéficie du soutien de la superpuissance qu'est l'Amérique, qui se permet de faire la loi à travers tout le monde arabe pour y chercher son pétrole.

** Rébellion des femmes à l'intérieur de l'islam

Quand Finkielkraut implique les femmes dans sa croisade, ça dépasse tout.

"Nous vivons dans une société civilisée en partie par les femmes. J'ose l'affirmer haut et fort. L'une des plus grandes différences entre l'Occident et le monde musulman, c'est la présence de la femme dans le domaine publique. A travers l'histoire de l'islam, la position importante de la femme a toujours été rejetée. Voilà encore une chose contre laquelle le monde occidental doit se protéger. Nous devons espérer qu'une rébellion des femmes aura lieu à l'intérieur de l'islam. Cela devrait commencer chez les minorités musulmanes dans les pays occidentaux."

Finkielkraut veut-il déchaîner une guerre civile au sein des sociétés musulmanes? Son appel est aussi naïf et idiot qu'il n'est scandaleux.

Naïf et idiot, parce qu'une telle rébellion n'aura pas lieu. Nul besoin de boule de cristal pour le prédire.

Scandaleux, parce Finkielkraut se pose en tant que protecteur des droits de la femme, sans comprendre la misère qu'il engendrerait. Les hommes et les femmes doivent ensemble et graduellement chercher à être plus égaux. Il est impossible d'imposer l'égalité. On l'a encore appris dans un passé pas si lointain, lorsque le Shah d'Iran s'est fait détester par ses mesures d'occidentalisation brusques et imposées. La réaction, une contre-révolution conservatrice a eu pour conséquence que la position de la femme s'est énormément détériorée.

Monsieur Finkielkraut aurait mieux fait de devenir historien plutôt que philosophe.

En outre, comme tous les critiques de l'islam, il ferait bien de voir ce qui se passe chez lui, et peut-être se rendrait-il compte que les traditions juives et chrétiennes ne sont pas spécialement favorables aux femmes, elles non plus. La femme juive est-elle vraiment l'égale de l'homme? Ou restent, par exemple, les femmes rabbin?

** Cui bono / Qui pourrait bénéficier de tout ceci ?

Après le 11 septembre, une question fut posée: "Et que penserions-nous si Bin Laden stationnait des troupes autour du Vatican, de la même façon que les Etats-Unis stationnent leurs troupes en Arabie Saoudite (le pays des hauts-lieux cultuels de l'islam)? Il faut parfois inverser les rôles pour comprendre la signification d'une situation donnée pour l'autre. Dans ce cas précis, pour comprendre comment le monde arabe est trop souvent humilié par l'Occident. Comprendre les autres, ressentir ce qu'ils sentent, c'est ce qu'on appelle l'empathie.

On a l'impression qu'à cause de l'Holocauste (qui en effet est 'unique' en tant que tentative organisée de manière industrielle d'éradiquer tout un peuple), beaucoup de juifs/Israéliens ne sont plus capables que de plaindre les leurs et sont devenus insensibles qux douleurs des autres. Ils ne semblent pas capables de comprendre ce qu'ils font subir depuis un demi-siècle aux Palestiniens, et indirectement, à tous les peuples arabes qui leur sont apparentés.

Vu que la lutte entre les juifs et les arabes semble de plus en plus se dérouler hors des limites d'Israël et de la Palestine, et tenant compte de la capacité destructrice sans cesse grandissante de l'être humain (pas seulement des Arabes, mais aussi des Israéliens et de leur allié américain), il est grand temps qu'Israël fasse la paix avec "l'underdog" Palestinien.

Sinon, par la faute des guerriers israéliens, le monde ressemblera de plus en plus à l'Israël, terrorisé et terrorisant. C'est peut-être le désir secret de quelques Israéliens de droite, d'hommes d'affaires rusés et de politiciens autoritaires du monde entier (genre Berlusconi, Poutine, et Bush). Nous n'avons pas besoin de philosophes de droite sans vision tels que Finkielkraut, qui emballent un tel programme de terreur dans de beaux emballages verbaux. On pourrait accuser Finkielkraut, qui sent vaciller sa position de juif, de vouloir rallier les Français autochtones à sa cause en usant d'une rhétorique centrée sur la liberté, sans pour autant faire la moindre autocritique, qui l'obligerait pourtant à avouer que les juifs prennent une mauvaise position face aux Palestiniens/Arabes. De cette façon, il parvient à semer encore plus de discorde en France. Sur les pas de Le Pen...

arch/ive/ief (2000 - 2005)